Mon collègue Christian Cambon ayant parlé positivement de ce diagnostic, je vais pouvoir maintenant en souligner quelques lacunes. Cela ne m'empêche pas de m'associer pleinement à ce qu'il vient de dire. Ce diagnostic dessine un tableau, mais ne fait pas un bilan et encore moins une évaluation.
Nous ne retrouvons dans ce document aucun bilan des objectifs fixés par les derniers comités interministériels de coopération (CICID). C'est un parti pris qui nous paraît critiquable. Il serait souhaitable que la définition de cette nouvelle stratégie puisse s'appuyer sur un bilan des précédentes. C'est la raison pour laquelle nous demandons à ce que ce bilan puisse être joint au document cadre.
De même nous ne retrouvons dans ce document, ni évaluation ni doctrine d'emploi des instruments de notre coopération qui permette de savoir ce que nous pouvons attendre de chacun d'entre eux et dans quel contexte il est le mieux adapté. Cela permettrait d'éviter les utilisations à contre emploi pour des raisons d'affichage. Cela permettrait également que soient identifiés des zones et des secteurs où les dons disposent d'un avantage comparatif certain par rapport aux autres mécanismes. Dans un contexte où les crédits consacrés aux subventions risquent d'être de plus en plus contraints, il importe de se fixer une ligne de conduite et d'identifier là où c'est le plus efficace et le plus nécessaire.
Nous ne trouvons pas non plus de bilan des réformes des structures administratives de l'aide au développement opérées depuis 2004. Quel est le bilan des transferts de compétence à l'Agence française de développement (AFD) ? Quel est l'avenir des SCAC ? Quel rôle pour l'ambassadeur ? Un bilan permettrait de définir les objectifs assignés à chacune des structures et au réseau de coopération dans son ensemble. Nous avons le deuxième réseau diplomatique du monde, qu'attendons-nous de lui en matière de pilotage de l'aide au développement ? Qu'attendons-nous de nos instituts de recherche sur le développement ? Nous vous proposons de demander que ce bilan et ces objectifs soit intégrés dans le document cadre.
Enfin, le document-cadre gagnerait à s'appuyer sur une évaluation des résultats. Le ministre des affaires étrangères nous a dit que c'était difficile. C'est sans doute le cas, mais l'aide au développement ne peut pas être la seule politique publique qui ne soit pas évaluée. En outre, de nombreuses évaluations existent. La question, c'est tout autant la difficulté d'évaluer que la difficulté de prendre en compte cette évaluation dans la stratégie politique. Nous vous proposons, dans notre rapport, d'insister sur ce point.
En conclusion, sur le diagnostic, j'aurai plaisir à vous lire une citation de la leçon inaugurale du Collège de France sur l'aide au développement de l'économiste Esther Duflo : «Les erreurs de diagnostic des économistes, des organisations internationales et des gouvernements sont fréquentes. Elles ne sauraient justifier l'inactivité, mais rendent au contraire les évaluations rigoureuses nécessaires. Celles-ci permettent de tirer des leçons des expériences passées. Or force est de constater qu'aujourd'hui encore la grande majorité des interventions ne sont pas évaluées, soit que leurs promoteurs craignent la révélation d'effets nuls ou moins importants que ce qu'ils escomptaient, soit que la mise en oeuvre d'évaluations rigoureuses soit perçue comme trop difficile. »