Abordant ensuite la partie consacrée à la justice judicaire et à l'accès au droit, M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis, a évoqué les contours de la mission « Justice » qui résulte de la LOLF, a en premier lieu regretté que le Conseil supérieur de la magistrature et la Commission nationale informatique et libertés (CNIL), simples actions rattachées à la mission « Justice », ne disposent pas d'une place dans la nomenclature budgétaire plus conforme à leur statut et à l'importance de leur rôle.
Il a cependant relevé l'effort notable consenti en faveur de la CNIL, qui enregistrera en 2008 une forte progression de ses crédits et plusieurs créations d'emplois. Le rapporteur pour avis a souhaité la création d'un programme spécifique rassemblant plusieurs autorités administratives indépendantes, dont la CNIL, aux côtés du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) ou de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE).
Il a en second lieu constaté que, cette année encore, le budget de la justice administrative ne figure pas dans la mission « Justice », alors même que ces juridictions contribuent, au même titre que l'institution judiciaire, à cette politique publique.
Soulignant les points forts du projet de budget pour 2008, le rapporteur pour avis a mis en avant la priorité accordée à la justice, dont les crédits progressent de 4,5 % (contre 1,6 % en moyenne pour le budget de l'Etat). Il a relevé que même si le poids du budget de la justice dans celui de l'Etat est encore trop léger, il atteint un niveau relatif inégalé (2,4 % contre 1,7 % en 2002).
Pour le rapporteur pour avis, le projet de budget pour 2008 reflète d'indéniables progrès dans le fonctionnement de l'institution judiciaire, comme en attestent :
- la maîtrise des frais de justice ; ces dépenses, revenues de 487 millions d'euros à 370 en 2006, pour s'établir à 390 en 2007, sont en voie de stabilisation. Cette évolution favorable a pu être obtenue grâce à la mobilisation de l'administration centrale comme des personnels des juridictions, à la sensibilisation des magistrats aux contraintes budgétaires, à la mise en place d'outils statistiques et de suivi et surtout grâce à la définition d'une tarification des écoutes téléphoniques, qui a mis fin à certaines dérives tarifaires de la part des opérateurs téléphoniques ;
- la remise à plat de l'indemnisation des conseillers prud'homaux ; cette réforme, en cours, devrait permettre une meilleure visibilité de la dépense et la définition d'un régime d'indemnisation fondé sur ces critères plus transparents, rationnels et harmonisés ;
- la revalorisation très attendue du statut des services administratifs régionaux, dont l'existence est désormais consacrée dans le code de l'organisation judiciaire et qui bénéficieront en 2008 d'un renforcement de leurs effectifs grâce à l'arrivée de 45 secrétaires administratifs de catégorie B.
s'est félicité du renforcement des effectifs des juridictions prévus l'année prochaine, après avoir noté que cette avancée répondait à une réelle nécessité compte tenu du taux de réalisation décevant de la programmation prévue en 2002 en termes de créations d'emplois. Il a précisé que si la situation des magistrats -pour qui le taux de réalisation atteint 76 %- est satisfaisante, les fonctionnaires des greffes -pour lesquels ce taux s'élève à 40 % seulement- n'ont pas bénéficié d'un effort équivalent. Il s'est réjoui de ce que l'effort en 2008 concerne, à parité, tant les magistrats que les fonctionnaires des greffes, observant néanmoins que cette avancée ne permettrait pas d'améliorer significativement le ratio magistrats-fonctionnaires des greffes, qui ne cesse de se dégrader (2,57 en 2007 contre 2,8 avant 2000).
Il a signalé que la baisse du nombre d'auditeurs de justice de l'Ecole nationale de la magistrature constatée cette année serait compensée par un recours accru aux recrutements sur titres, conformément à la volonté du législateur affirmée dans la loi organique du 5 mars 2007 sur le recrutement, la formation et la responsabilité des magistrats et au souhait de la mission d'information constituée au sein de la commission sur le recrutement et la formation des magistrats conduite par MM. Pierre Fauchon et Charles Gautier.
Il a noté une hausse des crédits alloués à l'Ecole nationale des greffes pour 2008, se réjouissant de ce que le ministère de la justice ait annoncé l'organisation -chaque année- de concours de recrutement de fonctionnaires pour compenser les départs à la retraite.
Il a signalé la création d'un nouveau corps de secrétaire administratif de catégorie B, aux côtés de greffiers, précisant que cette avancée répondait à une promesse formulée en 2002. Ce corps sera pourvu principalement par des fonctionnaires de catégorie C, dont les emplois seront requalifiés en catégorie B.
Il a évoqué l'important chantier de modernisation des moyens informatiques, notamment dans le domaine de la numérisation des procédures pénales, ajoutant néanmoins que cette évolution ne devait pas conduire à minimiser les besoins en personnels.
Le rapporteur pour avis a salué l'engagement du ministère de la justice en vue de dynamiser la gestion des ressources humaines. Cette impulsion nouvelle est déjà perceptible, comme en attestent la plus grande diversification des modes de recrutement ainsi que la réforme de la formation des auditeurs de justice actuellement conduite par l'Ecole nationale de la magistrature qui tend à s'ouvrir davantage sur l'extérieur et à favoriser l'émergence d'une culture commune avec les avocats. Il a observé que, dans la continuité des recommandations formulées par la mission d'information sur le recrutement et la formation des magistrats, la garde des sceaux mène une réflexion sur le statut des magistrats débutants et le choix de la première affectation. Il a également signalé qu'une réforme de la formation des chefs de juridiction est envisagée.
s'est réjoui des efforts tangibles en faveur de la sécurisation des juridictions, mettant en avant l'importante dotation consacrée aux opérations de sûreté pour 2008 (39 millions d'euros). Il a indiqué qu'en 2007, le ministère de la justice avait débloqué des crédits en urgence (37 millions d'euros au total), afin de généraliser l'installation de portiques de sécurité dans les juridictions et de mettre à leur disposition des équipes de surveillance.
Il a précisé que deux types de personnels étaient mobilisés pour contrôler le public à l'entrée des tribunaux : les employés de sociétés de gardiennage et les retraités de l'administration pénitentiaire. Il a observé que l'expérience professionnelle des réservistes de l'administration pénitentiaire leur permettait de gérer plus facilement les populations susceptibles de se présenter dans les tribunaux, expliquant toutefois que la généralisation de ce dispositif se heurtait à un problème de nomenclature budgétaire que le ministère de la justice s'est engagé à résoudre. Il a ajouté que les tribunaux d'instance qui reçoivent un public fragilisé (personnes surendettées ou placées sous tutelle...) pouvaient être vulnérables et ne devaient pas être oubliés.
a noté l'engagement du gouvernement dans la mise en oeuvre de la réforme de la carte judiciaire, rappelant que la commission des lois (notamment dans le cadre d'une précédente mission d'information sur les moyens de la justice constituée en son sein en 1996, présidée par M. Charles Jolibois, et dont M. Pierre Fauchon était le rapporteur), appelait de ses voeux une telle refonte. Il a noté le faible impact budgétaire de ce chantier en 2008, la dotation prévue (1,5 million d'euros) étant principalement destinée à financer la mise en oeuvre des pôles de l'instruction. Il a toutefois annoncé que le prochain exercice budgétaire devrait prendre acte de la montée en puissance de la réforme qui doit s'étaler sur trois années. Après avoir insisté sur la nécessité de soutenir cette initiative, il a cependant souligné qu'elle ne devait pas dispenser le ministère de la justice de poursuivre l'effort en faveur du renforcement des effectifs des juridictions, notamment s'agissant des personnels des greffes.
Puis le rapporteur pour avis a évoqué deux écueils liés à la mise en oeuvre de la LOLF, qui suscitent de légitimes inquiétudes dans les juridictions :
- l'absence de marge de manoeuvre des juridictions de première instance en matière de gestion budgétaire, qui relève presque exclusivement des cours d'appel, sous le contrôle de l'administration centrale ; les tribunaux de grande instance ont le sentiment de s'être pleinement investis dans l'application des nouvelles règles budgétaires et d'avoir réalisé des économies substantielles, notamment dans le domaine des frais de justice, sans pour autant être payés de retour pour les efforts accomplis ;
- le caractère complexe du mode de gestion des emplois fondé sur la notion d'emplois équivalents temps plein travaillé (ETPT) ; ce concept -difficile à cerner- est incompris dans les juridictions. On observe d'ailleurs une certaine confusion au sein même de l'administration centrale, comme en témoigne la présentation du projet de budget pour 2008 qui annonce 400 créations d'emplois (par référence à l'ancienne notion d'emploi budgétaire) qui correspondent à un nombre d'ETPT inférieur (101). En outre, la mise en oeuvre de la LOLF a ignoré la spécificité de l'institution judiciaire -très fortement féminisée- qui compte de nombreux postes à temps partiel toutes catégories de fonctionnaires confondues (près de 23 % pour l'année 2005). Une stricte correspondance entre les effectifs et la quotité de travail effectif a été effectuée, sans aucune pondération, ce qui a pu donner le sentiment d'une « évaporation » des postes de fonctionnaires dans les juridictions. En outre, les vacataires sont désormais comptabilisés dans les plafonds d'emplois, définis limitativement, alors qu'auparavant, ils s'ajoutaient aux emplois budgétaires, ce qui crée une contrainte supplémentaire.
a évoqué l'évolution des délais de jugement, qui progressent de manière variable. Il a relevé l'impact toujours positif des contrats d'objectifs signés entre les cours d'appel et le ministère de la justice, avant de constater les progrès sensibles des délais de traitement des affaires civiles, particulièrement s'agissant des cours d'appel (13,3 mois, contre 14,4 mois en 2005), tandis que la situation des juridictions de première instance -tribunaux de grande instance et tribunaux d'instance- évolue plus lentement. En revanche, en matière pénale, les délais sont encore trop lents, même si le taux de réponse pénale (plus de 80 %) est très satisfaisant, notamment grâce à la montée en puissance des procédures accélérées de jugement telles que les ordonnances pénales et la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.
Faisant le point sur l'aide juridictionnelle, le rapporteur pour avis a souligné la stabilité de la prévision de dépense pour 2008 qui s'élève à un peu moins de 330 millions d'euros, contre 327 en 2007. Il a, comme les années précédentes, insisté sur les limites du système actuel, « à bout de souffle ». Il a indiqué que le ministère de la justice avait souhaité, dans un souci de meilleure gestion, engager une politique plus volontariste en matière de recouvrement de l'aide juridictionnelle auprès de la partie condamnée aux dépens ou qui perd son procès lorsqu'elle n'est pas bénéficiaire de l'aide juridictionnelle ou auprès du bénéficiaire de l'aide lorsqu'elle lui a été retirée par décision du bureau d'aide juridictionnelle.
a relevé le faible impact sur les dépenses d'aide juridictionnelle de la loi du 19 février 2007 ayant prévu la subsidiarité de l'aide juridictionnelle lorsque les frais sont par ailleurs pris en charge par un contrat d'assurance de protection juridique ou un système de protection équivalent, expliquant que les domaines couverts par l'aide juridictionnelle et par les contrats d'assurance de protection juridique se recoupent encore assez peu. Il a estimé nécessaire que le gouvernement engage une réflexion pour remettre à plat la loi de 1991, relevant que le rapporteur spécial de la commission des finances, M. Roland du Luart avait dressé le même constat dans un récent rapport d'information.