Intervention de Dominique Baudis

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 15 juin 2011 : 1ère réunion
Audition de M. Dominique Baudis candidat proposé par M. Le Président de la république en tant que défenseur des droits

Dominique Baudis :

C'est un honneur pour moi d'être entendu par votre commission dans le cadre du processus de nomination du Défenseur des droits, qui sera le premier à exercer cette fonction créée par la réforme constitutionnelle, et dont le Parlement a défini les attributions par une loi organique. Le travail exemplaire réalisé par le Parlement, et notamment par votre commission, au cours de la navette, jusqu'au compromis en commission mixte paritaire, montre l'importance que vous attachez à cette nouvelle institution au service des droits et des libertés des citoyens.

Je mesure l'ampleur du travail à accomplir si vous me faites confiance. Cette confiance du Parlement est une condition essentielle pour installer le Défenseur des droits dans le paysage institutionnel et juridique. Tout au long de son mandat, le Défenseur des droits sera à la disposition du Parlement et des commissions qui ont à connaître de son action, et entretiendra des relations avec les parlementaires dans le suivi des saisines.

Si vous m'accordez votre confiance, je poursuivrai cinq objectifs. Le premier est de sauvegarder les acquis et de valoriser le potentiel et l'expérience du Médiateur, du Défenseur des enfants, de la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) et de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde). Lors du débat parlementaire, certains s'étaient inquiétés du risque de dilution des spécificités des institutions existantes, de leur cannibalisation. Ces craintes, partagées par les institutions, les associations et les personnels, n'ont plus lieu d'être. Grâce à l'architecture prévue par la loi, les acquis seront sauvegardés, avec le transfert des services, et valorisés, avec la création de trois adjoints à plein temps et de trois collèges.

Faut-il créer des adjoints supplémentaires, comme le permet la loi ? J'aimerais connaître votre opinion. Pour ma part, je ne le crois pas. Un adjoint supplémentaire aurait une légitimité moindre que les trois créés par la loi, d'autant qu'il n'aurait pas de collège. En outre, le régime d'incompatibilités implique que les adjoints soient rémunérés. Il est également à craindre qu'une fois franchie la borne posée par la loi, il n'y ait plus de limites, or une multiplication d'adjoints diluerait l'autorité de ceux que le législateur a créé.

Les membres des trois collèges seront désignés pour leur compétence. C'est en débattant, en confrontant les points de vue que l'on aboutira à des décisions équitables et motivées. Le Défenseur des droits doit présider personnellement chacun des trois collèges, avec son adjoint comme vice-président. Il faut utiliser fréquemment l'article 12, qui permet de réunir conjointement les collèges, afin d'encourager la transversalité. Les adjoints devront travailler ensemble autour du Défenseur des droits, afin que l'institution apprenne à parler un même langage, au service des droits et des libertés. Le Défenseur des droits et ses trois adjoints formeront l'équipe de gouvernance.

Deuxième objectif : utiliser pleinement la capacité juridique du Défenseur des droits, qui est supérieure à celle des institutions existantes. Le Défenseur des droits est inscrit dans la Constitution, et la loi a aligné par le haut les capacités des autorités précédentes. Chacun pourra saisir le Défenseur, qui pourra également se saisir d'office ; ses pouvoirs d'audition et d'enquête sont une avancée, notamment pour la défense des enfants ; il pourra consulter le Conseil d'État - c'est une innovation - et demander des études au Conseil d'État et à la Cour des comptes. Il aura un pouvoir de saisine du juge des référés et de mise en demeure, alors que le Médiateur et le Défenseur des enfants ne pouvaient intervenir dans la procédure judiciaire. La dynamique est la même que pour l'intercommunalité : chaque commune a son domaine, mais l'intercommunalité donne davantage de force à l'ensemble.

Troisième objectif : rendre un meilleur service aux citoyens sans demander plus au contribuable. La gestion administrative et financière sera complexe, avec quatre lieux d'implantation, des organigrammes, des statuts et des rémunérations différents. Le rapprochement devra s'opérer sans brutalité, dans le dialogue social, en suivant une feuille de route. Dès à présent, certaines fonctions peuvent être mutualisées : gestion des ressources humaines, informatique, communication, relations européennes et internationales. La question immobilière est difficile en raison du coût et de la longueur de certains baux, dont il est difficile de se défaire. Je propose de me mettre en relation avec France Domaine pour trouver une solution au plus vite.

Quatrième objectif : faire du Défenseur des droits une institution de proximité grâce au maillage territorial. On pourra certes saisir le Défenseur par courrier ou courriel, mais le contact humain reste irremplaçable. Les personnes en détresse ont besoin d'écoute et de respect. Aujourd'hui, les trois réseaux de la Halde, du Médiateur et du Défenseur des enfants comptent 450 personnes, réparties sur 600 lieux. Il faut développer encore ce réseau, en valorisant le potentiel d'expérience des seniors, qui mettent bénévolement leurs compétences au service de l'intérêt général, et le potentiel d'énergie des jeunes qui exercent via le service civique une première activité tournée vers le service des autres. Le Défenseur des enfants a d'ailleurs déjà fait appel à eux.

Le Défenseur des droits devra s'impliquer personnellement dans cette dimension de proximité, en évitant l'écueil de la surexposition médiatique qui banalise la parole de l'institution et l'entraîne sur le terrain polémique : pas question de jouer l'imprécateur public sur les plateaux de télévision. Mais il ne doit pas non plus rester enfermé entre quatre murs ! Si vous me faites confiance, je prends l'engagement de me rendre dans chaque région d'ici la fin de l'année et d'aller régulièrement sur le terrain, y compris outre-mer et à l'étranger, rencontrer les élus, les associations, les acteurs de la société civile et les individus qui font appel au Défenseur. S'il sera impossible à celui-ci de traiter tous les cas, il doit rester en contact avec la réalité humaine de la société.

Cinquième objectif : faire du Défenseur des droits un vecteur des valeurs de la France dans le domaine des droits humains et des libertés publiques. Ces valeurs sont universelles, mais on peut dégager trois priorités : l'Europe, via l'Union européenne et le Conseil de l'Europe ; la francophonie, en accompagnant le progrès des démocraties comme la Côte d'Ivoire ; la Méditerranée et le monde arabe, où les peuples se sont libérés et doivent désormais construire un état de droit. Il faut maintenir la présence du Défenseur des droits dans les réseaux européens, les instances où étaient représentées les institutions précédentes, notamment le Défenseur des enfants.

J'espère vous avoir convaincus de ma détermination à m'impliquer de toutes mes forces et de tout mon coeur dans cette mission passionnante. En ai-je la capacité ? C'est à vous qu'appartient la réponse.

Il m'est demandé de présenter aussi mon cursus. Je ne suis ni professeur de droit, ni ancien ministre...

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