Intervention de Dominique Baudis

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 15 juin 2011 : 1ère réunion
Audition de M. Dominique Baudis candidat proposé par M. Le Président de la république en tant que défenseur des droits

Dominique Baudis :

Monsieur Gélard, le Défenseur des droits doit, d'une part, organiser l'institution sur le plan logistique et budgétaire, d'autre part, produire un corpus de décisions juridiquement solides.

La question des locaux est délicate. La Halde et le Médiateur occupent des locaux dont les baux se terminent en 2014 ; la Halde acquitte en outre un loyer élevé. Ces lieux peuvent peut-être être utilisés pour autre chose. Je compte me rapprocher au plus vite de France Domaine pour trouver une solution, au moindre coût.

Chacune des quatre institutions dépasse son plafond d'emploi. Je ne prendrai aucune décision concernant les personnels avant d'avoir rencontré les équipes, ce que je me suis interdit de faire avant d'entrer en fonction. Les directeurs m'ont toutefois fourni des informations, et j'ai constaté que les équipes des quatre institutions s'étaient spontanément rapprochées, harmonisant aussi bien le papier à lettre et les sites Internet que les procédures de traitement des saisines. Je consacrerai le mois de juillet à l'évaluation, pour prendre les décisions en connaissance de cause.

Je souhaite recruter un directeur général des services expérimenté, chargé de la gestion financière et du bon suivi des indicateurs de performance. Je rendrai bien entendu compte régulièrement de ma gestion devant vos commissions.

Il faut en effet étoffer le réseau des délégués territoriaux et aller vers un guichet unique, mais les 450 personnes qui animent les trois réseaux existants ne deviendront pas pluridisciplinaires du jour au lendemain. L'objectif, à terme, est que les délégués territoriaux aient un aperçu de toutes les dimensions de la défense des droits, mais au début, nous conserverons des équipes spécialisées.

Le code de déontologie et le règlement intérieur devraient être prêts fin septembre. Les trois adjoints seront nommés très rapidement, ainsi que le directeur général des services. Je souhaite doter les collèges d'un secrétaire général, afin qu'ils apprennent à travailler ensemble, et pour donner force et cohérence à l'ensemble.

Tout courrier doit recevoir une réponse motivée, y compris quand il n'y a pas de suite à donner à la demande. Il faudra être pédagogique, utiliser des termes compréhensibles, et orienter le cas échéant les demandeurs vers d'autres voies de recours.

Sur le plan international, il faut maintenir une présence dans l'ensemble des structures où étaient représentées les institutions précédentes, notamment s'agissant des droits des enfants. Le Défenseur assurera cette représentation quand il le peut ; à défaut, ce sera l'adjoint compétent.

Le rapport annuel dressera, au bénéfice des pouvoirs publics, du Parlement et de l'exécutif, le bilan de l'auscultation de la société, de ses souffrances et de ses malaises. Il faut plusieurs rapports, dont un spécifiquement sur les enfants. Le rapport annuel global doit inclure quatre rapports annexes distincts, pour les quatre activités. Il pourra également y avoir à tout moment des rapports sur des problèmes spécifiques.

Je viendrai bien entendu devant la commission des lois à chaque fois que celle-ci le jugera utile, comme devant les autres commissions.

S'agissant du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, il nous faudra travailler en symbiose avec M. Delarue, car les frontières sont imprécises entre son domaine et celui du collège chargé de la déontologie de la sécurité. Le Contrôleur général pourra bénéficier des observations recueillies par les délégués territoriaux, par exemple quand il s'agit d'enfants.

En effet, Monsieur Peyronnet, on risque d'être submergé par la masse de demandes. Il faudra expliquer ce que le Défenseur des droits peut et ne peut faire, si l'on ne veut pas entraîner de désillusions. Nous devrons travailler avec une entreprise de communication pendant les deux premières années, car tout est à faire : création du logo, site Internet, dépliants, relations avec les médias... Si je n'imagine pas aller régulièrement sur une radio privée, les chaînes parlementaires pourraient peut-être ouvrir un temps d'antenne au Défenseur des droits. La communication devra être axée sur la pédagogie.

La fonction du Défenseur est bien de défendre les droits, mais, dans l'arsenal juridique, il faut appliquer le principe de subsidiarité : quand on peut résoudre un problème par la médiation, il faut y recourir !

Je n'ai nullement une approche centralisée de la fonction, ni sur le plan géographique, ni sur le plan du fonctionnement. Je crois beaucoup à la collégialité, que j'ai pratiquée au CSA, car nous avons besoin d'expertises, d'expériences différentes. À mes yeux, le Défenseur des droits doit présider personnellement les collèges pour entendre le débat, toujours riche d'enseignements. Il ne s'agit pas de marginaliser les adjoints, mais au contraire de s'imprégner des travaux des collèges avant de prendre une décision.

Les délégués territoriaux ne deviendront pas polyvalents d'un coup de baguette magique. Il faut tendre vers une polyvalence, à travers les recrutements et les formations, mais conserver la spécialisation.

Monsieur Zocchetto, il y a beaucoup à inventer dans la relation avec l'autorité judiciaire. Il faut que le Défenseur des droits s'installe dans le paysage juridique et institutionnel aux côtés des juridictions administratives et judiciaires. Il faudra employer avec discernement les moyens considérables dont il dispose : privilégier la médiation, mais ne pas hésiter à mettre en demeure si nécessaire. Je veillerai à ce qu'au moins l'un des trois adjoints ait une bonne connaissance du fonctionnement de l'institution judiciaire.

En effet, Monsieur Lecerf, beaucoup des recommandations et avis de la CNDS restent lettre morte. La capacité d'injonction du Défenseur des droits permettra d'assurer qu'ils trouvent une suite satisfaisante. La Halde s'est prononcée contre les statistiques ethniques, mais les organismes publics chargés de l'évaluation quantitative seront des interlocuteurs intéressants, en matière de discriminations.

Monsieur Mézard, la CNDS n'avait pas la capacité d'imposer des mesures : avec le nouveau dispositif, nous l'aurons. Comment renforcer le maillage territorial sans augmenter la dépense publique ? Les seniors recrutés comme délégués territoriaux reçoivent 350 euros par mois et consacrent beaucoup de temps à leur mission, heureux d'y trouver une utilité sociale. J'imagine volontiers de leur associer un jeune accomplissant son service civique : je crois beaucoup à la coopération des générations, qui peut se faire à moindre coût.

Madame Borvo Cohen-Seat, l'indépendance se prouve ! Pendant six ans, je crois l'avoir fait à la tête du CSA. Chacun peut trouver en soi les ressources pour faire abstraction de ses attaches partisanes. Associer le Parlement au processus de désignation est un progrès. L'audition devant vos commissions est un exercice salutaire : j'ai dû, pour m'y préparer, creuser le sujet, consulter le compte rendu des débats parlementaires... M. Migaud, nommé premier président de la Cour des comptes en conseil des ministres, sans être auditionné par le Parlement, n'exerce-t-il pas ses fonctions en toute indépendance et en toute impartialité ?

Je l'ai dit, dans le dispositif actuel, la CNDS aura davantage de pouvoir, et de moyens de se faire entendre.

M. Sueur a posé des questions très politiques. Pourquoi cette institution ? Le débat a eu lieu. Je suis convaincu que l'on peut sanctuariser les domaines des institutions existantes tout en donnant davantage de pouvoir juridique et d'efficacité à l'ensemble.

Le discours de Grenoble ? Je ne crois pas que le rôle du Défenseur des droits soit d'interpeller publiquement les autorités de la République. Au-delà des discours, il y a les actes. Le Défenseur des enfants a produit des rapports sur les enfants Roms : le Défenseur des droits pourra aller au-delà. L'évacuation des camps, par exemple, peut concerner la déontologie de la sécurité...

Ce n'est pas dans la polémique mais dans l'exercice scrupuleux et rigoureux des prérogatives de l'institution que l'on peut, sur le terrain, essayer de réparer les injustices, les discriminations et les abus de droit. Si le Parlement me permet d'exercer cette fonction, je prends l'engagement de venir devant votre commission quand vous le désirerez, pour confronter mon action à vos remarques et suggestions.

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