Intervention de Dominique Noguères

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 15 décembre 2010 : 1ère réunion
Immigration intégration et nationalité — Table ronde

Dominique Noguères, vice-présidente de la Ligue des droits de l'homme :

Mes collègues et moi nous sommes répartis arbitrairement les nombreux sujets de préoccupation que nous inspire ce projet de loi.

Tout d'abord, les jeunes, qui ont vécu leur enfance sur le territoire français, sont confrontés aux plus grandes difficultés pour obtenir un titre de séjour à leur majorité. La référence accrue dans le projet de loi aux liens familiaux dans le pays d'origine nous inquiète. Si nous reconnaissons l'effectivité de ces liens -les parents, parfois, habitent dans le pays d'origine-, comment l'administration arbitrera-t-elle sur l'importance de ces liens avec le pays d'origine au regard des liens avec la France ? Dans notre pratique, nous, associations, observons que des liens forts avec la France existent, même si les parents habitent le pays d'origine, via l'adoption, qu'elle soit formelle ou non, de l'intéressé par un parent vivant dans l'Hexagone. Le projet de loi exige que les mineurs placés à l'aide sociale à l'enfance (ASE), lorsqu'ils sont entrés en France après l'âge de 16 ans, fassent désormais la preuve d'une formation professionnelle ou d'un avenir professionnel pour obtenir un titre de séjour. Il n'est pas certain que les jeunes entrés en France entre 16 et 18 ans, puissent répondre, dans un délai aussi court, à la totalité des demandes formulées par ce texte fourni et rigoureux, compte tenu des pesanteurs de l'administration. Ces dispositions pénaliseront, dans la pratique, des jeunes gens qui, autrefois, obtenaient sans difficulté un titre de séjour en justifiant leur prise en charge par l'ASE. Le risque est que certains membres de la famille soient régularisés, d'autres non, ce qui fera obstacle à l'intégration de la famille.

Ensuite, les conditions d'accès à la nationalité des conjoints de Français. Les règles semblent disproportionnées, d'autant qu'elles ont été modifiées par les députés. Si l'on ajoute la condition de quatre ans de mariage, les longs délais d'examen pour le dossier et les délais d'opposition en sus des conditions exigées dans ce projet de loi, il faut compter pas moins de 7 ans pour qu'un conjoint de Français obtienne la nationalité, sept ans durant lesquels le conjoint ne saura pas s'il peut devenir Français. Pourquoi ce durcissement ? Il est déstabilisateur pour le couple, contraire à l'objectif d'intégration. Les conditions faites aux conjoints pour accéder à la nationalité française paraissent déjà suffisamment rigoureuses.

Enfin, l'accès au droit. Le texte supprime l'aide juridictionnelle devant la cour nationale du droit d'asile en cas de recours exercé contre le rejet d'une demande de réexamen par l'OFPRA. Le droit d'asile, faut-il le rappeler, est un droit absolu garanti par le droit international. Supprimer l'aide juridictionnelle constitue une atteinte extrêmement sérieuse à l'accès à ce droit. Certes, des progrès indéniables ont été accomplis depuis que l'aide juridictionnelle est accordée aux demandeurs d'asile sans tenir compte de l'irrégularité de leur entrée sur le territoire. Mais pourquoi cette distinction selon le type de procédure ? Chacun doit pouvoir bénéficier d'un avis juridique en vue de constituer un dossier.

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