Nous sommes appelés à nous prononcer sur une convention, adoptée dans le cadre des Nations unies, qui porte sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens.
Cette convention est le résultat de très longs travaux menés au sein de la Commission du droit international des Nations unies, qui ont commencé en 1977.
Elle a pour objet de codifier les règles de droit international relatives aux immunités juridictionnelles des Etats, qui sont principalement d'origine coutumière.
Les immunités de l'Etat sont destinées à garantir le respect de sa souveraineté lorsque ses agents, sa législation ou ses biens sont en rapport direct avec la souveraineté territoriale d'un autre Etat. La notion d'immunité des Etats est la traduction du principe de l'égalité souveraine entre les Etats, qui exclut que l'un d'entre eux soit soumis à des actes d'autorité, y compris juridictionnels, d'un autre Etat. Cette immunité a pour conséquence que les biens de l'Etat qui se trouvent sur un territoire étranger, ainsi que ses actes qui peuvent éventuellement y être contestés, sont protégés contre toute atteinte de ce type.
Cette exception au principe de la souveraineté nationale est d'autant mieux admise qu'elle est réciproque et reconnue depuis longtemps par le droit international.
On distingue habituellement l'immunité de juridiction et l'immunité d'exécution.
L'immunité de juridiction implique qu'en principe un Etat ne peut être jugé à l'étranger, selon la maxime « par in parem non habet jurisdictionem », reflétant le principe de l'égalité souveraine des Etats.
L'immunité d'exécution entraîne pour conséquence qu'aucune forme de contrainte (comme une saisie par exemple) ne peut être exercée contre les biens d'un autre Etat, étant entendu qu'elle ne vise que les biens affectés aux fonctions d'autorité, c'est-à-dire les biens nécessaires à l'activité des représentants de l'Etat et de ses services publics à l'étranger (ambassades, navires de guerre, etc.) mais aussi ses disponibilités monétaires, y compris dans les banques privées.
Toutefois, on peut constater qu'une distinction a été établie depuis longtemps dans les jurisprudences internes des Etats, et notamment en France, entre les activités souveraines, pour lesquelles les Etats bénéficient d'immunités juridictionnelles, et les actes de gestion, ne bénéficiant pas d'immunités juridictionnelles. L'immunité des Etats n'est donc pas absolue.
La convention des Nations unies ne s'applique qu'aux litiges civils. Elle énonce d'abord le principe de l'immunité de juridiction devant les tribunaux d'un autre Etat en énumérant les exceptions à ce principe. Ces exceptions portent notamment sur les transactions commerciales, les contrats de travail, les questions de propriété ou encore les navires dont l'Etat est propriétaire utilisés à des fins commerciales. La convention pose ensuite le principe de l'immunité d'exécution, en précisant les cas dans lesquels cette immunité d'exécution ne s'applique pas. Enfin, la convention détaille des catégories spécifiques de biens qui sont considérés comme étant affectés par nature aux activités souveraines de l'Etat et sont donc en principe insaisissables, comme les comptes bancaires des missions diplomatiques ou des postes consulaires.
Au total, la convention correspond à la pratique suivie par les tribunaux français en la matière.
En particulier, elle repose sur la théorie de l'immunité de juridiction restreinte de l'Etat, fondée sur la distinction entre les actes d'autorité et les actes de gestion, consacrée par la Cour de cassation. La ratification de cette convention ne devrait donc pas avoir d'incidences sur notre droit, à une exception près.
En effet, elle pourrait nécessiter de modifier l'article L 153-1 du code monétaire et financier sur les biens des banques centrales étrangères, introduit par la loi du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l'économie. Il semble en effet nécessaire d'élargir la liste des exceptions au principe de l'insaisissabilité des biens de l'Etat étranger détenus ou gérés par une banque centrale ou une autorité monétaire, afin de prendre en compte notamment le cas du consentement de l'Etat étranger à une saisie.
A la fin du mois de septembre 2010, 28 Etats avaient signé la convention sur les immunités juridictionnelles des Etats et dix d'entre eux l'avaient ratifiée.
Son entrée en vigueur nécessite un minimum de 30 ratifications.
Je vous proposerai d'adopter ce projet de loi.