Intervention de Josiane Mathon-Poinat

Réunion du 16 mai 2006 à 10h30
Réforme des successions et des libéralités — Discussion d'un projet de loi

Photo de Josiane Mathon-PoinatJosiane Mathon-Poinat :

Le fait que ce texte ne contienne aucune mesure fiscale relève certainement moins du hasard que d'un choix politique délibéré.

En effet, si le Gouvernement avait clairement affiché ses choix en matière de fiscalité, cela aurait mis en exergue les inégalités de patrimoine existant dans notre pays. Il n'est donc guère étonnant que le Gouvernement préfère régler les questions fiscales relatives aux successions et aux libéralités via les lois de finances successives.

L'imagination du Gouvernement est d'ailleurs bien fertile lorsqu'il s'agit de favoriser la transmission du patrimoine. C'est donc à coups de défiscalisations et d'exonérations diverses que le Gouvernement permet à ceux qui disposent d'un patrimoine de le transmettre.

Pourtant, ces ménages sont relativement peu nombreux. En effet, plusieurs indicateurs démontrent que peu de ménages peuvent, en réalité, bénéficier de ces largesses fiscales. Selon l'INSEE, 10 % des ménages détiennent 45 % du patrimoine total et 59 % du patrimoine financier.

D'autres chiffres méritent une attention particulière. Ainsi, les données qui émanent des déclarations de successions sont significatives : si le patrimoine moyen transmis avoisine les 100 000 euros, le patrimoine médian n'est que de 55 000 euros.

Je souligne également que les mesures prises en 2004 en faveur des successions ne concernent, en fait, que peu de personnes, seules 25 % des successions étant taxables.

De la même manière, concernant les donations, seules les familles disposant d'un patrimoine transmissible assez important peuvent bénéficier des mesures existantes, que ces mesures soient temporaires ou durables.

C'est le cas, par exemple, de loi dite « Sarkozy », du temps où l'actuel ministre de l'intérieur était ministre des finances, qui permettait, jusqu'au 31 décembre 2005, de donner jusqu'à 30 000 euros libres de droits à chacun des enfants ou petits-enfants.

D'autres mesures lui ont succédé à partir du 1er janvier 2006, comme le relèvement des limites d'âge pour pouvoir bénéficier d'une réduction des droits en cas de donation anticipée. La limite d'âge est passée de soixante-cinq ans à soixante-dix ans pour bénéficier d'un abattement de 50 %, et de soixante-quinze ans à quatre-vingts ans pour profiter d'une réduction de 30 %.

Il n'est pas difficile d'imaginer que ces mesures ont évidemment un impact sur la transmission gratuite du patrimoine. Mais elles ont également une incidence sur l'impôt de solidarité sur la fortune, l'ISF, puisqu'elles peuvent permettre aux personnes qui y sont assujetties de réaliser de substantielles économies.

Nous le voyons bien, les mesures successives prises en matière d'imposition des donations et des successions s'adressent à une catégorie de personnes ciblées, qui s'estiment trop limitées par l'abattement général de 50 000 euros.

Ainsi, les ménages plus modestes se tournent inévitablement vers les dispositifs leur permettant de diminuer leur impôt ou leurs droits de successions, tels que les produits d'épargne ou les contrats d'assurance vie, notamment afin de protéger le conjoint en cas de décès. En effet, les droits du conjoint survivant ont encore aujourd'hui du mal à être reconnus, et ce malgré la loi de décembre 2001.

La situation est évidemment pire lorsqu'il s'agit de personnes liées par un pacte civil de solidarité, un PACS, ou de concubins. Dans ces deux derniers cas, si l'un des deux partenaires décède, l'autre se retrouve sans aucun droit sur les biens acquis en commun.

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