A titre liminaire, Mme Pascale Soulard a indiqué venir s'exprimer devant la mission non pas uniquement en tant qu'ergonome à Aéroports de Paris, mais aussi et surtout comme représentante de l'association des ergonomes de collectivités, d'administrations publiques et d'entreprises, l'Adecape. Cette association, créée il y a deux ans, a constitué plusieurs groupes de travail chargés de réfléchir sur des thématiques diverses, comme celle de la souffrance au travail.
Discipline apparue en réaction aux méfaits du taylorisme, l'ergonomie s'attache à comprendre comment l'organisation du travail peut affecter la santé physique et mentale des travailleurs. Les premiers ergonomes, souvent issus du monde ouvrier, ont été formés au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam) dans les années soixante et soixante-dix. Il existe aujourd'hui une dizaine de masters en France dispensant une formation en ergonomie. Chaque année, près de deux cents étudiants en sortent diplômés.
Le métier d'ergonome consiste à améliorer les situations de travail en agissant sur les aspects matériels du travail, mais aussi sur sa dimension socio-organisationnelle. L'objectif de cette démarche est de permettre que le travail soit réalisé dans le respect de la santé et de la sécurité des travailleurs, avec le maximum de confort et de satisfaction pour eux, tout en garantissant à l'employeur que les tâches sont effectuées avec efficacité.
Les ergonomes sont organisés en plusieurs associations, l'Adecape étant la plus jeune d'entre elles. La société d'ergonomie de langue française (SELF) existe depuis une cinquantaine d'années. Des associations internationales d'ergonomes ont également été créées.
Les ergonomes interviennent dans divers secteurs de l'industrie et des services, dans les administrations et les collectivités territoriales, ainsi que dans des structures telles que les services de santé interentreprises ou la mutualité sociale agricole (MSA). Dans les grandes entreprises, les ergonomes sont généralement salariés, tandis que les petites entreprises font le plus souvent appel à des consultants extérieurs.
Afin d'améliorer les conditions de travail, l'ergonome adopte une méthodologie spécifique reposant, dans un premier temps, sur l'analyse de l'activité de travail. Cette étape consiste à aller sur le terrain, à rencontrer les salariés, à leur donner la parole pour identifier des « observables », c'est-à-dire des situations de travail concrètes. A cette occasion, on constate souvent un écart entre le travail prescrit par la fiche de poste et le travail réellement effectué. Au cours de cette analyse, fondée sur une approche globale du travail, l'ergonome prend en compte toutes les dimensions de la situation du travail (les outils de travail, l'espace de travail, l'aspect managérial...).
Dans un deuxième temps, il élabore un diagnostic, validé par les salariés eux-mêmes, qui indique les facteurs à l'origine de la souffrance au travail. Ceux-ci ne sont pas seulement d'ordre individuel, ils sont aussi d'ordre collectif, c'est-à-dire liés à l'organisation du travail et aux méthodes de management. Ne travaillant pas seul, l'ergonome privilégie une démarche pluridisciplinaire le conduisant à coopérer avec les médecins du travail, les psychologues du travail et les managers.
Dans un troisième temps, il tente d'apporter des réponses aux questions posées par l'analyse des situations de travail. Celles-ci sont élaborées de manière participative, en associant étroitement les salariés concernés. L'objectif est de trouver les moyens permettant de redonner du sens au travail.
Cette dernière étape est l'occasion, pour les travailleurs, de parler collectivement de problèmes souvent perçus comme individuels. Il peut s'agir, par exemple, d'une agression, d'une souffrance psychologique résultant d'injonctions paradoxales de la part de la hiérarchie, de conflit de valeurs, d'un sentiment d'insatisfaction né de l'impossibilité de bien faire son travail, etc. L'ergonome parle d' « espaces de régulation » pour désigner ces temps de parole collectifs, où l'on tente de redéfinir ensemble les règles de métier.
En conclusion, dans un contexte de dégradation croissante des conditions de travail - due aux nouvelles méthodes managériales, à l'individualisation des tâches, etc. - l'intervention des ergonomes permet d'anticiper et de prévenir les situations de souffrance au travail.