Intervention de Bruno Racine

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 7 octobre 2009 : 1ère réunion
Audition de M. Bruno Racine président de la bibliothèque nationale de france bnf

Bruno Racine, président de la BNF :

a rappelé que son institution avait été pionnière en la matière, en démarrant la numérisation de ses oeuvres en 1997. Il a précisé que l'opération concernait presqu'exclusivement les oeuvres ou documents entrés dans le domaine public (c'est-à-dire antérieurs à la première guerre mondiale) afin de respecter les délais de prescription des droits.

Il a relevé que si 24 millions de pages de textes, imprimés, livres ou périodiques avaient été numérisés au cours des trois dernières années, seuls 30 à 40 000 livres et une infime partie des collections de journaux, pourtant fragiles, étaient concernés.

Il a fait également état du lancement d'un programme de numérisation des collections spécialisées (telles qu'estampes, cartes ou partitions musicales).

Au total, l'ensemble des frais afférents à ces opérations, y compris le stockage, s'élèvent à 6 ou 7 millions d'euros par an, financés via le Centre national du livre (CNL), un tel financement sur fonds publics n'ayant pas d'équivalent dans le reste de l'Europe. Ceci explique d'ailleurs que le projet Europeana soit composé, pour l'essentiel, de documents numérisés par la France.

Pour ce qui concerne l'accès payant aux oeuvres protégées par le droit d'auteur, une expérimentation est en cours, le CNL subventionnant les projets des éditeurs. Relevant que seulement 215 000 de ces ouvrages sont accessibles, il a souligné l'absence de base légale en vue de protéger les quelques millions d'oeuvres orphelines. Des propositions en vue d'y remédier seront avancées en 2010.

Puis M. Bruno Racine, président de la BNF, a apporté des précisions concernant Europeana : à l'inverse de Gallica, il ne s'agit pas d'une bibliothèque numérique, mais d'un portail d'accès aux ressources numériques des différents pays européens et d'un moteur de recherche. Les documents ainsi accessibles sont essentiellement des images, la numérisation de ces dernières étant moins onéreuse que celle des livres et imprimés. Ce projet s'intéresse par conséquent davantage aux fonds des musées qu'à ceux des bibliothèques. Par comparaison, le projet de Google Livres concerne sept à dix millions de livres et imprimés. Un partenariat a déjà été conclu avec de grandes bibliothèques mondiales, telles que, pour la partie francophone, Lausanne, Gand et bientôt Lyon.

Le président de la BNF a ensuite exposé que s'il avait défendu l'idée d'une numérisation sélective des oeuvres, voilà deux ans et demi, il était désormais convaincu que l'internaute souhaitait pouvoir accéder à l'exhaustivité des oeuvres. Alors qu'un tel projet paraissait utopique, Google serait susceptible de le réaliser en une dizaine d'années.

S'il a exclu l'idée de confier la totalité d'un programme de numérisation à un partenaire privé, la BNF devant rester maîtresse de sa politique de numérisation, il a jugé que le recours à un tel acteur pouvait intervenir en complément d'une politique réalisée grâce aux subventions publiques et aux ressources propres de l'établissement.

S'agissant de la presse, il a jugé nécessaire de changer d'échelle, les crédits alloués à cette fin par le CNL (6 millions d'euros) s'avérant insuffisants.

Il a évoqué la possibilité de confier à un partenaire privé la numérisation d'un certain nombre de collections et d'engager des discussions avec Google pour ce qui concerne les ouvrages français déjà numérisés.

Puis il a fait valoir la possibilité de mettre en oeuvre un schéma au niveau national, afin que d'autres grandes bibliothèques nationales, universitaires ou de grandes villes, puissent profiter des marchés négociés par la BNF.

a rappelé les réflexions relatives à l'inscription d'un projet de numérisation, notamment de la presse, dans le cadre du grand emprunt, sachant que la numérisation et la conservation (presque aussi coûteuse) de 20 % des collections concernées (couvrant la période 1870 - 1939) sont estimées à 40 millions d'euros.

Il a souligné ensuite, hormis la Norvège, qu'aucun autre Etat européen n'avait l'intention de lancer un tel programme, les autres bibliothèques nationales ayant conclu un partenariat avec une entreprise privée ou étant en pourparlers. Il a donné l'exemple du Danemark et de la Belgique, à qui la société américaine ProQuest propose, à titre de contrepartie, un accès gratuit aux oeuvres numérisées par ses soins pendant dix ans et un accès payant dans les autres pays pendant cette période.

Il a aussi cité le cas de :

- la Grande-Bretagne, où un partenariat devrait être conclu pour la numérisation de la presse, l'accès auxdites collections étant gratuit pendant dix ans ;

- l'Italie, en cours de négociation avec Google pour la numérisation des fonds de 50 bibliothèques dépendant de l'Etat.

a jugé nécessaire la définition d'une charte déontologique de partenariat entre les institutions publiques patrimoniales et les partenaires privés, afin de définir les contreparties dont ces derniers, qui supporteraient le coût de la numérisation des oeuvres, pourraient bénéficier durant un temps limité. A défaut d'une réflexion sur les conditions d'acceptabilité d'un tel partenariat, notre pays risquerait de perdre son avance et le projet Gallica serait menacé.

Avec le partenariat envisagé avec Google, la BNF se verrait confier les ouvrages français tombés dans le domaine public et que l'entreprise a déjà numérisés. Par ailleurs, sans perturber le fonctionnement de la BNF, la numérisation des quelque 300 000 ouvrages détenus en double exemplaire serait confiée à Google.

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