Intervention de Michèle Alliot-Marie

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 4 mai 2010 : 1ère réunion
Défenseur des droits — Audition de Mme Michèle Alliot-marie ministre d'etat garde des sceaux ministre de la justice et des libertés

Michèle Alliot-Marie, Garde des sceaux, ministre de la justice :

ministre d'Etat, Garde des sceaux, ministre de la justice. - Nos échanges, au Sénat, sont toujours intellectuellement satisfaisants et politiquement utiles. La réforme constitutionnelle de juillet 2008 visait à renforcer et moderniser la défense des droits et libertés. La question prioritaire de constitutionnalité, par exemple, était une nouveauté. Le Défenseur des droits aussi. Il n'a pas été conçu comme un Médiateur « en plus grand ». Notre préoccupation est que les citoyens n'aient plus lieu de se sentir écrasés par des décisions juridiquement correctes mais humainement préjudiciables. Nous voulons renforcer les voies de recours non juridictionnelles.

Le Défenseur des droits cependant n'a pas été créé ex nihilo, car le besoin d'une telle institution se fait sentir depuis quarante ans et le Médiateur de la République a démontré l'efficacité d'une autorité indépendante proche des citoyens. Chaque nouvelle autorité créée a rempli un vide ; mais on n'a pas épuisé tous les problèmes. Faute de vision d'ensemble, l'approche a été éclatée, sectorisée, compartimentée. Or, si nous considérons comme essentielle pour la démocratie la défense des droits et libertés, un minimum de cohérence s'impose. Des instances différentes ont forcément des analyses et des décisions divergentes...

Le Défenseur des droits devrait donc être une instance unique, aux compétences larges et aux pouvoirs importants, aux moyens renouvelés par rapport aux instances existantes - mais nous n'ignorons pas ce qui a été accompli dans le passé. Le Défenseur des droits tiendra son autorité de la Constitution et ses moyens seront à la hauteur de sa mission. Ses pouvoirs seront accrus : au titre des pouvoirs de contrôle et d'investigation, il aura un droit d'accès aux locaux privés ou publics, sous le contrôle du juge, et si la personne visée y fait obstacle, elle s'exposera à des sanctions pénales. Ses recommandations, si elles ne sont pas suivies d'effet, donneront lieu à des injonctions et à un rapport spécial qui pourra être rendu public. Si une autorité administrative refuse d'user de son pouvoir disciplinaire comme le lui demande le Défenseur des droits, un rapport spécial sera publié. Le Défenseur possèdera aussi des pouvoirs directs de règlement des litiges : il pourra proposer une transaction, intervenir devant toute juridiction, saisir le Conseil d'Etat pour recueillir son avis et couper ainsi court aux divergences d'interprétation sur les textes applicables. Tout cela forme un ensemble cohérent.

Une saisine aisée était la condition pour que les citoyens se sentent soutenus. Celui qui s'estime lésé dans ses droits et libertés pourra saisir directement le Défenseur des droits - les parlementaires conservant la possibilité de le faire. La saisine sera gratuite. Et le Défenseur pourra s'autosaisir dans tous les domaines de sa compétence - avec une restriction : la personne lésée devra être avertie et son éventuel refus, respecté. Cette restriction comporte à son tour une exception, les enfants, puisque leurs représentants légaux peuvent être les personnes mises en cause...

Nous créons donc une autorité forte, avec des moyens à la hauteur de son statut constitutionnel. Nous avons pris en considération ce que chaque institution a apporté - surtout celles qui sont intégrées dans le champ du Défenseur des droits, Médiateur de la République, Défenseur des enfants, Commission nationale de la déontologie de la sécurité (CNDS). Les compétences de chacune ne sont pas diluées dans l'institution nouvelle. Le Défenseur des droits sera assisté de collèges - formés de trois personnalités spécialisées, obligatoirement consultées en ce qui concerne la défense des enfants ou la déontologie de la sécurité. Il y aura aussi, bien sûr, une mise en commun des bonnes pratiques et des expériences acquises. Le personnel de chaque institution - j'y veille - et les dossiers existants seront transférés au Défenseur. Nous envisageons du reste une individualisation de certaines missions.

La Défenseure des enfants a exprimé des inquiétudes, je l'ai reçue plusieurs fois car je la connais bien et j'ai créé un groupe de travail au sein de mon cabinet pour réfléchir sur le sujet. La Défenseure des enfants bénéficie en effet d'une visibilité réelle, qu'il convient de conserver : les enfants connaissent une personne, une seule ! Il est bon que la mission continue dans l'avenir à s'incarner ainsi et le Défenseur des droits pourra déléguer une partie de ses pouvoirs. Cela sera à préciser dans le texte.

Cette approche concrète et pragmatique, alors que les administrations suivent souvent une logique propre, étrangère au sort des personnes, conforte nos valeurs, nos principes, nos ambitions. Le Défenseur des droits contribuera à préserver l'unité nationale, une de mes préoccupations principales.

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