Intervention de Jérôme Martinez

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 15 décembre 2010 : 1ère réunion
Immigration intégration et nationalité — Table ronde

Jérôme Martinez, secrétaire général de La Cimade :

Premier point, la rétention administrative. Le texte prévoit d'en allonger la durée jusqu'à 45 jours, contre 32 auparavant, sans que la directive « Retour » qu'il transpose le justifie -elle impose une durée maximale de rétention de 18 mois, mais non une durée minimale. La mesure ne paraît pas utile car la durée moyenne de rétention administrative est actuellement de 10 jours, ce que confirment les rapports officiels ; quand près de 90% des reconduites à la frontière interviennent dans les 17 premiers jours de la rétention ; et, surtout, quand le taux de délivrance des laissez-passer au-delà de 32 jours, qui justifierait cette mesure, est de 2,9% dans les premiers mois de 2010. Pour un taux marginal, l'opération aura un coût économique important, la Cour des comptes et le Sénat ont déjà noté le prix de la politique d'éloignement, sans parler du coût humain.

La situation dans les centres de rétention administrative est tendue, rapportent la Cimade et les autres associations. Récemment, une émeute a de nouveau rendu inutilisable une partie du centre de Vincennes. Quant aux automutilations, elles continuent. Cette disposition risque d'accentuer le risque de dérives nouvelles. Notre incompréhension est d'autant plus grande que, lors des débats à l'Assemblée nationale, M. Besson, alors ministre de l'immigration, avait évoqué, pour justifier l'allongement de la durée maximale de rétention, des engagements pris par la France et l'Union européenne liés à la signature d'accords de réadmission avec des pays tiers ; nous avons eu beau chercher, nous n'avons rien trouvé. Pourtant, nous sommes allés jusqu'à interroger les pays tiers. En bref, cette mesure aura un coût immense pour les personnes et la collectivité.

Toujours sur la rétention, il est prévu que le juge des libertés et de la détention (JLD) intervienne cinq jours après le début de la rétention, et non plus 48 heures après. Cela va au-delà des dispositions existantes dans la législation française sur les zones d'attente ; sans compter que cela paraît contraire à la directive, laquelle exige l'intervention du juge des libertés et de la détention « dans les meilleurs délais ». Conséquence directe de cette intervention retardée du juge, l'impossibilité de contrôler l'ensemble de la procédure, de l'interpellation jusqu'au placement en rétention en passant par la garde à vue, la reconduite à la frontière pouvant avoir lieu dans les premiers jours de la rétention. Cette mesure dangereuse ôtera toute possibilité de contrôle et de sanction sur les pratiques administratives. Sans entrer dans le détail, d'autres dispositions restreignent le rôle du juge des libertés et de la détention et de la cour d'appel. L'ensemble se justifierait par un seul fait divers : après qu'un magistrat a relâché un groupe de personnes qui avaient débarqué sur les plages corses pour illégalité de la procédure, le ministre a déclaré qu'il modifierait la législation.

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