Intervention de Alain Milon

Commission des affaires sociales — Réunion du 29 mars 2011 : 1ère réunion
Bioéthique — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Alain MilonAlain Milon, rapporteur :

Dans sa version initiale, le titre V du projet de loi traitait du don de gamètes et concernait essentiellement les modalités de levée de l'anonymat du donneur. L'Assemblée nationale a supprimé ce titre, partageant l'analyse d'Axel Kahn selon laquelle lever l'anonymat sera entretenir la confusion entre filiation biologique et filiation par le droit et l'éducation.

Je vous propose pour ma part de rétablir ce titre V, dans une rédaction qui n'est pas exactement celle du projet initial du Gouvernement. Je pense en effet que nous devons passer, en matière de don de gamètes, à un système de responsabilité éthique, ce qui n'entraîne aucunement, je le souligne, un régime de responsabilité juridique.

L'amendement que je vous propose prévoit la possibilité pour l'enfant devenu majeur d'obtenir, à sa demande, la levée de l'anonymat du ou des donneurs de gamètes sans que ceux-ci puissent s'y opposer. Cette solution me semble la plus claire et la plus responsable pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, ce système ne peut fonctionner que si tous les donneurs ont été informés au moment du don de la possibilité pour les enfants qui en naîtront de demander plus tard à connaître leur identité. Il s'agit donc de mettre en place une information systématique pour les futurs donneurs. Je vous propose que l'obligation de consentir à la levée de l'anonymat à la demande du majeur né du don soit mise en place à partir du 1er janvier 2013. Pour laisser un temps de mise en place du nouveau système, les enfants nés à partir du ler janvier 2014 pourront, à leur majorité, s'ils le souhaitent, demander la levée de l'anonymat du donneur. Il n'y aura pas ainsi de rupture d'égalité entre ceux qui pourront obtenir la levée de l'anonymat et les autres. La levée de l'anonymat sera un droit pour les enfants nés du don et les donneurs, comme les parents, en auront été conscients dès l'origine.

Ce système est aussi plus simple et, me semble-t-il, plus sain, car l'obligation de demander le consentement du donneur dix-huit ans ou plus après son don imposait de le retrouver. Des procédures lourdes et contraignantes étaient donc mises en place dans le texte proposé par le Gouvernement pour que la commission chargée d'instruire les demandes de levée d'anonymat puisse accéder à l'ensemble des données publiques permettant de retrouver une personne. En pratique, cela aboutissait, si le donneur était d'accord pour la levée de l'anonymat, à l'organisation d'une rencontre, ce qui ne me semble pas nécessairement souhaitable. Mieux vaut que la levée de l'anonymat soit prévue dès l'origine et que la recherche du donneur n'incombe pas à l'Etat. Je pense que la possibilité de levée de l'anonymat suffira dans de nombreux cas et que le nom du donneur et les caractéristiques qu'il aura données au moment du don - âge, profession - suffiront dans la majorité des autres.

Ce système change le rapport au don et on a pu craindre que la levée de l'anonymat ne fasse diminuer le nombre des donneurs, dans un contexte où des couples vont déjà chercher des gamètes en Espagne. Toutefois, l'exemple du Royaume-Uni est à cet égard parlant. La levée de l'anonymat y a été rendue obligatoire mais le nombre de donneurs n'a pas chuté ; c'est leur profil qui a changé. Il s'agit de personnes plus âgées, plus responsables, qui assument pleinement le don qu'elles font. Car, et c'est là le fond de l'affaire, l'évolution du droit et des moeurs fait que l'on ne peut plus faire semblant de croire que les gamètes sont un simple produit thérapeutique destiné à remédier à la stérilité d'un couple. L'accès aux origines est reconnu par les conventions internationales et il ne constitue pas une volonté de « biologiser » la filiation. C'est plutôt, pour des cas dont je pense qu'ils resteront minoritaires, le fait de savoir que l'on n'est pas un produit de la science mais bien un être issu de personnes humaines.

Notons que les parents resteront libres de décider s'ils disent ou non la vérité à leur enfant. Le travail des Cecos a, de ce point de vue, beaucoup évolué dans l'accompagnement des familles pour assumer la vérité de la technique de conception. Je relève que, contrairement à ce que l'on a pu entendre, la levée de l'anonymat en Suède ne s'est pas traduite par une augmentation du secret, qui reste moins élevé qu'en France. Les donneurs donneront en toute connaissance de cause. Les enfants devenus majeurs auront le droit de savoir.

Les centres qui pratiquent l'insémination avec tiers donneur craignent que la levée de l'anonymat n'entraîne une future mise en cause de leur responsabilité car ce sont eux qui choisissent d'apparier donneur et couple receveur. Je pense qu'il y a effectivement un problème dans la détermination des critères de choix du donneur par les médecins. Ce sujet est trop sensible pour être laissé à l'initiative de chaque équipe et il faut désormais un référentiel clair, qui évitera tout arbitraire et toute irruption du donneur « à la carte » comme aux Etats-Unis. C'est l'objet d'un autre de mes amendements.

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