a tout d'abord rappelé que le principe d'irresponsabilité pénale des personnes atteintes de troubles psychiques, c'est-à-dire privées de la faculté de discerner le bien du mal, constituait la pierre angulaire de notre droit pénal depuis le code de 1810 et figurait aujourd'hui à l'article 122-1 du code pénal.
Précisant que la responsabilité pénale avait un fondement moral, il a indiqué qu'un individu privé de la capacité de comprendre ne pouvait se voir reprocher son comportement, ni même tirer profit de la sanction qui serait prononcée à son égard après un jugement. Il a estimé que les personnes souffrant de pathologies psychiques ne relevaient donc pas de la sphère du droit pénal, mais de celle de la médecine, les personnes reconnues pénalement irresponsables demeurant toutefois responsables civilement (article 489-2 du code civil).
Il a considéré que si le système d'hospitalisation d'office apparaissait perfectible, comme l'avait relevé le rapport de la commission Santé-Justice présidée par M. Jean-François Burgelin, il restait cependant le moins mauvais des systèmes. Il a ensuite souligné que plusieurs indicateurs, tels que la baisse sensible du nombre des cas d'irresponsabilité fondés sur l'article 122-1, premier alinéa, du code pénal et l'augmentation des pathologies mentales observées en milieu pénitentiaire, faisaient apparaître le risque d'une pénalisation de la folie, susceptible de redonner à la prison une vocation asilaire qui avait disparu des doctrines pénitentiaires les plus modernes.
Recherchant les causes de ce phénomène, il a évoqué l'évolution des pratiques psychiatriques tendant à diagnostiquer une altération plutôt qu'une abolition du discernement et favorisant la responsabilisation du patient, la dégradation des conditions matérielles de réalisation des expertises, l'attente des victimes à l'égard de la condamnation pénale de l'auteur du délit ou du crime et, surtout, la moindre tolérance des citoyens aux risques présentés par les personnes dangereuses. A cet égard, il a jugé que le malade mental faisait peur et constituait avec le délinquant sexuel l'une des deux figures du mal dans les sociétés modernes.
Rappelant que le garde des sceaux avait mis en place en 2003 un groupe de travail chargé de réfléchir à une modification des règles applicables aux personnes déclarées irresponsables « dans un souci d'affermissement de la réponse judiciaire et de prise en considération des victimes », il a indiqué que la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH) avait émis, le 11 avril 2004, un avis critique sur les propositions issues de ces travaux. M. Jean-Yves Monfort a précisé que la CNCDH avait notamment considéré qu'il était difficile de justifier que des obligations soient imposées à un individu déclaré irresponsable et que les mesures de sûreté pouvaient constituer des sanctions incompatibles avec le principe d'irresponsabilité pénale.
Soulignant que le rapport de la commission santé-justice préconisait également un contrôle social accru des personnes dangereuses et la recherche du « risque zéro », notamment grâce à la création de centres fermés de protection sociale, il a insisté sur le caractère éminemment incertain de toute prédiction en matière de dangerosité des individus. Il a déclaré que ce type de prédiction, procédant d'une véritable illusion scientiste, semblait paradoxal au moment où la place des experts dans le procès pénal faisait l'objet d'une remise en cause. Estimant que toute privation de liberté qui ne se fonderait pas sur des faits répréhensibles, mais seulement sur un profil évalué par des psycho-criminologues, constituerait une pratique totalitaire, il a rappelé que le concept de mesure de sûreté était le produit de doctrines positivistes qui visaient, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, à justifier la réaction sociale en la fondant non sur le passage à l'acte du délinquant, mais sur son état dangereux.
Relevant que le concept de mesure de sûreté avait disparu du nouveau code pénal qui, au début des années 1990, n'évoquait plus que des peines, il s'est étonné du retour de cette notion destinée selon lui à masquer plus ou moins habilement des atteintes graves aux libertés. A cet égard, il a indiqué que la commission présidée par M. Jean-François Burgelin avait estimé que la création de centres fermés de protection sociale constituerait une mesure « portant particulièrement atteinte à la liberté individuelle ».
S'interrogeant sur la possibilité, pour une politique de réduction des risques, de s'affranchir des règles essentielles du droit fondant la société républicaine, il a reconnu que l'aspiration des citoyens à la sécurité semblait légitime, celle-ci fondant l'exercice harmonieux des libertés.
Relevant que le rapport de la commission Santé-Justice et le rapport de M. Georges Fenech sur le placement sous surveillance électronique mobile suivaient une logique de contrôle, voire d'élimination du risque, répondant aux angoisses contemporaines et entretenant l'illusion d'une sécurité absolue, M. Jean-Yves Monfort a souligné que les institutions pénales et sanitaires demeuraient cependant fondées sur le postulat de la réhabilitation toujours possible des individus, capables de changer et de reprendre leur place dans la société.
Considérant que les propositions actuellement débattues comportaient de graves dangers, il a souhaité que la représentation nationale, en dépit des angoisses de l'opinion publique, réaffirme solennellement les valeurs fondatrices de notre civilisation et rappelle que la vie en société comporte toujours une part de danger irréductible.