Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a tout d'abord pris connaissance du rapport d'information de M. Jean-Paul Emorine, président, relatif au déplacement d'une délégation de sénateurs au Brésil du 11 au 17 septembre 2007.
Après avoir rappelé que neuf membres de la commission, MM. Jean-Paul Emorine, Gérard Cornu, François Fortassin, Bernard Dussaut, René Beaumont, Mme Yolande Boyer, M. Philippe Darniche, Mme Evelyne Didier et M. Yannick Texier, avaient effectué une mission au Brésil du 11 au 17 septembre 2007 pour étudier le décollage économique du pays, notamment sous ses aspects agricoles et industriels, M. Jean-Paul Emorine, président, a précisé que la délégation s'était successivement rendue à São Paulo, Brasilia et Rio de Janeiro pour mener des entretiens sur l'agriculture brésilienne, l'industrie automobile et les biocarburants.
Soulignant que le Brésil était le cinquième pays du monde par la taille de sa population, 186 millions d'habitants en 2006, et par sa superficie, 8,5 millions de kilomètres, il a relevé qu'avec un produit intérieur brut (PIB) de 1.067 milliards de dollars en 2006, soit 730 milliards d'euros selon le cours actuel du change, le pays s'était hissé au rang de dixième puissance économique mondiale, alors qu'il ne se situait qu'à la quinzième place en 2005. L'économie brésilienne se caractérise par une agriculture résolument tournée vers les exportations, le pays disposant de ressources foncières immenses, avec 60 millions d'hectares de terres cultivées et 230 millions d'hectares de pâturages. Au surplus, il dispose encore, hors forêt amazonienne, de 90 millions d'hectares de terres disponibles et des pâturages pourraient être libérés pour être transformés en cultures si l'élevage était rendu un peu plus intensif.
Les exportations agricoles brésiliennes ont ainsi crû régulièrement depuis une vingtaine d'années, avec une véritable explosion depuis 2001, les exportations agroalimentaires ayant progressé de 16,3 % par an en moyenne entre 2001 et 2005. En 2006, sur un excédent commercial de 46,1 milliards de dollars, le solde des échanges agro-industriels s'est élevé à 42,7 milliards, soit 93 % du total. Le secteur agro-alimentaire est de ce fait devenu l'un des plus dynamiques du pays, représentant 30 % du PIB, 37 % des emplois et jusqu'à 40 % des exportations. Le Brésil est le premier exportateur mondial de soja, de sucre/éthanol, de boeuf, de café, de poulet, de tabac ou de jus d'orange. Ses principaux marchés sont l'Union européenne, mais aussi, pour une part croissante, l'Amérique latine, les Etats-Unis et l'Asie, notamment sous l'influence de la Chine.
Après avoir fait constater que la viande brésilienne représentait 30 % du marché mondial, M. Jean-Paul Emorine, président, a souligné que le Brésil avait des ambitions très élevées en la matière et souhaitait s'appuyer sur les négociations commerciales menées dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) pour pénétrer plus fortement sur le marché européen. Actuellement, les autorités brésiliennes reprochent à l'Union européenne de se prévaloir de l'insuffisance des contrôles sanitaires sur le cheptel à la frontière du Paraguay et de l'Argentine pour protéger son marché intérieur.
Puis il a noté qu'11,6 millions d'hectares étaient consacrés à la culture des organismes génétiquement modifiés (OGM), du soja pour l'essentiel, ce qui représente 60 % des terres cultivées en France, que le Brésil s'était doté très tôt d'une législation pour encadrer leur développement et avait assoupli les règles d'autorisation des cultures OGM en 2007.
Il a ensuite expliqué que l'économie brésilienne disposait également d'une solide base industrielle, la plupart des activités étant principalement regroupées dans les Etats de São Paulo et de Rio de Janeiro, le premier représentant plus du tiers du PIB brésilien, plus du tiers de la consommation nationale et concentrant plus de la moitié des sièges des 500 plus grandes entreprises. La délégation de la commission a eu des entretiens avec le président de la Fédération des industries de Saõ Paulo (FIESP), celle-ci rassemblant plus de 140.000 entreprises représentant, selon ses évaluations, 45 % du PIB national et 60 % des exportations de biens manufacturés. Dans l'Etat de Rio de Janeiro, l'extraction pétrolière occupe une place importante, avec plus de 84 % de la production nationale. Enfin, le Brésil est doté de deux pôles d'excellence dans les secteurs automobile et aéronautique, l'avionneur brésilien Embraer étant le numéro un mondial des avions régionaux.
a nuancé la présentation de ces atouts économiques en expliquant que le Brésil était marqué par certaines faiblesses socio-économiques. Tout en relevant que le pays avait récemment réussi sa stabilisation macroéconomique, à travers la diminution de l'inflation, le dégagement d'excédents budgétaires primaires depuis plusieurs années ou le remboursement anticipé de sa dette internationale, il a mis en avant : l'appréciation du real qui pèse sur le niveau des exportations, le niveau très élevé des taux d'intérêt, qui ne facilite pas les investissements, l'insuffisance des infrastructures de transport, les partenariats public/privé en la matière faisant défaut, comme le montre l'exemple de la mégapole de São Paulo, considérablement sous-dotée en matière de transports publics, les très grandes inégalités au sein de la société brésilienne, s'agissant de la répartition des revenus et des richesses, et, enfin, les importants déséquilibres régionaux, notamment entre les régions du sud-est et le reste du pays.
Soulignant ensuite que le thème des biocarburants avait constitué le véritable « fil rouge » des entretiens de la délégation, M. Jean-Paul Emorine, président, a rappelé que le développement des biocarburants au Brésil remontait aux années 1970, avec le plan Proalcool mis en place par le gouvernement de la dictature militaire, pour réduire la dépendance de l'économie nationale au pétrole à la suite du premier choc pétrolier. Mais l'essor réel des biocarburants est plus récent et lié à la diffusion des véhicules flex-fuel, la délégation ayant, à ce titre, visité une des chaînes de montage de l'usine PSA à Porto Real, usine d'une capacité de production de 100.000 véhicules par an, prochainement portée à 150.000. Les voitures flex-fuel représentent désormais entre 80 et 90 % des ventes de véhicules neufs, contre seulement 3 % en 2003 et les membres de la délégation ont été frappés par l'excellence de l'industrie automobile brésilienne et les risques en résultant pour l'industrie automobile européenne.
Par ailleurs, le Brésil est devenu le deuxième producteur mondial d'éthanol, avec 17 milliards de litres en 2007, derrière les Etats-Unis, 20 % de la production nationale étant exportés. Le succès du pays dans ce domaine repose d'abord sur la culture de la canne à sucre, le Brésil en ayant produit 470 millions de tonnes en 2006-2007. Il dispose, à cet effet, de réels points forts : des conditions agro-climatologiques favorables, des surfaces agricoles importantes et faciles à travailler, l'obligation de ne replanter la canne que tous les six ans et l'utilisation de la bagasse de la canne à sucre comme source d'énergie dans les usines de biocarburants. Surtout, le rendement d'un hectare de canne à sucre est très élevé, puisqu'il permet la production de 7.000 litres d'alcool, contre 3.000 litres pour un hectare de maïs aux Etats-Unis. Enfin, la surface agricole utilisée pour la canne à sucre est estimée à 6,2 millions d'hectares, ce qui laisse des marges de progression considérables.
Néanmoins, au regard des objectifs ambitieux de développement du gouvernement (doublement de la production d'éthanol d'ici à 2015), la question de l'augmentation de la surface dédiée à la culture de la canne se pose pleinement. Soulignant qu'un simple raisonnement arithmétique pourrait laisser penser que l'utilisation d'une partie des 90 millions d'hectares disponibles permettrait d'atteindre ces objectifs, il a considéré que cette estimation était sujette à caution, la plupart de ces terres se situant dans le « cerrado » (savane), dont les conditions climatiques et hydrologiques ne conviennent pas à ce type de culture.
Il a ensuite souligné que le Brésil était souvent l'objet d'attaques sur les effets supposés du développement de la culture de la canne sur l'Amazonie. Sur ce point, il a relevé que la plupart des interlocuteurs rencontrés par la délégation avait insisté sur le fait que le climat et le sol de la région amazonienne n'étaient pas adaptés au développement de la canne à sucre et que, dès lors, la déforestation ne pouvait être imputée au développement des biocarburants. Ces mêmes interlocuteurs ont également fait valoir le fait que la situation de la forêt amazonienne était souvent présentée de manière caricaturale à l'étranger. Tout en reconnaissant que ces affirmations apparaissaient de bon sens, M. Jean-Paul Emorine, président, a cependant estimé que le développement de la culture de la canne à sucre créait, de fait, une pression sur les autres usages de la terre.
Il a ensuite évoqué le plan, lancé par le gouvernement brésilien, en faveur du biodiesel imposant l'incorporation de 2 % de biodiesel dans le diesel, depuis le 1er janvier 2008, puis de 5 % en 2013. Les objectifs de ce plan sont multiples : réduction de la dépendance du Brésil aux importations de diesel, réduction des émissions de gaz à effet de serre et lutte contre la pauvreté parmi les petits agriculteurs vivant de la culture de plantes oléagineuses, ce programme ayant déjà permis de donner du travail à 250.000 personnes. Il a, au surplus, rappelé que l'utilisation du diesel pour les véhicules particuliers était interdite depuis la fin des années 1970 et qu'en conséquence le diesel était uniquement utilisé par les poids lourds et les machines agricoles, ce qui, comme l'avait relevé M. Gérard Cornu lors de la mission, serait inconcevable en France.
S'agissant des aspects industriels des biocarburants, après avoir expliqué qu'aux 369 usines de sucre/éthanol actuellement en service devraient s'ajouter 40 usines en cours de construction et 60 en cours d'approbation, il a noté que l'outil industriel de fabrication de l'éthanol au Brésil était performant.
Développée au départ par des subventions publiques, la filière de l'éthanol est désormais déréglementée. Du fait du caractère mixte sucre/alcool des usines, cet outil de production a créé des corrélations de prix entre les cours du pétrole et du sucre. Les véhicules flex-fuel pouvant indifféremment utiliser de l'essence, de l'éthanol ou un mélange des deux, les consommateurs effectuent leur choix en fonction des prix respectifs des deux produits. Si le prix de l'essence augmente, la demande d'éthanol augmentera et l'outil de production sera davantage sollicité pour en produire. Dans le même temps, la production de sucre diminuera, ce qui aura pour conséquence d'en réduire l'offre, et donc de faire monter son prix dans un contexte de hausse continue de la consommation de sucre au niveau mondial.
L'éthanol brésilien est par ailleurs très compétitif, notamment par rapport aux productions américaines ou européennes. Selon un expert en biocarburants rencontré par la délégation, les biocarburants européens ne supporteraient pas la concurrence avec les biocarburants brésiliens sans protections douanières. Toutefois, il apparaît difficile pour le Brésil d'atteindre ses objectifs très ambitieux d'augmentation de la production d'éthanol, en raison tant de la difficulté de mobiliser des terres supplémentaires pour la culture de la canne à sucre que de celle de développer l'outil de fabrication à un rythme suffisamment soutenu.
a conclu en évoquant la recherche brésilienne, très active sur les biocarburants de deuxième génération, produits à partir de la biomasse de la canne à sucre ou du bois, le développement de cette nouvelle génération devant permettre d'augmenter substantiellement le potentiel de production d'éthanol.