Intervention de Josiane Mathon-Poinat

Réunion du 16 mai 2006 à 10h30
Réforme des successions et des libéralités — Discussion d'un projet de loi

Photo de Josiane Mathon-PoinatJosiane Mathon-Poinat :

Cet état de fait, vécu très péniblement par les personnes concernées, traduit bien la frilosité à reconnaître d'autres structures familiales que la famille dite « légitime », centrée autour du mariage.

Même si nous ne sommes plus dans la même situation que lors de l'adoption du PACS, force est de constater que la majorité politique reste catégoriquement opposée à l'extension des droits des pacsés, notamment en matière de successions, au risque de se trouver en complet décalage avec la réalité.

Près de 410 000 personnes ont signé un PACS à ce jour. En 2005, 60 000 PACS ont été signés, soit un tiers de plus qu'en 2004, presque le double qu'en 2003 et le triple qu'en 2001. C'est énorme !

Le PACS s'affirme donc peu à peu comme une option alternative au mariage. Cela constitue une raison supplémentaire de l'améliorer pour tous les couples, le droit au mariage pour les couples homosexuels leur étant encore refusé.

Certes, les amendements présentés par le Gouvernement et adoptés par l'Assemblée nationale constituent une avancée, mais ils ne vont pas assez loin.

Le Gouvernement a tenté de remédier à la question du maintien dans le logement pour les partenaires pacsés en créant le même droit pour les pacsés et pour les couples mariés. Néanmoins, l'actuel droit au maintien dans le logement n'est que d'une année, ce qui est bien insuffisant.

C'est pourquoi nous avons déposé un amendement visant à rendre ce droit permanent, le conjoint survivant pouvant ainsi, s'il le souhaite, rester dans le logement jusqu'à son décès. Si notre amendement était adopté, ce droit s'étendrait donc aux pacsés et aux concubins.

Je réaffirme que le choix de la forme juridique de l'union ne doit pas avoir de conséquence injuste sur les conditions de vie en cas de décès de l'un des deux partenaires. Nous avons eu l'occasion de le dire en 2001, lorsqu'il s'agissait de défendre les droits du conjoint survivant : les liens du coeur doivent primer sur ceux du sang.

Malheureusement, la majorité reste fermement attachée à sa conception verticale de la succession, ce qui, bien évidemment, ne laisse que peu de place aux personnes non mariées survivant à leur partenaire.

Cependant, même le conjoint survivant a du mal à trouver sa place dans le droit des successions. J'en veux pour preuve les dispositions introduites par l'article 21 du projet de loi, notamment celles qui sont relatives à l'article 1094-2 du code civil, qui remettent partiellement en cause les droits du conjoint survivant.

La loi du 3 décembre 2001 prévoyait la possibilité d'avantager son conjoint par libéralités selon les dispositions de l'article 1094-1 du code civil et de le gratifier soit de la propriété de ce dont il pourrait disposer en faveur d'un étranger, soit d'un quart de ses biens en propriété et des trois autres quarts en usufruit, soit encore de la totalité de ses biens en usufruit seulement, sans distinction de l'origine des enfants, c'est-à-dire issus ou non d'un précédent mariage.

La lecture du nouvel article 1094-2 ne laisse pas planer de doute : « Si l'époux laisse un ou plusieurs enfants qui ne sont pas issus du mariage ou des descendants de ces enfants, il peut disposer en faveur de l'autre époux, soit de la propriété de ce dont il pourrait disposer en faveur d'un étranger, soit d'un quart de ses biens en propriété et d'un autre quart en usufruit, soit de la moitié de ses biens en usufruit seulement, soit encore de l'ensemble des biens des enfants communs en usufruit seulement. »

Alors que la loi de 2001 permettait au conjoint survivant de bénéficier de la totalité des biens en usufruit, dorénavant, celui-ci ne pourra avoir au mieux que la moitié des biens en usufruit, sachant que le barème de conversion est dégressif en fonction de l'âge.

Une telle modification de la législation protégeant les droits du conjoint survivant est prétendument motivée par la volonté de prendre en compte la situation des familles recomposées. Cependant, à en juger par les propos du rapporteur de l'Assemblée nationale, elle semble plutôt reposer sur des raisons d'ordre moral. Il est donc certaines structures familiales que le Gouvernement a du mal à accepter.

De manière générale, et en guise de conclusion, je ne peux m'empêcher de souligner que ce projet de loi, sous couvert de vouloir adapter le droit des successions aux nouvelles réalités familiales de notre société, est empreint d'un grand conservatisme et qu'il reste bien en deçà de nos attentes. Je pense notamment au PACS et au conjoint survivant.

Quant aux libéralités, si l'on replace le texte dans le contexte des réformes fiscales opérées par le Gouvernement depuis 2003, nous ne sommes guère surpris de constater qu'elles seront davantage facilitées et qu'elles ne favoriseront que les gros patrimoines.

Ainsi, il nous paraît difficile d'approuver cette réforme des successions. Notre vote sera conditionné aux sorts réservés à nos amendements.

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