a rappelé que l'INTEFP est une grande école rattachée au ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Il assure la formation des inspecteurs du travail depuis 1975, ainsi que celle des contrôleurs du travail et de l'ensemble des agents du ministère. Il conduit, en outre, des missions de coopération avec des pays en développement.
L'INTEFP organise, depuis 1986, une session nationale annuelle de formation et de réflexion, destinée à des responsables de syndicats de salariés, responsables d'organisation professionnelle, chefs d'entreprise, directeurs des ressources humaines, cadres supérieurs des administrations publiques, élus.
Sous la responsabilité d'un comité de pilotage et d'un comité scientifique, chaque session étudie un thème particulier dans le cadre d'une réflexion collective intégrant largement les comparaisons internationales. Ces travaux font l'objet d'une publication. Quelque mille auditeurs ont participé aux sessions depuis leur création.
La XXVIe session a rassemblé trente-trois auditeurs, dont un sénateur et un député, sur le thème des régulations sociales en devenir. Elle s'est déroulée en six modules, comprenant deux séjours d'étude à l'étranger, au Brésil et au Canada. L'objectif était d'étudier l'évolution des normes sociales sous l'influence de la mondialisation et la compétition internationale entre les systèmes sociaux. Deux axes majeurs de la réflexion en ont été l'identification des acteurs modernes de la régulation et la mise en évidence du caractère global des facteurs dont résultent les évolutions en cours.
L'approche historique fournit un certain nombre de pistes. La régulation sociale est apparue à la fin du XIXe siècle, au moment où des réglementations étatiques ont commencé à accompagner la régulation monétaire jusqu'alors prédominante. C'est ainsi que l'Etat-providence a fait son apparition avec Bismarck dans l'Empire allemand et avec Beveridge au Royaume-Uni. La création de l'Organisation internationale du travail (OIT) en 1919 a entériné cette évolution et le système a fonctionné correctement jusqu'au choc pétrolier des années 1970.
L'élaboration de nouvelles formes de régulation sociale s'effectue actuellement sous l'influence d'une mondialisation restreignant progressivement la marge de manoeuvre des Etats. Dans ce contexte, les principales questions à résoudre sont les suivantes : quelles réformes opérer pour faire face aux nouveaux enjeux ? Que faut-il conserver du « hard law » traditionnel, essentiellement législatif ? Qu'est-ce qui peut, ou doit, faire l'objet d'un « soft law » en progression constante, spécialement par le biais de la négociation entre partenaires sociaux ? Jusqu'où la dérégulation peut-elle aller ? L'Europe a formulé une réponse au cours du Conseil européen de Lisbonne, au printemps 2000, en se fixant l'objectif de construire l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d'ici à 2010. La « stratégie de Lisbonne » est fondée sur l'équilibre entre trois piliers interdépendants : l'économie, le social et l'environnement.
L'approche sociologique complète l'éclairage historique. Dans cette optique, on a pu définir la règle comme un cadre comportemental sujet à évolution. La régulation sociale n'est pas seulement le fait de l'Etat, ni celui du marché, mais résulte de l'interaction entre l'ensemble des acteurs impliqués, selon un processus qui n'est pas consensuel, mais conflictuel. La dérégulation que suscite actuellement la mondialisation augmente l'instabilité naturelle de la règle. Dans ce contexte, l'Etat, dont les traditionnelles prérogatives de commandement sont plus difficiles à mettre en oeuvre, recourt de plus en plus à la régulation. La tutelle publique a donc moins reculé qu'elle ne s'est déplacée.
a ensuite exposé les conclusions auxquelles il est parvenu à l'issue des travaux de la session.
La diversité des acteurs est croissante, spécialement au plan international. Une approche franco-française de la régulation sociale est donc nécessairement réductrice et inopérante. Par ailleurs, l'influence du monde anglo-saxon progresse, y compris à l'OIT. Le système onusien est de son côté sous influence anglo-saxonne. C'est à l'ONU qu'a été élaborée la notion, d'origine anglo-saxonne, de « global contact », qui prône le dialogue entre l'Organisation et les entreprises. Cette notion a été jusqu'à présent mise en oeuvre dans le cadre de la lutte contre la corruption.
Par ailleurs, désormais, la nouvelle régulation sociale ne se construit pas à l'OIT, mais plutôt à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), qui regroupe cent quarante-huit pays, dans la mesure où les conditions juridiques du commerce international influencent profondément l'évolution des règles sociales. Le Fonds monétaire international (FMI) pèse aussi sur cette évolution, comme le Brésil en a fait l'expérience en se trouvant dans la nécessité d'infléchir sensiblement sa politique sociale en fonction des exigences du Fonds, de même que le forum de Davos et celui de Porto Alegre. Enfin, les organismes régionaux, Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et Union européenne, participent au mouvement, selon leur propre logique.
Parmi les autres acteurs émergeants, il convient de citer les juges, encore que la montée en puissance des procédures d'arbitrage et de médiation tende à atténuer leur rôle, ainsi que les organisations non gouvernementales (ONG). Celles-ci sont très actives dans des pays comme le Brésil et le Canada, où elles se manifestent dans le domaine de l'environnement et dans le domaine social, allant jusqu'à exiger que les entreprises nationales respectent des normes sociales minimales dans les pays en développement où elles sont présentes.
a mentionné enfin les acteurs cruciaux de la régulation sociale que sont les entreprises, les médias, et même le crime organisé, dont le poids paraît augmenter dans les mouvements financiers internationaux.
Il a ensuite évoqué l'opposition des deux catégories de règles : le « hard law » et le « soft law ». D'un côté, le « hard law » est un droit normatif écrit qu'il est tentant de mobiliser pour régler un grand nombre de problèmes, ce qui débouche parfois sur des textes difficiles à lire. Certains pays parviennent à éviter cet écueil : par exemple, dans un souci de clarté, le droit canadien du travail distingue les règles concernant l'emploi de celles qui régissent les relations professionnelles et deux inspections du travail relaient cette distinction. De l'autre côté, le « soft law » est largement fondé sur la négociation collective, souvent encouragée par la loi. La négociation collective peut parfois déroger aux règles légales. Il convient aussi de tenir compte des codes éthiques, des normes d'adhésion élaborées par des organismes tels que l'OCDE, des recommandations émises par certaines institutions, des travaux de normalisation et de certification. L'opposition entre le « hard law » et le « soft law » peut revêtir une expression géographique. On constate ainsi, au Brésil, une nette césure entre, d'une part, les quartiers où s'applique le droit officiel du travail, extrêmement rigide et précis, d'autre part, les quartiers où se développe le secteur informel. Certaines entreprises du secteur formel ont d'ailleurs tendance, par la sous-traitance d'activités, à se « délocaliser » vers ces quartiers.
Il est difficile de porter un jugement sur l'efficacité relative des formes de régulation. La norme législative contribue à sauvegarder le système économique et social et à égaliser les conditions. En revanche, une aspiration au desserrement des contraintes qu'elle impose se manifeste dans la plupart des pays étrangers. La France résiste à cette tendance. L'Etat-providence se défend contre les évolutions en cours en produisant une législation pléthorique. Cependant, le droit du travail est attaqué par le droit commercial, d'où la question qui pourrait synthétiser les réflexions de la XXVIe session de l'INTEFP : le droit français du travail a-t-il un avenir ?