Intervention de Pascale Coton

Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale — Réunion du 9 mars 2010 : 1ère réunion
Rendez-vous 2010 pour les retraites — Audition de Mme Pascale Coton secrétaire générale adjointe et de M. Patrick Poizat conseiller confédéral en charge des retraites de la confédération française des travailleurs chrétiens cftc

Pascale Coton :

a d'abord réaffirmé la volonté de la CFTC de pérenniser les régimes de retraite par répartition ; la crise économique et financière a en effet clairement montré les limites d'un financement par capitalisation. Le système par répartition est le seul à tenir compte de la solidarité entre les générations et des droits non contributifs. Les produits de capitalisation ne peuvent se substituer à des dispositifs de retraite obligatoire ; ils doivent rester facultatifs car peu fiables.

Pour le secteur privé, la CFTC est attachée à une organisation duale avec une retraite de base, principalement assurée par la Cnav, et une retraite complémentaire gérée paritairement dans le cadre des régimes de l'association générale des institutions de retraite des cadres (Agirc) et l'association des régimes de retraite complémentaire (Arrco). Ce système nécessite à l'évidence aujourd'hui une évolution de ses paramètres et notamment de ses voies de financement.

La CFTC n'est pas favorable à l'hypothèse d'une réforme systémique. Le passage à un système par points conduirait à une fusion des retraites de base et des retraites complémentaires ce qui risquerait de mettre en danger la pérennité des régimes de retraite complémentaire ; en outre, un tel mécanisme n'apporterait aucune visibilité supplémentaire. Le passage à un système en comptes notionnels, tel que celui adopté par la Suède, présente l'inconvénient majeur de faire fluctuer le niveau des pensions en fonction de l'état des comptes du régime de retraite, de l'économie ou de l'espérance de vie. Avec la crise, le gouvernement suédois a d'ailleurs dû mobiliser des ressources importantes pour limiter la baisse du niveau des pensions mais il disposait de réserves, ce qui n'est pas le cas en France où la CFTC rappelle qu'elle s'opposera à toute utilisation anticipée des avoirs du fonds de réserve des retraites (FRR). Enfin, comme l'indique le dernier rapport du conseil d'orientation des retraites (Cor), aucun de ces deux systèmes ne permet de rééquilibrer les comptes de la branche retraite, ce que recherche aujourd'hui le Gouvernement.

La CFTC rappelle qu'elle a pris acte de l'allongement de la durée d'assurance nécessaire pour bénéficier d'une pension de retraite à taux plein, fixée par la loi Fillon de 2003 à 162 trimestres aujourd'hui et 164 trimestres en 2012. En ce qui concerne l'âge de départ à la retraite, la CFTC revendique pour tous les salariés la possibilité du libre choix ; elle écarte toute évolution de l'âge minimum de liquidation de la pension et souhaite le maintien des deux âges pivots. Ainsi, ceux qui le souhaitent, notamment ceux qui remplissent les conditions de durée d'assurance, doivent pouvoir partir en retraite à soixante ans. Par ailleurs, il est important de maintenir l'âge de soixante-cinq ans pour un départ à la retraite quel que soit le nombre de trimestres cotisés ; cet âge représente une garantie sociale auquel tout assuré doit avoir droit sans abattement. En outre, il convient de prévoir des conditions spécifiques en lien avec la pénibilité du travail.

Cet attachement aux principes fondamentaux de la retraite nécessite une adaptation du financement des régimes. Celle-ci ne doit toutefois pas obérer les priorités que sont l'emploi et la revalorisation des salaires. La dynamique des recettes conditionne pour l'essentiel l'équilibre des régimes. A cet égard, la CFTC souhaiterait que soit effectuée une évaluation sérieuse des répercussions des exonérations de cotisations sociales sur l'emploi et que, en tout état de cause, l'ensemble des allégements de charges soit compensé, au centime près, par le budget de l'Etat.

Pour le régime de base, la CFTC estime que la piste la plus juste consisterait à prévoir une augmentation de la CSG appliquée à l'assiette la plus large possible englobant l'ensemble des revenus ; un accroissement d'un point de CSG produit 11,5 milliards d'euros de ressources supplémentaires. Une partie de cette hausse devrait être clairement destinée à la branche retraite. Pour les retraites complémentaires, il n'est pas envisageable d'augmenter le niveau de cotisation sans attribuer de points en contrepartie, c'est-à-dire en prévoyant une baisse du rendement ; il faudra donc que la hausse des cotisations soit partagée entre les entreprises et les salariés.

D'une façon plus générale, l'équilibre des régimes de retraite, qui est un investissement social de long terme et répond à un projet de société, doit reposer sur une juste répartition de la richesse produite ; or, depuis trente ans, le partage de la valeur se fait au bénéfice des actionnaires et au détriment des salariés. Le FRR représente un engagement vis-à-vis des générations futures ; il est important que soient définies les échéances auxquelles il sera utilisé et que soient pérennisées ses modalités d'abondement.

a ensuite insisté sur l'opposition de la CFTC à toute remise en cause du niveau des pensions de retraite. Le minimum vieillesse, qui doit correspondre aux besoins d'une vie décente, devrait être équivalent à 100 % du Smic pour toute personne ayant effectué une carrière à taux plein. Il est impératif que soit mis fin au déficit structurel du fonds de solidarité vieillesse (FSV) et qu'une réflexion sur l'adéquation entre ses recettes et ses charges soit menée.

En matière de pénibilité, la prévention primaire est une priorité absolue ; l'approche de cette question ne peut se faire exclusivement sous l'angle de l'âge de départ à la retraite, ce qui justifie qu'elle soit traitée en dehors du problème des retraites. La CFTC regrette l'irresponsabilité du patronat sur ce sujet. La prise en compte de la pénibilité suppose une correction de l'usure au travail, ce qui signifie que doivent être mises en place des actions de prévention primaire en lien avec l'itinéraire du salarié et en fonction de son parcours d'exposition aux risques. Lorsque la prévention échoue, un principe de réparation doit trouver à s'appliquer : pour les personnes qui ont exercé un métier particulièrement pénible et dont l'espérance de vie se trouve réduite par rapport à celle des autres, un accès anticipé à la retraite grâce à un mécanisme de bonification doit être organisé.

L'emploi des seniors est une priorité qui nécessite un véritable engagement des entreprises ; il conviendrait de former et sensibiliser les personnels de recrutement et les cadres à la plus-value humaine qu'apportent les seniors. Les jeunes sont, de leur côté, soumis à une double peine avec une entrée tardive sur le marché de l'emploi et un risque de sortie bien plus tardive encore, tout en subissant un système de carrières hachées. Il est donc primordial de lancer une grande mobilisation pour l'emploi en recherchant les solutions les plus adaptées face au développement du chômage, de la précarité et de la pauvreté. L'un des meilleurs moyens d'augmenter les recettes de la sécurité sociale reste encore d'augmenter le nombre des cotisants.

Le régime de retraite des agents de la fonction publique est lié au statut général de la fonction publique ; une harmonisation de ses règles sur celles du régime général aurait pour conséquence une remise en cause de ce statut. Comparer les deux systèmes, qui se sont construits de manière différente, n'a pas de sens. Néanmoins, il faut souligner que l'alignement du nombre d'annuités nécessaires au bénéfice d'une pension, soit quarante et un ans, sera effectif en 2012. Le mode de calcul des pensions n'est pas comparable dans la mesure où, dans le secteur public, les primes, qui peuvent représenter une part non négligeable du salaire de base, ne sont prises en compte pour le calcul de la pension qu'à hauteur de 20 %. Un fonctionnaire ne part pas en retraite avec 75 % de son salaire mais seulement à peine 60 % de celui-ci dès lors que l'on y inclut les primes. En outre, contrairement au secteur privé, il n'y a pas d'indemnité de départ à la retraite dans la fonction publique.

La CFTC estime que le débat sur les retraites ne doit pas être l'occasion de créer des tensions entre les assurés des différents régimes mais plutôt d'instaurer un véritable dialogue sur la solidarité nationale et la répartition des richesses. Les propositions de la CFTC s'appliquent d'ailleurs sans distinction à tous les régimes. Un sondage par Internet les a validées : 67 % des adhérents de la CFTC sont favorables à une augmentation de la CSG dès lors que celle-ci est destinée à la branche retraite ; 71 % souhaitent conserver les deux âges pivots de soixante et soixante-cinq ans.

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