Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis le 1er novembre 1998, date de l'entrée en vigueur du protocole n° 11 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui fixe les conditions de fonctionnement du mécanisme de recours, l'activité de la Cour européenne des droits de l'homme a connu un développement considérable.
L'arriéré de la Cour a atteint 65 000 requêtes et environ 45 000 nouvelles requêtes sont enregistrées chaque année. Les délais de jugement dépassent cinq ans.
L'activité de la Cour est déséquilibrée au profit de l'examen de la recevabilité des requêtes et absorbée par des affaires répétitives : plus de 90 % des requêtes sont ainsi déclarées irrecevables et, parmi les requêtes déclarées recevables, 60 % portent sur des affaires répétitives pour lesquelles une jurisprudence constante a déjà été établie.
La réforme, objet du protocole que nous examinons aujourd'hui, devait concilier deux impératifs : améliorer l'examen de la recevabilité des requêtes, tout en garantissant l'accès à la juridiction.
Vous l'avez rappelé, madame la ministre, le protocole n° 14 crée une nouvelle formation de jugement à juge unique et élargit la compétence des comités de trois juges, qui pourront rendre un arrêt sur le fond, conjointement à la décision de recevabilité si une affaire obéit à une jurisprudence bien établie.
Il prévoit également une nouvelle condition de recevabilité. Aux termes du nouvel article 35, la Cour pourra déclarer irrecevable toute requête individuelle lorsqu'elle estimera que le requérant n'a subi aucun « préjudice important », notion qui devra être précisée par la jurisprudence. Cette nouvelle condition est encadrée par deux dispositions importantes : lorsque le préjudice est faible mais que la requête soulève une question de fond touchant aux droits de l'homme, l'affaire doit être obligatoirement examinée ; de même lorsqu'elle n'a pas été dûment examinée par un tribunal interne.
Dernier point notable, le protocole n° 14 ouvre à l'Union européenne, à un horizon encore indéfini, la possibilité d'adhérer à la convention, qui lui deviendrait ainsi opposable.
Le protocole n° 14 doit être ratifié par l'ensemble des États parties à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. Le processus de ratification des États signataires est à ce jour bien engagé, même si la signature de la Russie n'est toujours pas intervenue.
Ce texte tente d'apporter une réponse équilibrée à la saturation de la Cour en accélérant les délais de jugement - considérés dans sa jurisprudence comme l'une des conditions d'un procès équitable - tout en garantissant l'accès à la juridiction. Cette réforme est nécessaire pour la crédibilité et pour l'efficacité de la Cour. C'est pourquoi, mes chers collègues, la commission vous demande de bien vouloir adopter le présent projet de loi.