Intervention de Pascal Clément

Réunion du 16 mai 2006 à 10h30
Réforme des successions et des libéralités — Discussion d'un projet de loi

Pascal Clément, garde des sceaux :

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie d'avoir participé à cette discussion générale.

Permettez-moi de répondre en quelques mots à certaines des interrogations qui ont été formulées dans le cadre de vos interventions. Vous le comprendrez, je ne pourrai pas répondre à toutes. J'évoquerai donc celles qui me paraissaient les plus importantes pour toutes les personnes qui suivront nos travaux.

Monsieur le rapporteur, vous avez bien voulu souligner l'un des apports fondamentaux du présent projet de loi. Celui-ci vise à rénover l'acceptation sous bénéfice d'inventaire en lui donnant un nouveau nom, que vous avez considéré comme un peu technocratique : il s'agit de l'acceptation de la succession à concurrence de l'actif net. Cela dit bien ce que cela veut dire, même si je reconnais le caractère un peu technocratique de cette notion. Dans la rédaction initiale du projet de loi, nous avions seulement évoqué l'« actif ». C'est l'Assemblée nationale qui a ajouté l'adjectif « net ».

Au-delà du changement de terminologie, il est vrai qu'il est très important de modifier ce régime juridique pour en accroître l'attractivité. En effet, ainsi que je vous l'ai fait observer, celui-ci n'a jamais fonctionné.

À cet égard, il est fondamental de ne pas créer une « miniprocédure » collective. Ce serait conserver une conception passéiste de ce régime, qui ne fonctionne pas depuis 1804. Il faut que le changement ne soit en rien inégalitaire. Autrement, cela ferait toujours prévaloir les créanciers nantis de sûreté, c'est-à-dire non pas simplement les plus rapides, mais les privilégiés, les plus rapides venant effectivement ensuite, comme c'est de tradition.

En outre, la « miniprocédure » collective est coûteuse, car elle implique l'intervention d'un mandataire et génère des contentieux sur le compte de répartition.

Je vous remercie également d'avoir souligné l'intérêt du mandat à effet posthume et du pacte successoral pour la transmission des entreprises.

Je partage votre attachement à la réserve héréditaire, qui permet notamment de préserver la paix dans les familles.

S'agissant de l'inscription du PACS en marge de l'acte de naissance, je vous rappelle que la préservation de l'anonymat des partenaires correspond aux souhaits exprimés par le groupe de travail qui avait été mis en place par mon prédécesseur sur l'amélioration du PACS et aux conclusions de la mission d'information sur la famille et les droits des enfants. C'est donc l'aboutissement de la réflexion d'un certain nombre de personnes réputées représentatives.

Madame Dini, vous avez évoqué la situation des personnes adoptées par la voie de l'adoption simple en souhaitant qu'elles puissent bénéficier des exonérations des droits de mutation à titre gratuit lorsqu'elles n'ont pu satisfaire aux conditions de l'adoption plénière.

Tout d'abord, cette question est de nature purement fiscale. Elle devrait donc être débattue dans le cadre du projet de loi de finances.

Ensuite, permettez-moi de vous rappeler deux éléments. D'une part, l'ordonnance du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation a supprimé la notion de filiation naturelle. D'autre part, le principe d'égalité devant l'impôt ne permet pas de prévoir une imposition différente pour une même catégorie de contribuables.

Monsieur Robert Badinter, vous avez souligné la filiation dans laquelle s'inscrit cette réforme, et vous avez eu raison. Ce projet de loi ne remet pas en cause notre droit des successions et des libéralités. Il cherche au contraire à l'améliorer en simplifiant et en accélérant les procédures.

S'agissant de l'indivision, je ne suis pas favorable à l'application de la majorité des deux tiers aux actes de disposition. D'ailleurs, je pense que la totalité de la population française nous suivrait. En effet, il s'agit d'actes importants, qui portent atteinte au droit de propriété.

Vous vous interrogez sur le mandat à effet posthume. Il s'agit d'un simple mode de gestion d'un bien qui ne porte pas atteinte à la réserve et qui est destiné à assurer la survie des entreprises. Comme je l'avais indiqué dans mon propos liminaire, 450 000 entreprises devront bientôt prévoir une succession. Il faut que notre législation puisse être prête pour ces différentes successions d'entreprise.

Ce mandat, je le répète, est fortement encadré. En effet, aux termes du projet de loi, il doit être justifié par un « intérêt sérieux et légitime au regard de la personne de l'héritier ou du patrimoine successoral, précisément motivé ». Il appartient au juge de vérifier le bien-fondé du mandat au regard de ces critères.

En principe, la durée du mandat est de deux ans renouvelables. Ce délai a été porté à cinq ans par votre commission dans certains cas déterminés comme l'inaptitude, l'âge de l'héritier, la nécessité de gérer des biens professionnels ou des compétences spécifiques pour gérer le patrimoine.

Pour conclure sur le mandat à effet posthume, vous considérez qu'il risque de susciter la division des héritiers. Je pense au contraire que c'est l'absence d'organisation de la succession qui provoque les divisions familiales.

Monsieur Cambon, vous avez bien voulu souligner l'objet essentiel de ce projet de loi, à savoir accélérer et simplifier le règlement des successions, en évoquant particulièrement les règles de partage successoral.

Vous l'avez dit, cette étape est souvent l'occasion d'un blocage entre les membres d'une même famille. C'est la raison pour laquelle ce texte tend à réformer le dispositif en profondeur, en favorisant le recours au partage amiable afin de limiter le partage judiciaire aux seuls cas où il existe un véritable litige. Ainsi, pour le cas d'un héritier taisant, mais non opposé au partage, il est prévu de mettre en place une procédure de représentation nécessitant une intervention judiciaire simplifiée et limitée.

Vous avez également évoqué l'assouplissement des règles de l'indivision, qui permettra d'effectuer l'ensemble des actes nécessaires au bon fonctionnement de l'indivision à une majorité des deux tiers. Je crois comme vous que cette mesure permettra de répondre aux souhaits de nombre de nos concitoyens.

Monsieur Othily, je vous remercie d'abord d'avoir souligné l'utilité de ce texte, qui permet d'adapter un droit ancien aux nouvelles réalités sociologiques de notre société contemporaine.

Vous avez notamment mentionné la donation-partage transgénérationnelle, qui permettra une transmission plus souple du patrimoine ; j'y suis très attaché. Je souhaite comme vous que ce texte fasse l'objet d'un large consensus au Sénat, témoignant ainsi de la volonté unanime de la représentation nationale de simplifier et d'accélérer des procédures auxquelles tous les Français sont un jour ou l'autre confrontés.

Madame Mathon-Poinat, vous avez regretté l'absence de dispositions fiscales dans ce texte. Je ne peux que vous rappeler que tel n'était pas l'objet de cette réforme, qui tend à modifier des dispositions du code civil.

En revanche, il est incontestable que de nombreuses mesures fiscales ont été adoptées en faveur des familles sous la présente législature, notamment pour faciliter la transmission de leur patrimoine.

Je pense en particulier aux dispositions prévues par la loi de finances de 2005, qui a permis un abattement général de 50 000 euros pour la transmission de tout patrimoine et des abattements spécifiques en fonction du lien de parenté, ainsi qu'une réduction significative des droits de succession.

Monsieur Détraigne, vous avez notamment évoqué l'article 23 sexies et la nécessité de ne pas encadrer trop strictement la profession des généalogistes. Je partage votre souci et je souhaite également que nous puissions nous mettre d'accord sur une rédaction permettant de faire directement appel à cette profession lorsque l'état de la succession le justifie.

Monsieur Gautier, vous avez évoqué la question des assurances vie qui ne seraient pas honorées du fait de la méconnaissance de leur existence.

La loi du 15 décembre 2005, qui permet à toute personne de savoir si elle est bénéficiaire d'un contrat, et un accord de partenariat conclu en 2002 entre les notaires et les assurances permettent aujourd'hui de répondre à vos interrogations. Il est vrai que ces dispositions sont très récentes et que nous n'avons pas encore suffisamment de recul.

Monsieur Madec, vous avez abordé le problème du conjoint survivant pacsé. Le projet de loi prévoit un certain nombre de mesures à cet égard : droit temporaire au logement pendant un an, attribution préférentielle par testament, suppression de la réserve des ascendants et consécration des libéralités graduelles. Il est donc inexact de dire que le texte ne comporte aucune avancée notable dans ce domaine.

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