Intervention de Patrick Boulte

Mission commune d'information relative à Pôle emploi — Réunion du 3 mai 2011 : 1ère réunion
Table ronde — Associations de chômeurs et de salariés précaires

Patrick Boulte, vice-président de Solidarités nouvelles face au chômage :

Nous recevons des personnes qui ont atteint, en quelque sorte, les limites du service public de l'emploi et qui restent sans solution. Nous les accompagnons dans leur recherche d'emploi. Nous effectuons ainsi un travail de « suppléance » par rapport à Pôle emploi et nous n'avons aucun élément d'évaluation de l'efficacité du travail de Pôle emploi dans ses deux fonctions majeures que sont l'aide à la recherche d'emploi et l'appariement d'une demande et d'une offre d'emploi.

Je voudrais d'abord rappeler que tout le monde a le droit de recourir aux services de Pôle emploi, que l'on soit en emploi, en formation, rémunérée ou non, ou employé dans le cadre d'un contrat aidé. Le fait qu'une personne occupant un emploi aidé ne puisse rester inscrite à Pôle emploi constitue une véritable aberration. Peut-être cet effet pervers découle-t-il du fait que Pôle emploi sert d'instrument de comptabilisation du chômage. Toujours est-il que cette situation est tout à fait anormale à nos yeux. J'ai encore vu récemment l'exemple d'une personne percevant l'allocation de solidarité spécifique (ASS) qui suivait une formation non rémunérée et qui a été radiée des listes de Pôle emploi alors qu'elle n'avait aucune ressource. Une telle décision est incompréhensible - en dehors des aspects statistiques que j'évoquais.

Je voudrais également évoquer l'économie des démarches qui incombent au demandeur d'emploi. Chaque fois qu'un manque de transparence est constaté, le demandeur d'emploi est « embarqué » dans des démarches inutiles. Il existe par exemple un dispositif nouveau d'aide individuelle à la formation, potentiellement très intéressant, auquel une page du site Internet de Pôle emploi est consacrée. Il semblerait que la mise en oeuvre de ce dispositif soit entourée de restrictions non explicitées et non publiées. Des demandeurs d'emploi vont ainsi se faire des idées fausses sur ce dispositif et rechercher les formations qui leur sont nécessaires mais risquent de se retrouver, une fois de plus, face à une déception en raison d'une règle cachée.

Tel était déjà le cas lorsque les Assedic existaient. Chaque agence avait une politique d'accès à la formation assortie d'un certain nombre de critères qui n'étaient pas rendus publics. De ce point de vue, le même type d'organisation prévaut.

Je ne reviendrai pas sur les difficultés qui ont été mises en lumière, de façon tout à fait appropriée, par les intervenants précédents. Je voudrais, en revanche, évoquer les difficultés d'accès au médiateur. Si l'on peut comprendre que le médiateur ne réponde pas instantanément aux demandes qui lui sont adressées, il est anormal qu'il réponde en quatre mois à un demandeur d'emploi qui l'a saisi. En renvoyant son interlocuteur à l'agent de Pôle emploi, le médiateur ne fait pas son métier.

Je voudrais enfin dire deux mots du système d'indemnisation du chômage. Il existe encore un déficit d'explication et de transparence face aux demandeurs d'emploi dans les modalités de calcul des droits. Cela ne permet pas au demandeur d'emploi de vérifier la bonne application de la règle et peut le mettre en situation d'abus sans qu'il ne s'en rende compte - avec toutes les conséquences que cela suppose.

Certains problèmes tiennent aux pratiques des employeurs, concernant notamment la remise de l'attestation d'emploi. Le problème se posait particulièrement avec les employeurs publics, dont les pratiques doivent aussi être abordées. Je sais que des améliorations ont été apportées récemment dans les pratiques des employeurs publics vis-à-vis de leurs employés contractuels, notamment en vue de la remise systématique de ce document. Je souhaitais simplement rappeler que tous les dysfonctionnements, dans la mise en oeuvre du service de Pôle emploi, ne relèvent pas de Pôle emploi.

Enfin, le rôle de Pôle emploi est essentiel dans l'accès des demandeurs d'emploi à la formation professionnelle. L'accord national interprofessionnel (ANI) de 2009, et la loi qui a suivi, ont constitué une avancée, dans la mesure où les demandeurs d'emploi n'étaient même pas mentionnés dans celui de 2003, mis à part pour les contrats de professionnalisation. La prise en compte de ce que j'appellerai la formation des « pré-embauchés » s'est ainsi améliorée. Il reste cependant de nombreuses choses à faire et Pôle emploi est irremplaçable dans ce domaine. Les partenaires sociaux ne sont pas bien placés pour porter les préoccupations des demandeurs d'emploi qui ne sont pas déjà pré-embauchés. Qui peut le faire, si ce n'est Pôle emploi ? S'agissant de la récupération de sommes sur le fonds de péréquation, le dialogue entre les partenaires sociaux, qui prélèvent des ressources pour la formation professionnelle, et les régions est très important.

La question du fonctionnement des instances paritaires régionales doit également être évoquée. Cet aspect nous intéresse beaucoup. Je reprendrai les mots qu'a employés, devant votre mission, M. Gaby Bonnand, le président de l'Unedic : « Il ne sera pas possible de travailler à des plans d'insertion et des plans de formation des demandeurs d'emploi correspondant aux besoins des entreprises si nous n'y associons pas leurs représentants dans les territoires. » Nous sommes intéressés par cette question.

S'agissant de l'adaptation de la formation, il y a aussi énormément à faire. On évoque souvent, à titre d'exemple, le problème de la reconversion des salariés. Dans un pays qui consacre, chaque année, plusieurs dizaines de milliards d'euros à la formation, il est choquant que ce soient des fonds d'origine caritative comme les nôtres qui financent des actions de formation au bénéfice des demandeurs d'emploi, de façon adaptée à leur problématique, car ils n'ont pas trouvé de réponse du côté du service public de l'emploi. Nous avons placé beaucoup d'espérance dans le fonctionnement du dispositif d'aide personnelle à la formation. Je pense que les agents de Pôle emploi ne se le sont pas encore approprié. Encore faut-il définir des axes de progrès. Pôle emploi ne définit pas ces axes de progrès et ce que nous venons d'entendre l'illustre bien.

Il y a un manque de transparence que nous avons pu constater dès les premiers pas de la fusion. Si des voies d'amélioration étaient définies, tous les acteurs auraient sans doute davantage d'espérance dans l'évolution du système.

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