Notre agence emploie quarante-sept personnes en France, quarante à Francfort et quatre cent soixante à Londres.
Nous sommes conscients de l'importance des événements survenus depuis deux ou trois ans et nous n'avons eu de cesse d'en tirer les enseignements et de participer aux divers travaux sur une future régulation, en plaidant pour la coordination et la cohérence des politiques mises en place.
L'agence Fitch reconnaît l'existence de conflits d'intérêt potentiels du fait que nous pouvons être amenés à noter des entités qui nous rémunèrent. Ces conflits d'intérêt sont identifiés, gérés et divulgués ! Notre code de bonne conduite et des procédures publiques nous permettent de nous prémunir contre ce risque. En réalité, il n'existe pas de modèle économique dénué de tout conflit d'intérêt. Si nous étions rémunérés par les investisseurs, nos notes auraient un impact sur leur stratégie d'investissement ; de plus, la majorité d'entre eux sont eux-mêmes notés ; enfin, la fin de la diffusion publique des notes réserverait l'information au profit de quelques-uns seulement, ce qui nuirait à la transparence du marché. Notre modèle actuel de gestion des conflits d'intérêt est efficace grâce à des procédures qui assurent l'objectivité des notations, leur intégrité et leur indépendance ; grâce, aussi, au renforcement du contrôle européen.
Je peux donner quelques exemples des procédures mises en place pour gérer d'éventuels conflits d'intérêts. Les activités d'analystes sont totalement séparées des activités commerciales. Il n'y a aucune relation entre la rémunération des analystes et les revenus tirés de la notation des entités dont ils ont la charge. Ces analystes ont l'interdiction absolue de se livrer à des activités de conseil ou de structuration. La notation est déterminée par un comité - qui, chez nous, comprend obligatoirement un membre indépendant. Nous avons mis en place des responsables-crédit dans chaque groupe de notation, chargés de s'assurer que le processus respecte bien l'ensemble des procédures et méthodologies de notation. Nous avons mis en place un code de bonne conduite, révisé en 2009, conformément aux préconisations de l'OICV. Enfin, les activités annexes à la notation sont conduites dans des entités juridiques distinctes, ou séparées par une véritable « muraille de Chine ».
S'agissant de la responsabilité des agences, l'amendement Chartier proposait de les placer sous le régime de la « responsabilité sans faute ». Ce n'est pas acceptable car cela leur ferait courir un risque d'un niveau insupportable et injustifié, allant jusqu'à remettre en cause leur activité en France. La notation est une opinion prospective sur la solvabilité à terme d'un émetteur, ce n'est pas une vérification a posteriori comme celle d'un commissaire aux comptes. L'application d'une « responsabilité sans faute » pour n'avoir pas prédit le futur serait donc pour le moins mal avisée. Dans sa nouvelle rédaction, cet amendement prévoit l'application du code civil d'une part, la responsabilité de l'agence vis-à-vis de la réglementation européenne, d'autre part. C'est plus acceptable. Quant à l'interdiction des clauses limitant la responsabilité des agences, on doit y réfléchir à nouveau... L'exposé des motifs de cet amendement souligne l'absence de vigilance des analystes dans les notations non sollicitées. Nous le contestons formellement et cela va à l'encontre du renforcement de la concurrence que les régulateurs appellent de leurs voeux. Les nouvelles propositions de la Commission de Bruxelles encouragent justement, dans le domaine de la titrisation, les notations non sollicitées.
Diverses propositions sont en cours de discussion au Congrès à Washington. Le projet dit LeMieux propose de supprimer toute référence aux notations dans les exigences règlementaires. Cela favoriserait-il la concurrence ? Ou bien la concentration en faveur des deux plus grandes agences de notation, lesquelles occupent déjà 80 % du marché, contre 14 % pour Fitch ? Quant au projet dit Franken, il concerne la seule titrisation. La presse prétend qu'un comité serait chargé d'attribuer les mandats de notation. Je ne suis pas d'accord avec cette interprétation : le projet se contente de prévoir qu'un comité définirait les règles d'attribution de ces mandats.
Le projet d'agence européenne est à analyser à l'aune du caractère oligopolistique - je dirais même duopolistique - du marché de la notation. S'il existe actuellement trois agences globales, dont Fitch Ratings fait partie, il existe aussi de nombreuses agences locales ou sectorielles - consacrées par exemple aux assurances. Fitch Ratings est le résultat d'une initiative et de l'investissement considérable d'une société française, Fimalac, à la fin des années quatre-vingt-dix et nous appelons de nos voeux un renforcement de la concurrence. La création d'une agence demande du temps, il faut qu'elle puisse établir sa crédibilité auprès des investisseurs car, in fine, ce sont eux qui décident du niveau de la concurrence.
Fitch Ratings est déjà une agence européenne : notre actionnaire majoritaire est français et nous avons un siège social à Londres en plus de celui de New York. L'équipe d'analystes des risques souverains est basée à Londres. Et nous avons une filiale à Paris.