Intervention de Jean-René Lecerf

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 21 novembre 2007 : 1ère réunion
Pjlf pour 2008 — Mission « justice » - crédits de l'administration pénitentiaire - examen du rapport pour avis

Photo de Jean-René LecerfJean-René Lecerf, rapporteur pour avis :

a rappelé que la dotation réservée au programme « Administration pénitentiaire » progressait de 6,4 % et représentait 36,6 % de la mission « Justice », soit une enveloppe de 2,383 millions d'euros. Cette augmentation se justifiait, pour l'essentiel, par l'ouverture de sept nouveaux établissements pénitentiaires au cours de l'année 2008 et par les moyens nécessaires à leur fonctionnement, ainsi que par la poursuite du programme de réalisation de 13.200 places prévu dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation de la justice (LOPJ) pour 2002.

Le rapporteur pour avis a indiqué que le budget permettrait également la création de 842 emplois (parmi lesquels 150 emplois de conseiller d'insertion et de probation). Il a ajouté que les objectifs en emplois de la LOPJ avaient été réalisés à hauteur de 82 %. Il a souhaité néanmoins attirer l'attention sur l'insuffisance des dépenses d'entretien d'un patrimoine immobilier estimé à 5 milliards d'euros en relevant que les moyens mobilisés à ce titre pour 2008 s'élevaient à 83,5 millions d'euros, alors que le montant annuel nécessaire est estimé à 150 millions d'euros. Il a noté que le défaut d'entretien des bâtiments pouvait se révéler à terme lourd de conséquences pour les finances publiques, comme le montrait l'exemple de la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis, dont la rénovation entière, tardive, se révélait sans doute plus dispendieuse qu'une construction nouvelle.

a souligné que le programme « Administration pénitentiaire » comportait plusieurs objectifs assortis d'indicateurs de performance dont plusieurs avaient été modifiés pour 2008, notamment l'indicateur relatif au coût de journée de détention dont l'interprétation était délicate (une baisse du coût pouvant signifier soit un gain de productivité, soit une baisse de qualité), remplacé d'une part par le suivi des nouvelles places créées et, d'autre part, par le taux de performance de la production immobilière (rapport entre le coût de la place des constructions nouvelles et leur délai de réalisation).

Le rapporteur pour avis a rappelé, qu'accompagné de plusieurs de ses collègues, il avait visité, au cours des deux derniers trimestres, une vingtaine d'établissements pénitentiaires et que les informations recueillies à cette occasion le conduisait plus particulièrement à insister sur quatre thèmes qui trouveraient nécessairement un prolongement dans la loi pénitentiaire. Il a souligné en premier lieu la nécessité de développer les mesures d'aménagement de peine. Il a rappelé qu'au 1er novembre 2007 le nombre de détenus en prison s'élevait à 61.763 personnes pour un nombre de places opérationnelles de 50.727, soit un taux d'occupation de l'ordre de 120 %, moyenne non significative compte tenu des fortes disparités entre des maisons d'arrêt surpeuplées et les établissements pour peine.

a observé que les mesures d'aménagement de peines avaient connu une évolution contrastée : la libération conditionnelle avait concerné 5 % des condamnés en 2006, contre 12 % en 2001, alors même qu'elle contribuait à limiter le risque de récidive dans la mesure où elle s'organisait le plus souvent autour d'un projet professionnel et ménageait ainsi une transition entre la période carcérale et la libération définitive. En revanche, les placements à l'extérieur ou en semi-liberté connaissaient une légère progression, tandis que le placement sous surveillance électronique avait plus que doublé entre 2004 et 2006. Le rapporteur pour avis a regretté les freins persistants à l'aménagement de peine. Il a cité notamment les jurisprudences très différentes des juges de l'application des peines dont certains limitaient de manière drastique le nombre de mesures ainsi que l'échec relatif, en raison de sa lourdeur, de la nouvelle procédure d'aménagement de peine prévue par la loi « Perben 2 ». Il a évoqué l'effet non recherché d'une disposition introduite par la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs qui subordonne la libération conditionnelle d'une personne condamnée pour un crime ou un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru à une expertise établissant la possibilité de soumettre l'intéressé à une injonction de soin. Or, depuis la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, a-t-il ajouté, le champ d'application du suivi socio-judiciaire a été élargi aux auteurs de violences au sein du couple qui, à la différence des auteurs d'infractions sexuelles pour lequel le suivi socio-judiciaire avait été initialement prévu, pouvaient être condamnés à une courte peine. Dès lors, l'obligation de l'expertise préalable compte tenu des délais nécessaires pour la mettre en oeuvre interdisait en pratique toute libération conditionnelle. Il a estimé que ce point pourrait être amendé à la faveur de l'examen du projet de loi pénitentiaire.

En deuxième lieu, M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis, a estimé que la différenciation des structures de détention était un préalable à une réinsertion réussie. Il a d'abord évoqué les établissements pénitentiaires pour mineurs qui permettaient une prise en charge fortement individualisée pour un coût de l'ordre de 260 euros, compte non tenu de la charge qui incombe à l'éducation nationale et au ministère de la santé. Il s'est félicité de ce que l'administration pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse aient mis en place un dispositif de retour d'expérience destiné à évaluer le programme des EPM au regard de l'objectif de prévention de la récidive.

Le rapporteur pour avis a ensuite indiqué qu'il avait visité les centres de détention de Casabianda et de Mauzac ainsi que le centre pénitentiaire de Caen, qui avaient pour point commun d'accueillir une très grande majorité de délinquants sexuels. Il a observé que l'emprise foncière très étendue de ces structures leur permettait d'offrir aux détenus de nombreuses activités dans des conditions exemplaires. Il a cependant noté l'insuffisance de la prise en charge psychiatrique liée à la fois à l'insuffisance du nombre de psychiatres et à l'éloignement des grandes agglomérations. Il a regretté que des établissements si particuliers ne fassent pas l'objet d'une évaluation plus approfondie qui permettrait de distinguer ce qui, dans ces expériences, peut ou non être généralisé. Si tout laissait à penser, selon lui, que le taux de récidive à l'issue d'une détention dans ces centres était très faible, il n'existait cependant aucun instrument pour s'en assurer. Il a formé le voeu que le ministère de la justice se dote d'une capacité d'évaluation du taux de récidive selon les grandes catégories d'établissements. Il a estimé qu'il y aurait là le moyen d'apprécier précisément l'impact des conditions de détention sur la réinsertion et donc d'orienter utilement la politique pénitentiaire.

a insisté sur le nécessaire développement de la formation et de l'emploi en prison. Il a évoqué plusieurs pistes envisagées par l'administration pénitentiaire pour favoriser l'activité des détenus : l'amélioration de l'organisation des flux entre la prison et l'extérieur, la valorisation des atouts du travail pénitentiaire -moindre coût, flexibilité et proximité. Il s'est interrogé sur l'application aux détenus du contrat de travail de droit commun en indiquant que cette question serait débattue dans le cadre du projet de loi pénitentiaire. Il a enfin estimé indispensable de valoriser l'image du travail pénitentiaire et des entreprises qui le promouvait. Dans le domaine de la formation, il a regretté que les financements, assurés pour une large part par le ministère du travail et le fonds social européen, se réduisent chaque année au risque de mettre en cause certaines actions utiles menées par le biais d'associations. Il s'est demandé s'il ne serait pas opportun de soumettre le financement de la formation au droit commun et d'en confier la responsabilité, sous réserve de contrepartie, aux régions.

Enfin, le rapporteur pour avis a souhaité une revalorisation du rôle des personnels pénitentiaires. Il a observé que le métier de surveillant pouvait s'enrichir de nouvelles missions telles que l'évaluation de la dangerosité ou la participation à la mission de réinsertion. Il a estimé parfaitement légitime que les personnels de surveillance soient reconnus comme la troisième force de sécurité aux côtés de la police et de la gendarmerie. Il a noté également la diversification des responsabilités confiées aux personnels d'insertion et de probation, estimant qu'elle impliquait un effort particulier en faveur de la formation et un renforcement des effectifs.

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