Intervention de Jean-François Ploquin

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 15 décembre 2010 : 1ère réunion
Immigration intégration et nationalité — Table ronde

Jean-François Ploquin, directeur général de Forum réfugiés :

Nous redoutons un affaiblissement du juge des libertés et de la détention. L'article 35 du projet de loi porte de 48 heures à cinq jours le délai maximum avant son intervention. Ce qui signifie une privation possible de liberté de cinq jours sans contrôle du juge judiciaire. On touche là véritablement à la question des droits fondamentaux. Le Gouvernement objecte que le texte ne vise qu'à une organisation plus cohérente de l'intervention des deux juges compétents. Mais l'argument peut être retourné. Le risque n'est pas négligeable de voir le juge administratif, dès lors qu'il peut être appelé à se prononcer avant le juge des libertés et de la détention, valider un placement en rétention conduit selon une procédure viciée. La vérité est que les raisons sont ailleurs. Elles sont, pour une part, budgétaires, mais elles tentent, surtout, de parer au fait que les échecs à l'éloignement sont attribuables pour un quart aux remises en liberté demandées par le juge des libertés et de la détention.

Pour nous, il est essentiel de préserver la dualité de juridictions, le juge administratif étant chargé de contrôler la légalité du placement en rétention et de la mesure d'éloignement, le juge judiciaire celle de la privation de liberté. La Commission nationale consultative des droits de l'homme n'a pas manqué de rappeler la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui juge qu'un délai raisonnable pour l'intervention de ce dernier est de 48 heures.

Le texte réduit également l'extension du contrôle du juge judiciaire pour l'interdiction de ce dernier, dans les centres de rétention et en zones d'attente, remettant par là en cause le caractère civil de la procédure. S'ajoutent à cela la purge des nullités après l'audience de première prolongation de la rétention, le fait que le contrôle pourrait ne porter que sur les irrégularités de caractère substantiel, qui revient à introduire une hiérarchie dans les moyens invocable, et l'allongement du délai d'appel pour le Parquet, qui suscite un réel déséquilibre...

La création de zones d'attente ad hoc, prévue à l'article 6 du projet, a également de quoi inquiéter. « Lorsqu'il est manifeste qu'un groupe d'au moins dix étrangers vient d'arriver en France en dehors d'un point de passage frontalier en un même lieu ou sur un ensemble de lieux distants d'au plus dix kilomètres, la zone d'attente s'étend du ou des lieux de découverte des intéressés jusqu'au point de passage frontalier le plus proche », est-il écrit. La fixation à dix de ce nombre résulte de l'adoption d'un amendement de M. Mariani : l'équivalent, en somme, d'une barque ; les passeurs les plus astucieux s'en tiendront donc à neuf... L'extension de la zone d'attente, en revanche, n'est absolument pas encadrée, puisque rien n'est dit de la distance kilométrique qui peut séparer le point de découverte du point de passage frontalier...

Surtout, dans ces zones d'attente, qui sont des lieux privatifs de liberté, les conditions dans lesquelles pourront être déposées les demandes de protection risquent d'être extrêmement limitées. Les difficultés d'accès à un interprète, à un avocat et partant, à toute procédure de recours posent un réel problème d'accès au droit. C'est pourquoi nous préconisons la suppression de cette disposition.

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