Intervention de Bernard Saugey

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 23 novembre 2011 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2012 — Mission relations avec les collectivités territoriales - examen du rapport pour avis

Photo de Bernard SaugeyBernard Saugey, rapporteur pour avis :

En préambule, je souhaiterai formuler deux observations :

Tout d'abord, l'année 2012 représentera la poursuite, d'un point de vue budgétaire et financier, de l'association des collectivités territoriales à l'effort de réduction des déficits publics de l'État.

Je vous rappelle que l'année 2011 a inauguré un degré inédit de modération budgétaire pour les collectivités : en effet, en application de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, les concours budgétaires de l'État font l'objet d'un « gel en valeur », à hauteur du montant ouvert en loi de finances initiale pour 2010, soit 50,65 milliards d'euros. A cela s'ajoute l'économie supplémentaire de 200 millions d'euros, adoptée par l'Assemblée nationale, à la suite de l'annonce par le Premier ministre, le 24 août dernier, d'une économie globale supplémentaire d'un milliard d'euros.

Ma deuxième observation est relative à la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Celle-ci, dotée de 2,55 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 2,52 milliards d'euros en crédits de paiement, ne représente que 2,5 % de l'effort global de l'État en faveur des collectivités territoriales, qui s'élèverait, au titre du budget 2012, à plus de 100 milliards d'euros. Force est d'ailleurs de constater que la composition de cet effort mériterait un effort de clarification. Comme je l'ai rappelé à M. Richert, lors de son audition devant notre commission il y a deux semaines, aux concours budgétaires de la mission RCT s'ajoutent les autres concours inclus dans l'enveloppe normée, ceux qui ne le sont pas, les dégrèvements et compensations ainsi que les transferts de fiscalité. Une réflexion devrait être conduite pour permettre de rendre lisible cette répartition.

L'année 2012 sera également cruciale pour nos collectivités en raison de trois facteurs sur lesquels je souhaiterais attirer votre attention.

Le premier est lié aux difficultés, déjà perceptibles, de financement bancaire rencontrées par les collectivités. A titre d'exemple, les demandes de financement de la communauté urbaine de Marseille, qui s'élèvent à 200 millions d'euros, n'ont, à ce jour, reçu de réponses favorables des banques que pour un montant de 100 millions d'euros !

Ce constat s'explique principalement par l'anticipation, par les établissements bancaires, des nouvelles règles prudentielles définies dans le cadre du comité de Bâle 3. Dans ce nouveau cadre, les banques devront progressivement relever, entre 2013 et 2019, leur ratio minimum de liquidités de 2 % à 7 %, afin de leur permettre de mieux absorber les pertes en cas de crise. C'est pourquoi les banques, pour pouvoir respecter ces nouvelles règles, privilégient les emprunteurs à financements courts qui disposent d'épargne bancaire, ce qui n'est pas le cas des collectivités territoriales.

Face aux difficultés générées par ces nouvelles règles prudentielles, auxquelles s'ajoutent le récent démantèlement de Dexia, première banque de financement de nos collectivités, je salue l'initiative des associations nationales d'élus visant à créer une nouvelle Agence de Financement des Collectivités Locales, qui devrait être opérationnelle dès 2012. Celle-ci aurait pour objectif de diversifier l'offre de financement des collectivités territoriales. La Cour de la comptes a d'ailleurs salué cette initiative, même si elle l'a assortie de certaines conditions de réussite, qui semblent être satisfaites par cette nouvelle structure.

Ma deuxième observation porte sur la problématique des emprunts toxiques et de leur poids dans l'encours de la dette publique locale. Force est de constater que nombreux sont les élus qui, face à leurs difficultés budgétaires actuelles, ont pu, naïvement, préférer des produits leur permettant de bénéficier, pendant quelques années, de taux d'intérêts bonifiés. Toutefois, les taux d'intérêt se sont ensuite envolés, généralement au bout de trois ou quatre années, en raison de leur indexation sur des facteurs extrêmement volatiles.

La Cour des comptes estime, dans un rapport thématique publié en juillet dernier, que les emprunts toxiques ne représenteraient pas un risque systémique pour les collectivités dans leur ensemble. Pourtant, tous les effets des produits structurés ne sont pas encore connus, dans la mesure où la période des taux d'intérêts bonifiés n'est pas arrivée à son terme pour l'ensemble des emprunts contractés.

Les risques liés aux emprunts toxiques montrent la nécessité de sécuriser nos collectivités dans leurs relations avec les établissements de crédit. C'est pourquoi une initiative de notre part serait la bienvenue pour favoriser : la diversification de l'offre de prêts avec, par exemple, le recours systématique aux mises en concurrence des établissements bancaires ; le renforcement des moyens de contrôle interne et externe en matière de prêts et le renforcement des obligations d'information pesant sur les exécutifs locaux vis-à-vis de leurs assemblées délibérantes.

L'action du Gouvernement en la matière ne semble pas adaptée. Certes, le Gouvernement a invité les établissements bancaires à signer une charte de bonne conduite mais celle-ci n'interdit pas l'ensemble des produits dits « toxiques ». Un médiateur des emprunts toxiques a été nommé mais nous disposons toutefois de peu d'informations sur son activité. Le Gouvernement, d'après les propos tenus par M. Richert, ne souhaite pas aller au-delà pour aider les collectivités à faire face à cette situation, ce que nous ne pouvons que déplorer !!

Enfin, le dernier point sur lequel je souhaiterai attirer votre attention, concerne la problématique des normes et de leur poids au sein de notre activité quotidienne.

Je tiens à rendre hommage au bilan largement positif de la commission consultative d'évaluation des normes, présidée par notre ancien collègue Alain Lambert. Depuis sa création en septembre 2008, elle a rempli ses missions de manière exigeante et constructive. Elle a examiné pas moins de 176 textes en 2010 et 160 textes entre le 1er janvier et le 31 juillet 2011.

Le bilan de la CCEN témoigne de la nécessité de toute démarche visant à mieux associer les collectivités territoriales aux décisions qui les concernent. Il reflète également la nécessité d'un dialogue apaisé et serein entre l'État et les collectivités territoriales. C'est pourquoi j'estime que le champ de compétences de la CCEN mériterait d'être élargi aujourd'hui au stock de normes, afin de poursuivre les initiatives engagées par le Gouvernement et notre ancien président, Gérard Larcher, visant à recenser les normes existantes qui mériteraient une révision urgente.

Au terme de ce bref tour d'horizon, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales ».

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