Intervention de Muguette Dini

Réunion du 16 mai 2006 à 10h30
Réforme des successions et des libéralités — Discussion d'un projet de loi

Photo de Muguette DiniMuguette Dini :

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, voté par l'Assemblée nationale, le 22 février 2006, le texte que nous examinons aujourd'hui a pour objectif de modifier certaines dispositions originelles du code civil, rédigées il y a maintenant plus de deux cents ans !

Pourtant, le décalage qui sépare notre mode de vie actuel de celui de 1804 est immense. L'évolution de la société et l'accélération des reconfigurations des cellules familiales intervenues ces dernières années rendaient cette réforme indispensable.

Le retard législatif concernant les successions, illustration d'un aveuglement collectif face à l'évolution de nos moeurs et de nos modes de vie, était devenu presque indécent. Ce texte va enfin permettre d'adapter notre droit aux réalités d'aujourd'hui.

En effet, la famille ne saurait, désormais, se réduire à un schéma type. Elle est devenue une réalité plurielle : familles recomposées, familles monoparentales, instauration de nouvelles formes de communauté de vie, allongement de l'espérance de vie, procédures d'adoptions internationales, notamment. Autant de données nouvelles qui rendent indispensable une réforme du droit des successions et des libéralités, après celles du divorce et de la filiation, engagées au cours de la présente législature.

Toutes visent le même objectif : introduire plus de souplesse, de simplicité et de justice dans la résolution des différents événements de notre vie.

Le premier volet de ce projet de loi porte sur les successions. Aujourd'hui encore, la multiplicité des situations juridiques et la complexité des règles successorales peuvent rendre les liquidations interminables. Les conséquences en sont parfois tragiques, très souvent mal comprises.

C'est particulièrement vrai dans le cas des adoptions simples. En effet, alors que les enfants adoptés par la voie de l'adoption simple jouissent, dans la vie courante, des mêmes droits que les enfants biologiques ou ayant été adoptés par la procédure de l'adoption plénière, il apparaît profondément injuste que, en matière de succession, ils doivent acquitter des droits de 55 %. Autant dire que leur lien de filiation n'est pas reconnu devant l'héritage !

Face à cette situation anormale, j'ai déposé trois amendements qui visent à réparer cette injustice et à rétablir l'égalité des filiations dans trois hypothèses : lorsqu'un enfant a été adopté après l'âge limite fixé par la loi, c'est-à-dire quinze ans, pour la procédure dite plénière, lorsque l'adoption plénière est impossible du fait du caractère international de l'adoption et lorsque l'adoption plénière est impossible du fait des handicaps lourds que présente l'enfant.

La simplification, la clarification et l'harmonisation, semblent être les maîtres mots de ce projet de loi, dont les auteurs se fixent principalement trois objectifs : donner plus de liberté pour organiser la succession, en introduisant le pacte successoral, faciliter la gestion du patrimoine successoral, en sécurisant la période séparant le décès du partage et, enfin, accélérer et simplifier le règlement des successions, en réformant la procédure du partage.

Concernant l'accélération et la simplification des successions, plusieurs mesures prévues par le texte méritent d'être soulignées.

La procédure d'acceptation sous bénéfice d'inventaire est remplacée par celle de l'acceptation à concurrence de l'actif net. Cette mesure offre ainsi une meilleure protection à l'héritier qui, découvrant une dette pouvant obérer gravement son patrimoine, pourra demander à en être déchargé. Elle devrait accroître le rôle reconnu à l'héritier, qui pourra conserver tout ou partie de la succession, sous réserve de verser aux créanciers le prix des biens, en fonction de leur valeur fixée dans l'inventaire.

Une nouvelle disposition en faveur des héritiers vise également à préserver l'unité des patrimoines transmis, grâce à l'abandon du principe d'égalité en nature consacré en 1804, au profit de celui de l'égalité en valeur. Cette volonté de simplification et de sécurisation est omniprésente. Elle se traduit également par la modification des règles concernant les actes d'administration de l'indivision.

De même, le renouvellement et la conclusion des baux d'habitation pourront désormais être effectués à la majorité des deux tiers, contrairement à l'exigence actuelle de l'unanimité.

Ce projet de loi prévoit enfin des mesures importantes afin d'améliorer la gestion du patrimoine successoral. L'héritier sera désormais mieux protégé contre le risque d'acceptation tacite, du fait d'une clarification de la notion d'acte conservatoire et de la possibilité de demander au juge l'autorisation d'accomplir certains actes.

Améliorer la gestion du patrimoine successoral, c'est aussi favoriser le recours au mandat. L'une des innovations majeures du texte permet au futur défunt de désigner, de son vivant, une personne chargée d'administrer tout ou partie de sa succession, sous réserve d'un intérêt légitime et sérieux. En cas de désaccord entre les héritiers, un mandataire successoral pourra, en outre, être désigné par le juge.

Ces deux cas de figure ont été encadrés dans le temps, mais il restait à s'assurer que le notaire chargé du règlement de la succession ne puisse être nommé en qualité de mandataire. Nous proposerons donc deux amendements afin de réparer cet « oubli ».

Le deuxième volet de ce texte engage une réforme des libéralités. Il apporte ainsi des modifications et des innovations importantes qui vont dans le sens d'une plus grande liberté dans la gestion et le legs du patrimoine. Il convient de souligner, entre autres, les nombreux aménagements apportés à la réserve héréditaire ; ils introduisent plus de souplesse et de justice dans les différents modes de calcul et de gestion de la réserve et de la quotité disponible.

Par ailleurs, afin de ne plus empêcher le donataire non réservataire de disposer du bien, de mieux respecter les volontés du défunt et d'en assurer la sécurité juridique, le texte consacre désormais le principe de la réduction des libéralités en valeur, et non plus en nature.

L'une des mesures les plus novatrices de ce texte concerne la notion de donation-partage transgénérationnelle. Désormais les bénéficiaires de la donation-partage, souvent déjà eux-mêmes grands-parents, pourront y renoncer au profit de leurs enfants. Cette mesure se justifie d'un point de vue économique, les jeunes générations ayant plus de besoins, en matière d'investissement, que leurs aînés.

Par ailleurs, étendue aux enfants issus de mariages différents, la donation-partage prend désormais totalement en compte les situations complexes des familles recomposées et ouvre la voie à un partage plus équitable entre tous les héritiers.

Le troisième volet de ce projet de loi concerne la réforme et la consolidation des garanties liées au pacte civil de solidarité.

Un certain nombre de mesures tendent à modifier le régime des biens dans le sens d'une meilleure protection des partenaires pendant leur vie commune, mais aussi après la séparation ou le décès, et nous les soutiendrons.

En revanche, notre groupe est plus que réservé sur la mention du PACS en marge de l'acte de naissance de chacun des partenaires, sans faire apparaître l'identité du partenaire. Outre la charge de travail qui va incomber aux services de l'état civil des mairies, a-t-on imaginé comment sera indiquée, sur l'acte de naissance, une succession de PACS et de rupture de PACS ?

Petit à petit, on glisse insensiblement vers un pacte civil de solidarité qui présente plus d'avantages et moins d'inconvénients que le mariage, surtout en cas de séparation. Mon groupe s'inquiète de cette évolution et regrette que le mariage soit ainsi peu à peu dévalorisé et banalisé. J'espère que nous aurons l'occasion d'en reparler.

Pour conclure, m'exprimant au nom du groupe UC-UDF, je tiens à souligner les avancées pertinentes de ce texte, ainsi que son désir de simplification et de transparence des transmissions de patrimoine. Afin de lui donner sa pleine mesure, j'espère qu'un sort favorable sera donné à nos amendements.

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