Intervention de Bernard Devy

Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale — Réunion du 9 mars 2010 : 1ère réunion
Rendez-vous 2010 pour les retraites — Audition de Mm. Bernard deVy secrétaire confédéral en charge du secteur retraites et mathias riboh conseiller technique de force ouvrière

Bernard Devy, secrétaire confédéral en charge du secteur Retraites :

a tout d'abord relevé que les réformes se succèdent depuis 1993. Les régimes de retraite sont soumis à la conjoncture économique et aux évolutions démographiques et ont besoin d'être pilotés. Le nombre de retraites versées a considérablement augmenté au cours des dernières décennies et les pensions, servies à des personnes qui ont eu des carrières pleines, se situent souvent à un niveau assez élevé. Dans le même temps, les retraités sont remplacés par des salariés dont les revenus sont plus faibles. Il en résulte une forte baisse du niveau des cotisations, sans même prendre en considération la récente crise économique. L'essentiel pour l'avenir du système de retraite est de savoir sur quelle masse salariale il sera possible de compter. A cet égard, il convient de rappeler que 1 % d'augmentation de la masse salariale dans le secteur privé entraîne 660 millions d'euros de cotisations supplémentaires.

FO, qui a été à l'origine de l'édifice construit à partir des années 1950 en matière de retraite, est attachée au système par répartition composé d'un régime de base et de régimes complémentaires, qui a permis d'élever le niveau de vie des retraités.

Depuis quelques mois, on tente de dresser les salariés les uns contre les autres en mettant en avant les inégalités qui résultent des différents régimes. Mais le système de retraite reflète la réalité de la vie professionnelle et n'est pas là pour remédier à des inégalités qui ne lui sont pas dues. Une telle logique de réduction des inégalités par le biais des retraites conduirait à la limite à vouloir faire travailler les femmes plus longtemps, au motif que leur espérance de vie est plus élevée que celle des hommes... En ce qui concerne les différences public-privé, l'application à un postier des règles de prise en compte des vingt-cinq meilleures années pour le calcul de la pension conduirait à une diminution de 25 % du montant de sa retraite.

Le système de retraite permet déjà de corriger certaines inégalités de la vie professionnelle. Ainsi, les majorations de durée d'assurance pour les femmes ayant élevé des enfants sont parfaitement justifiées au regard des inégalités entre hommes et femmes en termes de carrière. Le fonds de solidarité vieillesse (FSV), qui doit permettre de financer une grande partie de ces avantages non contributifs et qui joue en conséquence un rôle d'amortisseur en cas de crise, a vu ses ressources provenant de la contribution sociale généralisée (CSG) amputées au cours des dernières années et enregistre en conséquence un déficit de plus de 4,5 milliards d'euros.

L'objectif essentiel d'un système de retraite est d'assurer à chacun, au moment du départ, un revenu de substitution permettant de disposer d'une autonomie financière. Aujourd'hui, un million de retraités vivent en dessous du seuil de pauvreté. FO est favorable à une augmentation du minimum vieillesse et à une révision des conditions d'attribution du minimum contributif.

En ce qui concerne la mise en oeuvre d'un régime universel de retraite, celle-ci apparaît largement utopique, surtout au regard du calendrier des négociations prévu pour la réforme de 2010. La France compte aujourd'hui trente-huit régimes, mais beaucoup de progrès ont été effectués dans la voie de l'harmonisation. Le seul paramètre qui n'a pas donné lieu à un rapprochement est celui du rendement des différents régimes. En 2003, FO a fait des propositions destinées à simplifier la situation des polypensionnés et de telles mesures restent d'actualité. Ainsi, lorsqu'une personne passe du régime général au régime agricole, il serait plus simple de faire liquider la pension par la dernière caisse plutôt que de procéder à une double liquidation dans chaque caisse. Le système des comptes notionnels, mis en place en Suède, revêt un caractère fortement contributif et individuel qui remet en cause les solidarités. La mise en place d'un tel régime impliquerait un changement complet du financement des mécanismes non contributifs, qui sont particulièrement importants alors que les carrières sont désormais accidentées et que les salariés ne sont souvent plus en activité lorsqu'ils atteignent l'âge de la retraite.

La comparaison entre secteur privé et secteur public en matière de retraite est dénuée de fondement. En effet, dans le secteur privé, l'amélioration de l'équilibre financier du système implique l'existence du plus grand nombre d'actifs possible. Dans le secteur public, au contraire, il vaut mieux avoir le moins de fonctionnaires possible pour limiter les coûts.

Aujourd'hui, la question qui se pose est celle du financement du système. Le Gouvernement veut montrer aux institutions européennes qu'il se préoccupe de l'équilibre de ses comptes publics. Ce problème de financement serait moins aigu s'il avait été possible de transférer des cotisations de l'assurance chômage vers l'assurance vieillesse, comme cela avait été prévu en 2003. Ces difficultés de financement justifient que certains sujets soient examinés attentivement. Actuellement, la Cnav verse 4,9 milliards d'euros au titre de la compensation entre régimes, dont 2,2 milliards au bénéfice du régime agricole. Cette compensation est-elle entièrement justifiée ? Les exonérations de charges sociales représentent environ 33 milliards d'euros, dont 10 % ne sont pas compensées. Le FSV a été privé d'une partie des ressources qui lui étaient affectées. La taxation des bénéfices non réinvestis pourrait apporter des sommes importantes. Enfin, l'équilibre du système dépend évidemment de la capacité de la France à retrouver le chemin de la croissance et de l'emploi.

Parmi les modifications paramétriques envisagées à l'occasion du rendez-vous 2010 figurent l'allongement de la durée de cotisation et le recul de l'âge minimal de départ. La durée de cotisation a déjà été fortement étendue alors que, dans le même temps, l'entrée dans la vie active n'a cessé d'être retardée. Ainsi, la génération née en 1970 compte sept trimestres de cotisations en moins à trente ans que la génération née en 1950 alors qu'on lui demande de cotiser onze trimestres de plus. La durée moyenne d'activité est actuellement de trente-huit ans. L'augmentation de la durée de cotisation n'est donc pas sans limites. Quant à l'âge minimal de départ, fixé à soixante ans, il s'agit d'un droit qu'il convient de ne pas remettre en cause, l'âge légal de départ avec le bénéfice du taux plein demeurant fixé à soixante-cinq ans.

Dans le système allemand, souvent mis en avant pour justifier l'augmentation de l'âge minimal de départ, les paramètres se combinent différemment. Les salariés peuvent partir à n'importe quel âge à condition d'avoir cotisé pendant quarante-cinq ans. Ils peuvent bénéficier d'une retraite à taux plein à soixante-cinq ans s'ils ont cotisé pendant trente-cinq ans.

Le recul de l'âge minimal de départ en France est d'autant moins justifié qu'avec la baisse du chômage, il est probable que de nombreux salariés vont finir leur carrière en incapacité de travail ou en retraite anticipée.

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