Intervention de Adrien Gouteyron

Réunion du 16 mai 2006 à 10h30
Convention fiscale avec le chili — Adoption d'un projet de loi

Photo de Adrien GouteyronAdrien Gouteyron, rapporteur :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le présent projet de loi a pour objet d'autoriser l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Chili en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune.

Cette autorisation, demandée au Parlement, si elle peut apparaître parfois convenue à certains observateurs non avertis, n'en revêt pas moins une grande importance, notamment parce qu'elle met en lumière, comme l'a déjà dit Mme la ministre, l'impact sur les finances publiques que peut avoir la convention. Elle est surtout l'occasion, pour la commission des finances, de rappeler les enjeux économiques, parfois considérables, attachés à ces conventions, et les bénéfices que peuvent en tirer les entreprises françaises qui investissent à l'étranger.

J'y suis particulièrement attentif, et c'est pourquoi je suis désormais, en amont, l'élaboration du calendrier de négociation avec les pays tiers, en auditionnant la sous-direction des relations internationales de la direction de la législation fiscale, attachée à la direction générale des impôts, et en suivant les travaux de l'observatoire des conventions fiscales internationales.

Je me réjouis que la priorité soit accordée dans les négociations, ou les renégociations, à des accords avec des pays tiers présentant les enjeux économiques les plus importants. La France bénéficie déjà, en effet, d'un réseau de conventions fiscales bilatérales particulièrement dense, et il convient d'appuyer une politique plus sélective dans la conclusion de nouveaux accords, permettant d'affecter des ressources au nécessaire travail d'actualisation - il s'agit d'un travail important -, de « maintenance », des conventions existantes, et à la participation aux groupes de travail multilatéraux se réunissant, dans le cadre de l'OCDE, afin de faire évoluer les « conventions types ».

Compte tenu des enjeux que représentent les conventions fiscales internationales pour les entreprises françaises, j'ai porté mon attention sur le délai d'approbation de ces textes, et je profite de la discussion de cette convention avec le Chili pour en dire quelques mots.

Outre le présent projet de loi, deux projets de loi, l'un autorisant l'approbation de l'avenant sous forme d'échange de lettres modifiant la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Arménie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, l'autre autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Slovénie en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales, ont été déposés au Sénat le 12 mai 2005.

Deux autres conventions, l'une avec la Syrie, l'autre avec la Libye, pourraient entrer dans la phase d'approbation avant la fin de l'année 2006.

J'ai souhaité évaluer notre délai d'approbation des conventions fiscales, en le comparant avec celui que pratiquent les pays parties prenantes.

Madame la ministre, mes chers collègues, le constat paraît peu favorable à la France.

Sur la période récente, le processus d'approbation engagé par la France s'est achevé plus tardivement que celui du pays tiers, dans huit cas sur dix. Il y a là matière à réflexion, de manière globale, sur la manière dont nous conduisons le processus d'approbation des conventions fiscales internationales. J'ai parlé tout à l'heure de sélectivité, je crois effectivement que c'est un mot important quand on a fait ce constat-là.

Vous trouverez, dans mon rapport écrit, un tableau qui fait ressortir le décalage par rapport aux pays tiers. Je ne vous le lirai pas ici dans sa totalité, je ne prendrai que deux exemples parmi les plus probants.

Avec l'Albanie, la convention a été signée le 24 décembre 2002, l'approbation par le pays tiers a eu lieu le 21 mai 2003, l'approbation par la France le 21 juin 2005, soit deux ans et un mois après. Avec l'Azerbaïdjan, la convention a été signée le 20 décembre 2001, l'approbation par le pays tiers a eu lieu le 8 avril 2002, l'approbation par la France le 19 mai 2005, soit trois ans et un mois après. Il y a donc là un vrai problème auquel il est normal que le Parlement attache une certaine attention.

J'en viens au fond de la convention. Comme vient de le rappeler Mme la ministre, la conclusion d'une convention fiscale avec le Chili constituait une priorité indéniable.

Ce pays de seize millions d'habitants, doté d'un régime démocratique stable, offre en effet un potentiel de croissance important. Le taux de croissance du PIB s'est ainsi établi à 6, 3 % en 2005 et devrait atteindre encore 5, 4 % en 2006, ce qui fait un peu rêver. Le taux d'investissement est particulièrement élevé - il représente 27 % du PIB en 2005 -, les capitaux étrangers affluent, la dette extérieure apparaît maîtrisée, les réserves internationales sont importantes et les exportations en forte croissance.

En moins de dix ans, le Chili a signé des accords de libre-échange avec trente-deux pays, y compris l'Union européenne en 2002 et les États-Unis en 2003, se classant ainsi au cinquième rang mondial des pays les plus ouverts aux importations et aux investissements étrangers. Ces remarques suffisent à montrer la nécessité et l'importance de cette convention.

Dans ce contexte, la France a bien sûr intérêt à développer la présence de ses entreprises au Chili.

Malgré la taille limitée de son marché, le Chili constitue pour la France un enjeu important et un partenaire intéressant, par son exemplarité économique en Amérique latine et par son ouverture à l'international.

S'agissant des exportations, la France est le dixième pays fournisseur du Chili et le deuxième pays européen après l'Allemagne. Les exportations françaises se sont élevées à 340 millions d'euros en 2004 et à 448 millions d'euros en 2005, soit une progression de 32 %, ce qui mérite d'être souligné. Elles portent sur les secteurs suivants : l'automobile, le ferroviaire, l'aéronautique, la chimie et la pharmacie, ainsi que les tonneaux pour la vinification, plus spécifiquement au Chili. Leur évolution peut être assez erratique car elle suit l'exécution des grands contrats d'équipement, qu'il s'agisse des transports urbains, avec Alstom, ou de l'aéronautique, avec Airbus.

La bonne santé économique du Chili, l'appréciation du peso par rapport à l'euro ainsi que la récente signature d'importants contrats devraient offrir à la France de réelles opportunités, notamment sur la période 2006-2009.

La plupart des entreprises françaises se sont implantées au Chili à la fin des années quatre-vingt-dix. Alors qu'au début des années quatre-vingt-dix, on ne comptait qu'une quarantaine d'implantations, celles-ci représentent aujourd'hui environ cent trente établissements, dans tous les secteurs, à l'exception du domaine minier : agriculture, industrie, construction, services. Grâce à Suez, la France occupe une place très importante dans les secteurs stratégiques de l'eau, de l'électricité et du gaz. Par ailleurs, des sociétés comme Alstom, L'Air Liquide ou Sodexho font de très bons résultats au Chili.

Le renforcement de la présence économique française au Chili rendait nécessaire la conclusion d'une convention fiscale, d'autant que le système fiscal chilien est marqué par l'existence d'une additional tax particulièrement défavorable aux entreprises étrangères souhaitant rapatrier leurs bénéfices. Cette additional tax aboutit au mécanisme suivant : un bénéfice réalisé au Chili et distribué à un résident de France supporte, ainsi dans un premier temps l'impôt sur les sociétés, au niveau de la société, de 17 %, puis un taux de 35 % sur lequel s'impute l'impôt sur les sociétés de 17 %.

Cette spécificité fiscale chilienne a été le point central de la négociation de la convention. De l'avis des négociateurs français, une solution de compromis qui a été trouvée, qui devrait permettre aux entreprises de bénéficier d'un effacement certes partiel, mais néanmoins important, de la double imposition, sans que le coût pour le Trésor public français excède ce qui est habituellement consenti à nos partenaires. L'ensemble des résidents de France, personnes physiques ou personnes morales, aura droit, pour les dividendes, à un crédit d'impôt égal soit au montant de l'additional tax chilien, après imputation de l'impôt sur les sociétés chilien, soit à 15 % du montant brut des dividendes, avant imputation de l'additional tax si ce montant est inférieur.

S'agissant des autres dispositions, la convention est conforme en grande partie au modèle de convention de l'OCDE, même si elle comporte des adaptations rédactionnelles issues principalement soit du modèle de convention de l'ONU, soit des spécificités de la législation fiscale des deux États.

L'ensemble des adaptations souhaitées par le Chili, et que la France a acceptées, ont d'ores et déjà fait l'objet d'un accord de la part des États membres de l'OCDE ayant conclu une convention fiscale avec le Chili - tel que le Canada - ou ayant déjà paraphé un projet de convention avec cet État - comme le Royaume-Uni et l'Allemagne.

Le processus d'approbation de la présente convention est achevé au Chili depuis le 16 janvier 2006. En l'occurrence, la France n'a donc pas beaucoup de retard.

Ces précisions étant apportées, mes réserves sur les délais d'approbation des conventions fiscales étant exprimées, j'invite le Sénat à adopter le présent projet de loi.

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