ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. - Ce collectif marque une étape significative dans la poursuite des engagements du Gouvernement. Il effectue en outre un certain nombre d'ajustements en matière de recettes et de redéploiements entre dépenses, notamment dans le cadre de la mise en oeuvre du plan de soutien à l'emploi et à l'alternance annoncé par le Président de la République. Ces mouvements sont globalement neutres sur le plafond de dépense autorisé et le solde budgétaire, qui reste inchangé par rapport à la loi de finances initiale, à 91,6 milliards d'euros.
Je concentrerai ma présentation sur la réforme de la fiscalité du patrimoine ainsi que sur les modalités de son financement. Je remercie la commission des finances et son président d'avoir participé, de longs mois durant, à nos travaux. Il était essentiel que tous disposent du même niveau d'information que le Gouvernement pour se déterminer en conscience. L'oeuvre finale résume les contraintes budgétaires qui sont les nôtres.
Nous voulons un impôt de solidarité sur la fortune (ISF) plus juste et mieux adapté aux réalités économiques. L'ISF, souvent considéré comme une « exception française », pénalise l'attractivité de notre pays, en raison :
- d'un seuil d'entrée décalé par rapport à l'évolution des prix de l'immobilier au cours des dix dernières années, qui a fait entrer artificiellement dans l'ISF des contribuables n'ayant jamais quitté leur résidence principale ;
- de taux d'imposition fixés à d'autres époques et aujourd'hui déconnectés du rendement réel des actifs, de sorte que l'impôt est devenu dans de nombreux cas confiscatoire ;
- enfin, des modalités déclaratives trop pesantes ou trop « inquisitoriales » pour les contribuables.
Nous entendons agir sur la structure de notre fiscalité, afin de la rendre plus simple, plus juste et plus compétitive. Après la réforme du crédit d'impôt recherche et celle de la taxe professionnelle, la réforme de la fiscalité du patrimoine s'inscrit logiquement dans cette ambition.
L'acte I de cette réforme, c'est la suppression du bouclier fiscal et, avec lui, de toute forme de plafonnement de l'ISF. Cette suppression répond à une exigence de justice. Il s'agissait, d'abord, de prendre en compte la situation des bénéficiaires actuels du bouclier fiscal de condition modeste, majoritaires : un dispositif de plafonnement de la taxe foncière en fonction des revenus serait maintenu à leur profit. Il s'agissait, ensuite, de s'attaquer aux raisons qui ont rendu le bouclier fiscal nécessaire : sa suppression ne pouvait s'envisager sans une profonde réforme du barème de l'ISF, sauf à redonner à cet impôt un caractère confiscatoire que pas même ceux qui l'ont instauré en 1989 n'avaient voulu lui conférer.
Nous prévoyons donc une simplification de l'ISF et son adaptation aux réalités économiques. Nous vous proposerons de supprimer, tout d'abord, la première tranche de cet impôt, qui concerne les ménages possédant un patrimoine net d'une valeur comprise entre 800 000 euros et 1,3 million d'euros. Dès 2011, le seuil d'entrée à l'imposition sur la fortune serait fixé à 1,3 million d'euros de patrimoine, ce qui permettrait à quelque 300 000 foyers qui sont devenus redevables de l'ISF du seul fait de la bulle immobilière de ne plus être assujettis à cet impôt. Cette mesure évitera également à 200 000 autres ménages d'entrer dans l'ISF dans les prochaines années. Au total, ce sont donc 500 000 ménages qui vont bénéficier de la suppression de la première tranche.
Nous vous proposerons ensuite de corriger le barème de l'ISF, devenu un véritable encouragement à l'expatriation : entre 1,3 et 3 millions d'euros de patrimoine, le taux d'imposition serait de 0,25 % et les redevables de cette tranche seraient exemptés de déclaration, la valeur totale de leur patrimoine étant désormais simplement portée sur la déclaration d'impôt sur le revenu, pour un paiement au même terme.
Au-delà de 3 millions d'euros de patrimoine - cela représente moins de 30 000 contribuables - le taux d'imposition serait de 0,5 %. Les assujettis auront toujours à remplir une déclaration d'ISF, comme c'est le cas aujourd'hui. Pour lisser les effets de seuil, un dispositif de décote serait instauré pour les patrimoines compris entre 1,3 et 1,4 million, ainsi que pour ceux compris entre 3 et 3,2 millions. Les modalités déclaratives seraient également simplifiées pour la majorité des redevables, à compter de 2012.
Enfin, nous avons été attentifs à corriger les effets économiques les plus néfastes de l'ISF : pour préserver le développement de nos PME, nous vous proposerons de redéfinir le régime d'exonération des biens professionnels pour les entrepreneurs qui dirigent plus d'une entreprise ou qui diluent leur participation à l'occasion d'une augmentation de capital ; nous voulons également encourager le développement d'un capitalisme familial par des assouplissements des « pactes Dutreil », dont nombre d'entre vous savent combien ils sont essentiels pour assurer la pérennité des entreprises sur plusieurs générations.
Suppression du bouclier fiscal, protection de la résidence principale avec le relèvement du seuil d'entrée dans l'ISF, retour à des taux cohérents avec le rendement des actifs et aménagement des régimes d'assiette pour tenir compte de la vie des entreprises : telles sont les grandes lignes d'une réforme qui porte la marque d'un juste équilibre entre équité et efficacité économique.
Mais la réforme ne peut se concevoir que dans sa globalité. Car nous entendons présenter un projet équilibré pour les finances publiques et faisant peser l'impôt sur la population même qui profite de l'allègement de l'ISF. Plusieurs mesures sont ainsi prévues pour le financer : taxation plus importante des donations et successions des hauts patrimoines, contribution des non-résidents et instauration de dispositifs de lutte contre l'évasion fiscale internationale.
Conformément au souhait du Président de la République, nous avons opté pour un financement simple, qui pèse sur les flux plutôt que sur le stock, sur la transmission du patrimoine plutôt que sur sa détention.
La taxation des donations et successions sera réévaluée pour les hauts patrimoines et eux seuls, j'y insiste : les acquis essentiels de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (Tepa), qui a permis d'exonérer 97 % des successions en ligne directe et qui a facilité les transmissions anticipées de patrimoine, seront intégralement préservés. En revanche, nous revenons sur des dispositions antérieures à la loi Tepa, qui, du fait notamment du triplement des abattements intervenu avec celle-ci, ont perdu de leur pertinence.
Cette stratégie se décline en trois axes. Tout d'abord, l'augmentation de cinq points des tarifs applicables aux deux dernières tranches du barème d'imposition applicable aux successions et aux donations consenties en ligne directe, ainsi qu'aux donations entre époux et titulaires d'un pacte civil de solidarité (PACS). En pratique, cette hausse ne frappera que 2 000 successions par an. Ce sont donc bien les très grosses successions qui sont visées.
Ensuite, la suppression des réductions de droits de donation accordés en fonction de l'âge du donateur. Je rappelle que ces droits ne sont dus qu'à hauteur des donations qui dépassent l'abattement de 159 000 euros. C'est bien plus déjà que la totalité du patrimoine de la majorité des Français. La mesure frappe donc là encore un nombre très limité de personnes fortunées.
Enfin, un délai de rappel des donations qui sera porté de six à dix ans. Le raccourcissement du délai de dix à six ans étant intervenu en 2006, toutes les donations qui pourraient profiter aujourd'hui du délai de six ans sont intervenues. On prive ainsi certains d'un effet d'aubaine, mais personne ne sera pris au dépourvu.
Réformer la fiscalité du patrimoine, c'est aussi taxer de nouvelles capacités contributives, adapter le droit pour limiter les possibilités d'optimisation et renforcer les outils permettant de lutter contre l'évasion fiscale. Trois mesures permettront d'améliorer l'efficacité de notre fiscalité sur ce point.
Les non-résidents participeront désormais au financement des services publics nationaux dont ils bénéficient, via une taxation des résidences secondaires. Ce dispositif ne concerne que les personnes dont les revenus de source française ne représentent qu'une faible part de leurs revenus totaux. Il institue une participation proportionnelle aux capacités contributives conférées par le patrimoine immobilier dont elles ont la jouissance sur le territoire français, et au titre duquel elles n'acquittent actuellement que des impositions à caractère local. Les personnes qui s'expatrient temporairement, notamment pour des raisons professionnelles, en seront exonérées.
Nous prévoyons, ensuite, l'introduction d'une « exit tax » sur les plus-values latentes. Ce dispositif a été conçu pour être parfaitement conforme au droit communautaire et aux engagements internationaux de la France. Il s'inspire de ceux adoptés par certains de nos partenaires européens tels que l'Allemagne, le Royaume-Uni ou les Pays-Bas. Cette taxe sera assise sur les plus-values sur titres constatées lors du transfert de la résidence fiscale hors de France et exigible en cas de cession des titres dans les huit années qui suivent.
Enfin, nous prévoyons plusieurs mesures pour mettre fin à des schémas d'optimisation et d'évasion fiscales. Nous vous proposerons ainsi de mettre fin au schéma par lequel des non-résidents échappent à l'ISF en plaçant leurs biens immobiliers dans une société civile immobilière (SCI) criblée de dettes. Nous entreprenons également de donner à l'administration la capacité d'appréhender fiscalement les biens et droits placés dans des trusts, institutions de droit anglo-saxon sans équivalent en droit français, dont le régime fiscal incertain facilite l'utilisation à des fins d'évasion fiscale.
Ces deux dernières mesures s'inscrivent dans le prolongement d'autres opérations fortes que nous menons pour lutter contre la localisation d'actifs ou de revenus sur des comptes bancaires offshore. La cellule de régularisation, l'exploitation de fichiers de comptes bancaires détenus à l'étranger ont ainsi permis de rapatrier des recettes importantes au cours des années 2010 puis 2011. D'autres initiatives suivront.
En régime de croisière, la réforme dégagera dans son ensemble et indépendamment de toute ressource exceptionnelle un surcroît de recettes de quelque 200 millions d'euros par an.
Au-delà de la réforme de la fiscalité du patrimoine, ce projet de loi de finances rectificative comprend un nombre limité de dispositions qui reflètent notamment la priorité donnée à l'emploi et au pouvoir d'achat, sans modifier ni le plafond de dépense autorisé, ni le solde budgétaire pour 2011.
En matière d'emploi, conformément à l'engagement du Président de la République, le Gouvernement souhaite orienter son action vers quatre priorités : l'emploi des jeunes, le soutien aux demandeurs d'emploi de longue durée, la formation des demandeurs d'emploi et la sécurisation des parcours professionnels. Ce texte procède ainsi à plusieurs ouvertures ciblées de crédits, dont les principales ont vocation à financer la formation en alternance, les contrats aidés du secteur marchand, diverses actions de formation pour les chômeurs de longue durée ainsi que la mise en oeuvre du nouveau contrat de sécurisation professionnelle.
En matière de pouvoir d'achat, au regard des fortes hausses du prix des carburants, le Gouvernement a revalorisé de 4,6 % les barèmes kilométriques utilisés par les salariés qui optent pour les frais réels et par certains non-salariés pour évaluer forfaitairement leurs frais de véhicules. Cette revalorisation entrera en vigueur dès cette année. Nous proposons de financer cette décision par une contribution exceptionnelle à la charge des entreprises du secteur pétrolier, dont le rendement, de 120 millions d'euros en 2011, permettra de couvrir le coût de la revalorisation du barème. En outre, afin de mieux maîtriser la hausse du coût de l'électricité et son impact sur les consommateurs, nous prévoyons de lisser la revalorisation de la contribution au service public de l'électricité.
Quelques mots sur les autres dispositions de ce texte. Les premières concernent le financement de la réforme de la garde à vue, via la création d'une contribution pour l'aide juridique et l'ouverture de moyens supplémentaires sur les programmes du ministère de la justice et de l'intérieur. Vient ensuite un dispositif d'indemnisation spécifique des victimes du médicament « Mediator » et de ses génériques. Il est également procédé, comme chaque année, à des ajustements de crédits ciblés, qui visent à couvrir les insuffisances en gestion anticipées sur certains programmes.
L'ensemble de ces mesures, je le répète, ne modifie pas le solde budgétaire, qui reste inchangé par rapport à la loi de finances initiale et s'établit à 91,6 milliards d'euros.
Comme vous pouvez le constater, le Gouvernement est déterminé à poursuivre l'adaptation de notre fiscalité pour la rendre plus simple, plus juste et plus efficace. Nous engageons ces réformes sans dévier du cap que nous nous sommes fixé : la réduction des déficits et la maîtrise accrue de nos finances publiques. Je souhaite à présent que nos travaux s'inscrivent dans ce même esprit de responsabilité.