Intervention de Marie Lacoste

Mission commune d'information relative à Pôle emploi — Réunion du 3 mai 2011 : 1ère réunion
Table ronde — Associations de chômeurs et de salariés précaires

Marie Lacoste, secrétaire du Mouvement national des chômeurs et précaires :

Le Mouvement national des chômeurs et précaires (MNCP) est une fédération d'associations locales qui reçoivent quotidiennement des chômeurs et précaires sur l'ensemble du territoire. Le MNCP existe depuis plus de vingt ans. Je viens, pour ma part, d'une association toulousaine.

Nous avons préparé, en prévision de cette rencontre, un document élaboré localement dans nos associations. Il prend la forme d'un cahier de doléances intitulé « propositions pour un Pôle emploi humain et efficace ». Telles sont, en effet, les deux principales pistes d'amélioration que nous identifions pour Pôle emploi.

Nous constatons que la fusion a été réalisée à marche forcée. Les agents n'ont pas été suffisamment formés : une formation de trois jours est extrêmement courte pour apprendre comment fonctionne le système d'indemnisation dans notre pays. Nous constatons que les personnels ne sont pas compétents, si tant est qu'une personne puisse être compétente pour répondre à des questions aussi différentes que l'indemnisation et l'accompagnement. Il existe aussi un considérable manque de personnel et donc de disponibilité pour recevoir les demandeurs d'emploi. Il faut absolument trouver des solutions pour que les compétences qui étaient celles de l'ANPE et des Assedic soient exercées par des personnes dédiées, au travers d'un accueil physique ou téléphonique. Le 39 49 permet d'orienter plus facilement les demandeurs d'emploi vers une personne plus compétente. Nous sommes en relation avec les syndicats de Pôle emploi et il est assez amusant de constater que les agents ont souvent conservé leur ancienne fonction. Dès qu'une personne est confrontée à une question à laquelle elle ne sait pas répondre, elle peut ainsi faire appel à un collègue plus spécialisé.

Nous demandons davantage de moyens pour cette énorme machine qui gère de plus en plus de personnes. La fusion a été faite à marche forcée pour des raisons très politiques, alors même que la crise faisait sentir ses effets. Pôle emploi a ainsi été confronté à un afflux important de demandeurs d'emploi et des problèmes sont apparus dans la gestion des dossiers. Les choses se sont un peu améliorées du point de vue des retards dans le traitement des dossiers. Ceci témoigne cependant du fait que Pôle emploi n'était pas en mesure de répondre à un afflux de dossiers soudain. Souhaitons qu'une crise ne se produise pas chaque année... Toujours est-il que cet afflux ne se dément pas, alors que le nombre d'agents tend à diminuer. Le manque de moyens de Pôle emploi a en tout cas été relevé dans un rapport de l'inspection générale des finances.

Il existe par ailleurs une confusion insupportable entre la mission d'accompagnement et la fonction de contrôle et de sanction. Comment peut-on être à la fois juge et partie ? Cette situation a pour conséquence une perte de confiance des demandeurs d'emploi dans leur conseiller, ce qui est très grave. Comment peut-on faire confiance à une personne qui a la possibilité de vous supprimer pendant deux mois les allocations qui vous permettent de vivre ? Une personne qui subit une radiation pendant deux mois ne peut plus payer son loyer, se nourrir ou payer ses charges pendant cette période. Les conséquences de telles radiations sont très graves. Du coup, nous savons que les agents utilisent cette sanction avec parcimonie.

Cette sanction s'applique toutefois aux demandeurs d'emploi qui ne se présentent pas à un entretien. On peut être absent à une convocation pour de multiples raisons, mais Pôle emploi considère que certaines raisons sont valables et d'autres non. Si votre voiture tombe en panne, Pôle emploi considère ainsi que ce n'est pas une raison valable. Si vous êtes malade, vous pouvez fournir un certificat du médecin. Dans le cas d'une panne de voiture, il ne viendrait à l'esprit de personne de demander une attestation à son garagiste. Je citerai un autre exemple éloquent : à Toulouse, il existe des quartiers en difficulté où l'acheminement du courrier est complexe et où de nombreuses lettres se perdent. Une personne ne recevant pas son courrier de convocation à un entretien a peu de chances de s'y présenter et risque d'être sanctionnée alors que seules les défaillances du système d'acheminement du courrier sont en cause. C'est pourquoi nous avons demandé à Pôle emploi d'envoyer aux demandeurs d'emploi des courriers avec accusé de réception. Cela coûte cher. Si une telle mesure ne peut être mise en oeuvre pour des raisons de coût, l'absence au contrôle ne doit pas être sanctionnée de cette manière. C'est absolument intolérable. La fonction de contrôle appartenait aux directions départementales du travail avant d'être transférée aux agents de Pôle emploi. La situation actuelle doit cesser. Nous en arrivons à des situations ubuesques et parfois très conflictuelles au sein des agences. Ces dernières années, des agences ont brûlé. Des agents ont été insultés, voire molestés. Des vitrines ont été cassées. On ne peut pas réellement s'étonner que l'on en arrive à des situations pareilles.

Un autre point est central à nos yeux : la relation entre les demandeurs d'emploi et leur conseiller référent. La communication devient virtuelle entre ces deux intervenants. Peut-être est-ce plus simple pour les jeunes d'utiliser Internet mais de nombreux demandeurs d'emploi n'ont pas d'ordinateur ni d'accès à Internet. Nous rencontrons régulièrement les directions départementales de Pôle emploi dans le cadre des comités locaux de liaison, qui sont des instances de dialogue social qui ont été « ranimées » depuis un an. Nous expliquons régulièrement aux directeurs de Pôle emploi que les demandeurs d'emploi n'ont pas de moyen de contacter leur agent. Lorsqu'on appelle le 39 49, il arrive souvent que l'agent soit indisponible, car en entretien. Si l'on ne dispose pas d'un accès à Internet, comment peut-on faire ? Ne pourrait-on pas au moins être autorisé à se déplacer dans l'agence afin de le rencontrer ou de rencontrer un autre agent ? La réponse est négative, car il faut de moins en moins de demandeurs d'emploi dans les agences de Pôle emploi. Une telle orientation est catastrophique. Pôle emploi gère de l'humain. Nous parlons de la vie des gens. Il nous paraît donc normal que des rencontres physiques puissent être demandées. Nous proposons des solutions dans notre document. Il faut réintroduire du lien et de l'humanité. Le rapport de M. Benoît Genuini, ancien médiateur de Pôle emploi, est tout à fait explicite à ce sujet.

Enfin, je voudrais évoquer la représentation des usagers. Depuis janvier 2010, ont été remis en place des comités départementaux de liaison. Y siègent des représentants des usagers qui font partie d'associations de chômeurs. Le dialogue peut se nouer dans ces lieux que nous jugeons très importants. Pour autant, les directeurs départementaux de Pôle emploi ont un pouvoir relativement restreint. Nous leur avons dit par exemple qu'il serait souhaitable que les coordonnées des associations locales de chômeurs figurent sur le site de Pôle emploi. Ils nous ont renvoyé, sur ce point, à la direction nationale de Pôle emploi. Nous pouvons le comprendre mais nous souhaiterions avoir la certitude que la direction nationale de Pôle emploi entendra nos préconisations.

Enfin, au-delà de la consultation au niveau local, nous jugeons fondamental qu'à terme un représentant des usagers soit présent au conseil d'administration de Pôle emploi.

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