Intervention de François Deluga

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 23 mars 2011 : 2ème réunion
Gestion du centre national de la fonction publique territoriale cnfpt — Audition de Mm. François deluGa président du cnfpt jean-marie bertrand rapporteur général de la cour des comptes et de représentants des associations d'élus locaux

François Deluga, président du CNFPT :

Je vous remercie de l'intérêt que vous manifestez à l'égard du CNFPT en continuant à suivre, année après année, ses évolutions - soit dit sans ironie. Et je vous remercie de me donner l'occasion de rendre compte de sa situation et des changements que j'ai engagés depuis le début de mon mandat, mais aussi de tracer les grandes lignes de l'avenir.

Cette année, les travaux de la Cour n'ont pas été rendus publics dans les mêmes conditions que précédemment. Je quitte à l'instant le conseil d'administration sans avoir pu organiser le débat sur les observations de la Cour, puisque j'attends toujours la lettre d'observation définitive. Il y a eu, semble-t-il, un problème d'adressage...

Sur certains sujets, je ne suis pas d'accord avec la Cour, dont je ne remets cependant pas en cause le contrôle régulier, au service de l'amélioration de la gestion publique. Le présent rapport concerne la période 2004-2008, antérieure à mon entrée en fonctions en 2009. André Rossinot, à la suite du contrôle de 2002, avait pris des engagements, présentés à votre commission lors de son audition du 14 mai 2003. Trois ans durant, mon prédécesseur a présenté à chaque séance du conseil d'administration du CNFPT un rapport sur la réalisation de ces engagements. M. Claude Auriol, conseiller-maître à la Cour, qui était venu vérifier que les prescriptions de la lettre d'observation définitive avaient été respectées, en a donné acte au président de l'époque dans un « rapport de suite » de 2006, c'est-à-dire au milieu de la période examinée aujourd'hui.

Que s'est-il passé depuis cette audition ? J'ai trouvé dans le compte rendu des éclairages, d'abord sur la genèse de la loi de 2007. La commission des finances avait entendu alors les préconisations du président de section de la Cour des comptes, selon qui il fallait soit déplafonner le taux de la cotisation de 1 % de la masse salariale - autrement dit l'augmenter -, soit déplacer la frontière entre formation initiale et formation continue. C'est cette dernière proposition qu'a retenue le législateur. La loi de 2007 institue un nouveau partage de compétences entre centres de gestion et CNFPT, en confiant aux premiers l'essentiel de la gestion des concours - à l'exception de ceux concernant les grades dits « A + » - et la gestion des fonctionnaires momentanément privés d'emplois (FMPE). Les tâches du CNFPT ont ainsi été recentrées sur ses activités de formation, dont la redéfinition constitue le deuxième volet de la loi. Les formations statutaires ont été réorganisées, les formations initiales devenant des formations d'intégration, drastiquement réduites pour les catégories A et B mais étendues à la catégorie C, et complétées par des formations de professionnalisation tout au long de la carrière. Un droit individuel à la formation de deux jours par an cumulables a été institué. Du côté des collectivités, on a de nouveau recouru au « plan de formation », prévu par la loi de 1984 mais très peu pratiqué ; la collectivité employeuse s'est donc vue investie d'une mission précise dans la gestion des demandes de formation de ses agents, mais cette innovation n'a pas encore atteint son régime de croisière... L'ancien secrétaire d'Etat en charge des collectivités locales m'a d'ailleurs demandé d'élaborer un plan d'information à destination des collectivités.

J'en viens au rapport de la Cour des comptes. Contrairement à ce que prétend la Cour, je ne crois pas que le CNFPT ait été lent à appliquer la loi : il l'a anticipée dans bien des domaines, par exemple en ce qui concerne les transferts aux centres de gestion : un site internet a été ouvert afin de transmettre aux centres intéressés toutes nos connaissances sur les compétences transférées, y compris nos procédures. Le jour prévu, tous les dossiers individuels des FMPE ont été adressés à leurs nouveaux gestionnaires. Cela n'a pas empêché l'établissement d'assurer la continuité du service public des concours ni de prendre en charge les activités jusqu'au passage de relais. Le Centre y a mis de la bonne volonté, alors même que l'environnement des centres de gestion était instable. J'ai toujours plaidé pour la réunification de la Fédération nationale des centres départementaux de gestion (FNCDG).

Il y aurait pourtant eu matière à contentieux. La loi, prescrivant le transfert de la gestion des concours et des FMPE, a également reversé aux CDG les moyens financiers que l'établissement consacrait à ces activités, y compris le coût des personnels qui y étaient affectés, sans que les personnels eux-mêmes soient transférés, comme c'est la pratique habituelle. Le CNFPT a donc dû non seulement redéployer quelque cent dix agents en sureffectif, mais aussi indemniser les CDG des charges de ces mêmes personnels : sorte de « double peine » financière... Cela n'a rien à voir avec les cinquante neuf emplois résultant de contrats de prestations avec les CDG, qui à ce jour ont tous été intégrés.

L'établissement a su mettre en place rapidement de nouvelles formations d'intégration des agents de catégorie C, à la satisfaction générale : il a organisé 15 586 journées de formations au profit d'agents de catégorie C en 2010. Le contenu de ces formations a été conçu nationalement, ainsi qu'un dispositif de recrutement et de formation des formateurs et un plan d'organisation de ces formations au plus près des collectivités. L'établissement n'est jamais aussi efficace que lorsqu'il travaille à l'unisson. Demain, j'estime que plus de la moitié de nos formations bénéficieront d'une conception collective, et nous mettons d'ores et déjà en place un dispositif d'évaluation de la qualité et des effets de nos formations qui sera présenté cet été au congrès de la société française d'évaluation.

Depuis mon élection, j'organise cette collaboration, d'abord en mobilisant l'ensemble des cadres de l'établissement autour de valeurs républicaines et en définissant des priorités fédératrices : garantir la qualité des formations statutaires, réduire les inégalités d'accès à la formation, contribuer à l'amélioration de la gestion publique locale et faire vivre les valeurs du service public local, développer de nouveaux champs de coopération et d'ingénierie, promouvoir le développement durable dans la formation et la gestion. En se fondant sur ces priorités et sur les besoins des collectivités, les instances nationales du CNFPT ont élaboré des « orientations pluriannuelles de formation » adoptées par le conseil d'administration en avril 2010. Tous les cadres ont été mobilisés pour décliner ces orientations en termes opérationnels et organisationnels. Leur travail a été approuvé par le conseil d'administration, qui a adopté en septembre 2010 un projet national de développement. Depuis, chacune de nos structures régionales et de nos directions nationales a élaboré son projet de développement à partir du texte national.

Ces feuilles de routes définissent avec précision notre nouvelle organisation où chaque collectivité doit trouver dans sa délégation régionale un interlocuteur unique, porteur de l'offre de service et de formation de l'ensemble de l'établissement public. Nous avons fait le choix de la simplification en tenant compte des intérêts et des besoins de nos utilisateurs, non de notre organisation. Je vérifie régulièrement la pertinence de ces choix en allant les présenter aux élus et aux fonctionnaires au cours de visites régionales mensuelles. En près de deux ans, j'ai déjà visité la moitié des régions et rencontré beaucoup d'élus.

Nous énumérons dans nos réponses écrites à la Cour tous les audits et formalisations de procédures lancés : la Cour nous en donne acte tout au long de son rapport d'observation préliminaire. Sur six recommandations formulées par la Cour, cinq étaient déjà mises en oeuvre ou devaient l'être. Mais certaines remarques nous paraissent infondées, car elles ne tiennent pas compte des audits - audit et restructuration de la direction des ressources humaines, publication d'un arrêté d'organisation des services, institution d'un correspondant pour les ressources humaines dans chaque structure, audit de la fonction achat, audit et restructuration du système d'information, recrutement d'un directeur des systèmes d'information de très haut niveau -, ni du projet national de développement - adaptation de la production, dialogue avec les collectivités, rénovation de l'offre de formation, perfectionnement des outils de gestion, meilleure maîtrise des dépenses, cadrage et contrôle de la gestion des intervenants.

Malgré tous ces efforts, on nous adresse un carton rouge ! Le CNFPT est compté parmi les structures qui persistent à refuser de mettre en application les prescriptions de la Cour... Il y a incontestablement eu des dérives de gestion pendant les premières années d'existence de l'établissement. Des scories demeurent, et l'une de mes premières actions fut de déposer une plainte. Où est la résistance au changement ? Contrôle après contrôle, la qualité de la gestion s'améliore. La plupart des points sur lesquels la Cour ne constate pas d'amélioration ne dépendent pas de l'établissement ! Il en va ainsi du nombre d'emplois fonctionnels, défini par la loi. Tous nos postes de directeurs régionaux sont des emplois fonctionnels, et je ne proposerai pas de changer cette règle, car ce statut particulier responsabilise les cadres.

Nous mettrions trop de temps à appliquer la loi, mais ce que nous reproche la Cour, c'est d'avoir maintenu en service nos quatre écoles alors que nous savions que l'activité allait baisser. La Cour en désigne même deux, comme étant en état de sous-activité manifeste. De fait, ni mon prédécesseur ni moi-même ne nous sommes précipités pour fermer ces écoles. En effet, si le volume des formations initiales des agents de catégorie A a diminué avec la loi de 2007, celui du volume de leurs formations statutaires a été maintenu avec l'introduction des formations de professionnalisation tout au long de la carrière.

La baisse constatée du volume de formation réalisé en instituts nationaux spécialisés d'études territoriales est conjoncturelle. Les formations réalisées auparavant de façon groupée au moment de la nomination et assez unanimement critiquées pour la gêne qu'elles provoquaient au moment des prises de postes, se réalisent maintenant sous forme de formations de professionnalisation tout au long de la carrière, et petit à petit s'ajoutent aux formations d'intégration.

Il aurait donc été inconséquent de fermer des établissements pour compenser cette baisse conjoncturelle d'activité. Nous avons préféré utiliser l'énergie momentanément libérée pour refondre notre réseau de pôles de compétence, qui est un système d'observation des métiers, de l'évolution de leurs besoins de compétences, et le centre de conception des formations au service de tout l'établissement sous la coordination de la direction nationale du développement des formations. Tous nos instituts vont travailler ensemble, je les ai placés sous l'autorité d'un même directeur général, lui-même directeur de l'Institut national des études territoriales qui forme les agents des cadres d'emploi supérieurs, dits « A + ».

Chaque institut est spécialisé dans plusieurs politiques publiques : à Nancy, l'action éducative, la santé, la culture et la citoyenneté ; à Angers, la solidarité, la cohésion sociale et l'enfance; à Dunkerque, l'aménagement et le développement durable; à Montpellier, les services techniques urbains et les infrastructures publiques. Chaque institut accueille les pôles de compétences de sa spécialité et chaque institut reçoit une responsabilité territoriale. Dans son ressort, il accueille les cadres des collectivités pour leurs formations statutaires et assiste les délégations pour les aider à concevoir les formations pour répondre aux demandes particulières des collectivités. Dans un établissement dont la compétence est nationale et la culture territoriale, il n'y a pas de raison de positionner à Paris ces pôles de conception, de veille, d'ingénierie.

La Cour critique encore la « cagnotte » du CNFPT, alors que, dans ses rapports précédents, elle évoquait davantage des exercices déficitaires, des fonds de roulement négatifs, des défauts dans la perception des recettes. De fait, la politique d'économies drastiques mise en oeuvre par le président Rossinot et la hausse continue des cotisations ont engrangé 15 millions d'euros d'excédents annuels, que le CNFPT a thésaurisés. Tout le monde saluait cette politique, que l'on regardait comme prudente puisque la loi de 2007 se profilait et avec elle les réformes coûteuses qui lui étaient liées.

Cependant, lorsque ces reports d'excédents ont frôlé les 80 millions, j'ai considéré qu'on passait de la prudence au déséquilibre, sans rendre suffisamment de services aux collectivités locales. Je suis bien d'accord avec la Cour des comptes : ces excédents appartiennent aux collectivités qui les ont versés et aux agents qui auraient dû en bénéficier. Mais je suis totalement en désaccord avec la voie que recommande la Cour pour restituer ces excédents.

Plutôt que d'imaginer une baisse de 10 % de la cotisation en la ramenant à 0,9 %, qui rendrait le CNFPT déficitaire dès la fin 2012, j'ai proposé trois pistes à mon conseil d'administration. D'abord de remettre à niveau notre parc immobilier, en acquérant un immeuble, dans le 12ème arrondissement de Paris, pour regrouper l'ensemble des services du siège aujourd'hui répartis dans quatre sites, ainsi que l'avait recommandé la Cour dans un précédent rapport, tout en accueillant le Conseil supérieur de la FPT et la FNCDG. Cet achat va nous faire économiser 2,8 millions d'euros de loyers par an, remplacés par l'amortissement d'un bien qui représente un bon investissement. J'ai proposé, ensuite, de rénover nos systèmes d'informations, autre recommandation de la Cour, pour une dépense de 10 millions d'euros. Enfin, j'ai proposé d'investir davantage dans la formation : notre activité a augmenté de 12,7 % en 2009 et de 15 % en 2010. En deux ans, l'activité a donc augmenté de 27 %, alors que les cotisations ont progressé de 7 %.

Je voudrais encore évoquer la conjoncture, qui me paraît changer durablement. Alors que la recette de cotisation augmentait en moyenne de 6,8 % par an, principalement du fait de l'augmentation des effectifs territoriaux induits par l'acte II de la décentralisation, cette progression s'interrompt brutalement en 2009. En 2010 elle n'a été que de 2,55 % et nous l'avons évaluée à 1,5 % pour 2011.

La fonction publique territoriale, ensuite, va connaître un nombre important de départs en retraite : des salaires de fin de carrière vont être remplacés par des salaires de débutants qui auront simultanément de forts besoins de formation. Avec cela nous constatons déjà un mouvement de transferts des grandes collectivités qui achetaient auparavant autant ou davantage de formations sur le marché privé qu'elles ne nous sollicitaient. Aujourd'hui, elles se tournent vers nous et nous demandent de leur fournir ce qu'elles achetaient hier. Nous nous attendons très prochainement à un Glissement - Vieillesse - Technicité (GVT) négatif, à une hausse de la demande de formation et à une baisse de nos recettes.

Un recul de 10 % des cotisations représenterait environ 32 millions d'euros, ce qui, une fois épuisé le fonds de roulement, obligerait à diminuer le seul poste fongible : celui des formations, et nous serions contraints de diminuer notre activité de 20 %. En d'autres termes, la Cour ne nous donne pas un conseil de gestion, elle remet en cause la formation professionnelle pour les collectivités territoriales.

Les critiques de la Cour pénalisent le CNFPT et découragent l'ensemble du monde territorial. En fait, le CNFPT est original, c'est le seul établissement public des collectivités territoriales à intervenir à l'échelle nationale : cette originalité a été voulue et elle ne doit pas sans cesse être contestée. Enfin, l'instabilité législative ne favorise pas la gestion du CNFPT.

Le CNFPT a devant lui un chantier complexe, il a les ressources pour le réaliser dans les meilleures conditions si on lui laisse la stabilité dont il a besoin pour le mener à bien. La loi de 2007 a intégré l'essentiel de ce qui constituait l'accord interprofessionnel sur la formation tout au long de la vie signé par l'ensemble des partenaires sociaux. C'est ce cadre là qui a fait l'objet d'un large consensus, en étant adopté par les parlementaires de tous les groupes.

Aujourd'hui, nous avons besoin de stabilité réglementaire, le CNFPT s'implique pour aider les collectivités à former leur personnel, il s'est doté d'un nouvel organigramme, d'une politique d'audits, d'une réforme en profondeur, suivie au quotidien : ce n'est pas le moment de lui couper les ailes !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion