A titre liminaire, M. Adrien Gouteyron, rapporteur, a souhaité rappeler que l'examen, par le Sénat, des trois projets de loi visant à approuver les accords fiscaux respectivement conclus avec la Géorgie, le Kenya et Malte, ne constitue pas un exercice convenu.
Celui-ci a donné lieu à une étude approfondie, non seulement des stipulations de chaque accord bilatéral ainsi que de ses conditions de négociation, mais également des clauses du modèle de convention fiscale de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui a servi de base de référence aux trois accords.
a indiqué que ce modèle, de nature non contraignante, a servi de cadre de référence à plus de 3 000 conventions. Elaboré à la fin des années 1950 par le comité fiscal de l'Organisation européenne de coopération économique (OECE) par moins de quinze pays, il a été adopté depuis par la grande partie des membres de l'Organisation. Des Etats non membres, voire même des entreprises, peuvent également transmettre leurs observations sur ce modèle, depuis 1996.
En 1977, un nouveau « modèle de convention de double imposition concernant le revenu et la fortune » a été publié. Il a essentiellement pour objectif d'éviter toute perte financière ou toute discrimination dans les échanges internationaux, liées au risque de double imposition par l'Etat de la résidence du bénéficiaire et par l'Etat de la source du revenu concerné.
a ajouté que ce cadre de négociation est mis à jour, régulièrement et ponctuellement, par le comité des affaires fiscales de l'OCDE, composé de hauts fonctionnaires. Ses travaux sont communiqués aux Etats afin qu'ils fassent valoir leurs observations. En outre, un forum mondial réunissant les hauts fonctionnaires spécialisés dans le domaine des conventions fiscales est organisé annuellement par l'OCDE.
Les dernières modifications majeures du modèle datent de 2005 et 2008. Illustrant son propos par la révision de l'article 26 du modèle relatif à l'échange de renseignements, en 2005, M. Adrien Gouteyron, rapporteur, a fait valoir que cette mise à jour constitue une avancée primordiale dans le cadre de la coopération fiscale entre Etats. Deux nouveaux paragraphes ont été ajoutés afin de supprimer toute entrave aux échanges de renseignements.
Il est notamment prévu que l'Etat destinataire d'une demande d'échange de renseignements doit y répondre favorablement, même en l'absence d'un intérêt fiscal national. Il ne peut être également fait obstacle à cet échange d'information en invoquant le fait que ledit renseignement est détenu par une banque, un établissement financier ou une personne agissant en tant qu'agent ou fiduciaire.
Puis M. Adrien Gouteyron, rapporteur, a fait observer que la mise à jour de la convention fiscale, conclue avec Malte en 1977, constitue l'objet même de l'avenant signé, le 28 août 2008. A la demande de la France, Malte a accepté de modifier la convention initiale afin de se conformer au modèle de l'OCDE, en matière d'échange de renseignements.
La conclusion de cet avenant est conforme à la politique conventionnelle de Malte en matière fiscale, depuis son entrée dans l'Union européenne en 2004 et son intégration dans la zone euro en 2008. Il ressort de l'évaluation sur la transparence et l'échange de renseignements menée par l'OCDE, en 2009, que Malte s'est engagée à mettre en oeuvre les normes de l'OCDE en ce domaine. Elle a ainsi signé des accords visant à permettre l'échange de renseignements fiscaux avec quarante-quatre Etats. De surcroît, dans cet Etat, il n'existe plus de restriction à l'accès aux informations bancaires, depuis une loi du 18 janvier 2008.
a ensuite abordé l'examen des conventions fiscales conclues avec le Kenya et la Géorgie. Celles-ci ont essentiellement trait à la suppression de la double imposition.
Rappelant que la double imposition dite juridique est définie par l'OCDE comme étant « l'application d'impôts comparables dans deux Etats, notamment celui de la source des revenus et celui de la résidence, au même contribuable pour le même fait générateur et pour des périodes identiques », M. Adrien Gouteyron, rapporteur, a ensuite examiné les mécanismes de suppression utilisés dans le cadre des deux conventions fiscales. Il a relevé que la France associe deux méthodes préconisées par l'OCDE : selon le type de revenus, celle de l'exonération ou celle de l'imputation.
Concernant les revenus des sociétés, la France les exonère lorsqu'ils sont générés et imposés en Géorgie ou au Kenya. En effet, l'impôt sur les sociétés français ne s'applique pas aux résultats acquis par les sociétés françaises dans leurs exploitations situées dans un pays étranger (méthode de l'exonération).
Dans les autres cas, la double imposition des revenus provenant de la Géorgie ou du Kenya et perçus par des personnes résidentes en France est éliminée, par l'imputation sur l'impôt français d'un crédit d'impôt, dont le montant est égal soit à l'impôt payé à l'étranger, soit à l'impôt français (méthode de l'imputation).
a alors mentionné les revenus pour lesquels le crédit d'impôt est égal au montant de l'impôt payé en Géorgie ou au Kenya. Il s'agit des gains en capital ainsi que de certaines rémunérations des personnes physiques, tels que les dividendes, les plus values provenant de l'aliénation de biens immobiliers et de parts de sociétés immobilières, ou encore les rémunérations, directes ou indirectes, des artistes et sportifs sur fonds privés.
S'agissant des revenus n'entrant pas dans les catégories précédemment mentionnées, M. Adrien Gouteyron, rapporteur, a précisé que le crédit d'impôt est égal au montant de l'impôt français afin de conserver les effets de la progressivité de l'impôt français. Les revenus provenant de Géorgie ou du Kenya, perçus par des personnes résidentes en France, sont, en effet, pris en compte pour le calcul du taux d'imposition de l'impôt dû en France. Cependant, au moment de l'établissement du crédit d'impôt, le montant de l'impôt français, calculé sur les revenus géorgiens ou kenyans, est soustrait.
Enfin, M. Adrien Gouteyron, rapporteur, a examiné les conditions dans lesquelles se sont déroulées les négociations de ces accords. Il a déploré la lenteur du processus de conclusion de la convention géorgienne. Il s'est néanmoins félicité que celle-ci réponde à l'ensemble des demandes françaises. En effet, les négociations ont commencé dès 1998. Cependant la question de la définition du territoire maritime de la Géorgie en Mer Noire n'a pu être réglée par échange diplomatique entre les deux Etats qu'en 2002. La France a ensuite souhaité revenir sur l'accord afin de bénéficier des stipulations très favorables que la Géorgie avait entre temps accordées au Royaume-Uni. La signature finale n'est intervenue qu'en 2007, en raison de difficultés techniques rencontrées lors des opérations de concordance des textes français et géorgiens.
En ce qui concerne la convention fiscale conclue avec le Kenya, le 4 décembre 2007, M. Adrien Gouteyron, rapporteur, a observé que celle-ci constitue le premier lien fiscal de cette portée entre les deux Etats.
Les deux pays sont parvenus à un compromis entre la proposition kenyane inspirée du modèle de l'ONU, et celle de la France élaborée à partir du modèle de l'OCDE. Développé dans les années 1970 afin de créer un cadre de négociation plus approprié aux pays en développement ou aux importateurs de capitaux, le modèle onusien de convention fiscale est cependant bien moins utilisé que celui de l'OCDE.
Indiquant que ce cadre de négociation est en fait largement inspiré du modèle de l'OCDE, M. Adrien Gouteyron, rapporteur, a néanmoins tenu à souligner les spécificités rédactionnelles onusiennes peu nombreuses, mais significatives. Ces stipulations-cadre octroient plus de droits en matière d'imposition à l'Etat de la source ou au pays importateur de capitaux que le modèle de l'OCDE.