Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici maintenant appelés à voter ce projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs.
Vous ne serez pas surpris que, en cohérence avec l'ensemble de nos interventions, nous rejetions un tel texte, car, loin de répondre aux exigences des usagers, qui réclament la mise en oeuvre d'un service public fiable et performant, il entérine une atteinte sans précédent au droit de grève.
En effet, de continuité, il n'est pas question dans ce texte. Celle-ci suppose principalement la mise en oeuvre d'un plan de financement ambitieux en faveur des infrastructures, du renouvellement du matériel et d'une présence humaine renforcée. Sans moyens, le nombre de perturbations ne peut qu'augmenter, et ce alors même que le nombre de jours de grève décroît sensiblement. Les grèves ne représentent en effet que 2 % des perturbations à la SNCF.
Il n'est pas non plus question de dialogue social dans ce texte. La loi, acte unilatéral, impose non seulement le principe de la négociation et son périmètre, mais également le délai durant lequel celle-ci doit se dérouler. Comble du ridicule, ce projet de loi rend caducs les accords de prévisibilité qui avaient vu le jour à la SNCF et à la RATP.
Ce texte, nous l'avons dit, est inutile, voire dangereux. Il ne constitue plus alors qu'une attaque en règle du droit de grève, droit pourtant constitutionnellement reconnu et garanti.
Certains sénateurs de la majorité ont même été tentés de renforcer ces atteintes condamnables, et condamnées par tous les ordres de juridiction. Notre assemblée n'a heureusement pas voté ce qui était proposé en ce sens. Cela étant dit, tel qu'il a été amendé par la commission, ce texte reste une atteinte caractérisée au droit de grève.
En effet, les mesures phare de ce texte demeurent : la déclaration préalable de grève quarante-huit heures avant le début du mouvement, ainsi que la consultation des salariés sur la poursuite de la grève huit jours après son commencement, organisée par la seule entreprise.
Toutes ces dispositions n'ont qu'une seule finalité, isoler les grévistes pour rendre plus difficile l'exercice collectif du droit de grève.
Par ailleurs, le mécanisme de notification et de négociation préalable imposé à l'article 2 ne sert qu'à allonger la durée du préavis et se comprend en liaison avec l'article 3 qui interdit les préavis glissants. Il s'agit donc de rendre difficile l'exercice du droit de grève en l'interdisant même durant certaines périodes.
Pour finir, les notions de services essentiels et de dessertes prioritaires sont d'une telle subjectivité qu'elles laissent la porte ouverte à toutes les interprétations. En confiant aux régions la responsabilité de définir le service minimum et, par conséquent, les modalités d'exercice du droit de grève, il s'agit d'éclater la définition du droit de grève au niveau régional pour l'affaiblir. Il s'agit encore une fois pour le Gouvernement de se décharger de sa responsabilité sur les régions.
Le gouvernement auquel vous appartenez est donc décidé, sous couvert de service minimum, à revenir sur le droit de grève pour lui retirer toute consistance.
Dans ce sens, à peine les débats avaient-ils commencé que le Premier ministre prônait déjà l'élargissement du champ d'application de ces mesures, notamment à l'éducation nationale.
La volonté du Gouvernement est donc limpide. Il s'agit de revenir sur l'ensemble des acquis sociaux et, si possible, en passant par de nouvelles lois.
Quelle contradiction pour des libéraux qui prônent pourtant sans cesse les vertus de la liberté contractuelle ! Ces contradictions flagrantes devraient pousser les membres du Gouvernement à un peu de pragmatisme. Celui-ci vous conduirait naturellement à accéder à l'idée d'un bilan sur l'ensemble des lois de déréglementation et de libéralisation.
Sur la forme, nous regrettons le caractère polémique et démagogique dont ont fait preuve le président de la République et le Gouvernement dans la présentation de ce texte.
L'article 9 sur le non-paiement des jours de grève, aggravé dans des conditions plus que regrettables que nous avons fortement dénoncées au cours des débats, est scandaleux ; quel populisme ! Laisser entendre que les salariés des transports sont payés lorsqu'ils décident d'user de leur droit constitutionnel est inacceptable !
L'interdiction absolue de négocier les accords de fin de conflit est une véritable déclaration de guerre du Gouvernement et de sa majorité aux salariés.
Nous l'avons dit et répété, la grève est un choix lourd, y compris financièrement, auquel les salariés sont trop souvent contraints par la politique menée par le Gouvernement, directement inspirée par le MEDEF et toujours mise en oeuvre par les directions d'entreprise.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen mettent alors un point d'honneur à défendre cet acquis du mouvement social et républicain dont la valeur prend tout son sens quand les hommes politiques au pouvoir n'ont qu'un seul souhait, celui de faire de la loi de marché la règle absolue de vie au sein de la cité et de priver les citoyens de toutes leurs libertés.
Quand l'intérêt général pèse si peu face aux intérêts des multinationales, alors le droit de grève est un droit utile, et même indispensable, pour que chaque individu salarié puisse exercer sa citoyenneté en tout lieu, et notamment au sein de l'entreprise.