Intervention de Christian Blanc

Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif au Grand Paris — Réunion du 13 janvier 2010 : 1ère réunion
Audition de M. Christian Blanc secrétaire d'état auprès du premier ministre chargé du développement de la région capitale

Christian Blanc, secrétaire d'État chargé du développement de la région capitale :

a ensuite présenté les grands axes du projet de loi.

Le projet du Grand Paris a l'ambition de conforter la place actuelle de Paris comme l'une des premières villes-monde, celles-ci ne se caractérisant pas par la taille de l'agglomération mais par leur capacité d'attractivité. Si Mexico n'est pas une ville-monde, New York, Londres, Tokyo, Paris le sont, et bientôt Shanghaï ou Los Angeles. Centre organisationnel mondial en matière politique, économique, carrefour mondial des transports, dont les nouvelles portes sont ses gares et ses plateformes aéroportuaires internationales, une ville-monde est le point de convergence des flux d'informations, de capitaux, de populations et un foyer culturel, scientifique, éducatif rayonnant dans le monde entier. Il s'agit donc de faire demain du Grand Paris une ville-monde, dont les portes seraient les aéroports internationaux, ses gares TGV, sa façade maritime du Havre et de Rouen, et qui soit une capitale mondiale de l'art de vivre au XXIème siècle.

Le projet est global et inédit : économique, urbanistique, artistique, technologique et humain, dans le cadre d'une économie fondée désormais sur la connaissance et l'innovation, et la prise de conscience que tout développement doit désormais prendre en considération les exigences fixées tant à Kyoto qu'à Copenhague.

Dès sa création, au printemps 2008, le secrétariat d'État chargé du développement de la région capitale s'est trouvé devant l'immense difficulté d'imaginer Paris, la ville-monde française du XXIe siècle, et de proposer une méthode permettant de mener un tel projet.

Les projections des travaux des dix équipes internationales d'architectes-urbanistes ont donné des premières images de cette ambition et le projet de loi propose d'établir les fondations du Grand Paris pour en amorcer concrètement la mise en oeuvre. Il ne comprend pas un descriptif précis et exhaustif de tous les champs concernés par le Grand Paris dans les décennies à venir. Plutôt que l'ancienne méthode de la planification à vingt ans, qui ne marche plus, il est proposé de laisser à la créativité collective le soin de faire évoluer le projet du Grand Paris en fonction des changements toujours plus rapides de la société.

À partir des atouts considérables de la région capitale, le projet de loi du Grand Partis tend à répondre à trois difficultés :

- les potentiels de la région capitale, moteur de l'économie française avec un tiers du PIB national, n'ont pas de visibilité mondiale, et sont donc insuffisamment attractifs, dans une économie mondialisée fortement concurrentielle ;

- la cohésion sociale de la région capitale est malmenée et la banlieue a été historiquement négligée ;

- le système de transports en métro et Réseau Express Régional (RER) est actuellement à la limite de la rupture.

Il est urgent d'agir pour corriger ces faiblesses, mais dans le cadre d'une stratégie à moyen terme, afin que les réponses apportées ne soient pas caduques le jour de leur mise en oeuvre. Les potentiels existants et ceux qu'il faut renforcer ont été cartographiés, permettant d'identifier une dizaine de territoires de développement stratégiques sur lesquels il s'agirait de porter l'effort, plutôt que de créer des pôles ex nihilo. L'objectif consiste à y libérer au mieux les énergies et donner toutes leurs chances de développement aux potentiels considérables existants. Par ailleurs, le projet de loi impulse un vigoureux élan au plateau de Saclay, vivier de la recherche et développement (R&D) pour qu'il devienne le coeur d'une « Silicon Valley » française, au service du pays tout entier.

Concernant les transports, il est proposé de créer un réseau de métro automatique de 130 kilomètres, rapide et sûr, en double boucle, mettant fin au radioconcentrisme du réseau, alors que 70 % des trajets sont effectués de banlieue à banlieue, et qui transportera quotidiennement autant de passagers que le métro parisien. Ce réseau donnera une plus grande efficacité au marché de l'emploi de la métropole urbaine de Paris. Avec une quarantaine de gares, qui desserviront directement des communes représentant environ 5 millions de personnes, ce nouveau réseau ne consiste ni à ne relier que des « champs de patates », ni à seulement permettre à des cols blancs de naviguer entre des pôles de compétitivité, mais répond à une nécessité et à de nouveaux équilibres à venir. Les transports, l'innovation et le développement des territoires sont donc au coeur d'une démarche globale.

Le premier outil mis en place par le projet de loi est l'établissement public « Société du Grand Paris », ayant une double vocation de transport et d'aménagement. Cet établissement public, piloté par l'État, repose sur une association, dans la prise de décision, des représentants des collectivités territoriales. Par ailleurs, le projet de loi crée l'établissement public de Paris-Saclay, de type nouveau, scientifique et technologique, qui, aux côtés de l'État et des collectivités territoriales, laisse une place importante dans sa gouvernance aux mondes scientifique, académique et économique. Un autre outil concerne les procédures, ramenées à trois ans au lieu de sept habituellement constatés dans des opérations similaires, tout en garantissant les délais réglementaires et les normes communautaires de consultation du public. Enfin, un nouveau modèle de contrat de développement territorial (CDT) entre l'Etat et les communes est mis en place pour réaliser un aménagement concerté, en sortant de la logique de parcellisation. Le partenariat est donc inscrit au coeur de cette démarche, afin de parvenir à un urbanisme de projet, adapté aux territoires et à leurs habitants, recréant de la ville sur la ville avec un plus grand souci d'harmonie et d'équilibre. Il s'agit enfin de donner un nouvel élan à la réflexion sur le logement dans le Grand Paris, qui est un enjeu crucial : sa situation de pénurie ou son inadéquation constitue un obstacle à l'attractivité de la région parisienne. Enfin, la croissance visée par le projet de loi, fondée sur l'économie de la connaissance, a pour objectif de faire de Paris la capitale mondiale de l'art de vivre.

Plus précisément, les synergies de la cité Descartes, à l'Est de Paris, autour des projets d'éco-construction, visent à faire de ce pôle de développement une vitrine de l'inventivité et du savoir-faire français, et à transformer la manière d'habiter des citoyens de la région capitale, en alliant la technologie et le souci d'un développement durable.

Les innovations technologiques concernent aussi la création et les industries de la création : l'image et les applications dans le domaine du cinéma, de l'animation, des jeux, des arts de la scène ou de la musique, la numérisation et la protection du patrimoine, la technologie appliquée aux fleurons de l'industrie d'art.

Mais il est nécessaire d'assurer une cohérence avec les activités traditionnelles. Ainsi, 2 300 hectares de terres à vocation agricole sont protégés à Saclay, comme sont protégés de la spéculation foncière les territoires propices à la création situés sur le territoire de la Plaine Saint-Denis.

L'objectif poursuivi est de mettre l'homme au coeur du projet avec un meilleur habitat, une ville plus harmonieuse, une métropole moins divisée, de meilleures conditions de transports, des opportunités de travail, d'études, de culture, plus nombreuses et plus accessibles à temps de transport équivalent, un désenclavement de zones oubliées et marginalisées. En particulier, le nord de Paris, dont la situation de ghettoïsation est intolérable, pourrait devenir une des chances de la région capitale. Le territoire de Pleyel est ainsi emblématique avec le projet d'une future gare internationale, reliant Paris au reste de l'Europe et aux aéroports internationaux et une perspective de développement majeure sur un territoire où coexistent 130 cultures d'origines ethniques différentes.

Les discussions constructives lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale ont permis de dégager un consensus autour de l'idée que la réussite du Grand Paris ne serait pas seulement celle d'une région, mais celle de toute la France. Disposer d'une ville-monde dynamique et attractive contribue puissamment à la croissance française, permet d'attirer de nouveaux talents dans la recherche et l'innovation, rend les liaisons de transports plus fluides, plus rapides non seulement dans la région parisienne, mais entre Paris et les régions et le reste du monde. Ces discussions ont permis aussi de mieux expliquer la nature des contrats de développement territorial (CDT), et de montrer les progrès qu'ils apportaient dans une logique de partenariat entre l'État et les communes ou groupements de communes, et non dans une logique de recentralisation.

Le projet du Grand Paris n'est en effet pas un projet de gouvernance de la région capitale, le Président de la République, le 29 avril 2009, ayant clairement indiqué qu'il s'agissait d'un projet de développement du Grand Paris, qui devait précéder la gouvernance et que des propositions concernant celle-ci ne pourraient être faites qu'ultérieurement. Au demeurant, de telles dispositions devraient être soumises d'abord au Sénat.

La discussion à l'Assemblée nationale a également permis de préciser le projet initial, concernant l'interconnexion du réseau de métro automatique avec le réseau existant, et sur le financement du nouveau réseau, indépendant des mesures améliorant et modernisant les infrastructures existantes, qui sont de la compétence de la Région. Le rôle de la Commission nationale du débat public (CNDP) dans l'organisation de la consultation du public, plusieurs millions de citoyens étant concernés, et la place accordée à l'expression des élus ont également été précisés. La place de l'Atelier International du Grand Paris a été confortée.

Un large débat s'est alors instauré.

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