Intervention de Josselin de Rohan

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 10 février 2009 : 2ème réunion
Audition du général david petraeus commandant le central command des forces armées des etats-unis

Photo de Josselin de RohanJosselin de Rohan, président :

Accueillant le général David Petraeus, M. Josselin de Rohan, président, a rappelé les différentes étapes de sa carrière et indiqué que, dans sa préface à la réédition du livre du colonel Galula, il avait souligné que « toute expérience de guerre non complétée par la réflexion intellectuelle n'est qu'une longue succession d'horreurs absurdes ». Il a souhaité que soit évoquée l'application de cette réflexion aux conflits afghan et iraquien.

Le général David Petraeus a rappelé qu'il avait été formé pour partie en France, à Pau et à Mont-de-Marsan et qu'il avait participé, aux côtés des Forces spéciales françaises, à des opérations militaires en Bosnie. Il a rappelé que son père, néerlandais, avait rejoint la flotte américaine pendant la deuxième guerre mondiale, et qu'il ressentait, à titre personnel, une affinité à l'égard de la France.

Il a indiqué que le centre de commandement (CENTCOM) avait compétence pour l'Irak, l'Afghanistan, le Pakistan et l'Asie centrale, et menait aussi des actions de lutte contre la piraterie au Yémen et de contre-terrorisme. 215 000 soldats sont placés sous ce commandement auxquels s'ajoutent plusieurs dizaines de milliers de civils.

a souhaité savoir si les résultats militaires obtenus en Irak donnaient satisfaction alors que la situation semble en voie de règlement. Evoquant la stratégie suivie en Irak et les leçons à en tirer pour le théâtre afghan, il a souhaité savoir comment s'organiserait le retrait des troupes américaines. A propos du Pakistan, il s'est interrogé sur la coordination de l'action de l'armée afghane avec celle de l'armée pakistanaise.

Le général David Petraeus a considéré qu'il y avait eu de gros progrès accomplis en Irak où les attaques quotidiennes sont passées de 80 en juin 2007 à 10 aujourd'hui. Le nombre d'assassinats a baissé de 95 % et est désormais inférieur à celui que connaissent certaines villes américaines. En 2006, près de 55 corps étaient retrouvés chaque jour dans les rues de Bagdad. Cette lutte, très difficile, s'est accompagnée de progrès politiques très encourageants comme en témoigne le bon déroulement des élections locales à la fin du mois de janvier 2009.

Le Président Nicolas Sarkozy a pu constater ces résultats encourageants en se rendant en Irak aujourd'hui même.

La situation reste cependant fragile et marquée par la persistance d'éléments d'Al Qaïda. L'influence de l'Iran, qui continue à armer les milices, est négative.

La clé des progrès n'a pas seulement consisté en une augmentation des forces déployées sur le terrain. Le transfert aux forces irakiennes de responsabilités qu'elles n'étaient pas encore prêtes à assumer a été interrompu et l'armée américaine a quitté ses grandes bases au profit d'un élargissement de sa présence sur 77 sites supplémentaires dans Bagdad où elle est alors présente avec des partenaires irakiens.

La protection de la population locale a été renforcée, notamment par la construction de murs de sécurité. Ce processus a été très difficile et très coûteux mais il a permis aux forces irakiennes de reprendre le dessus et de se concentrer sur le soutien à la population civile. Ces progrès ont permis de priver les éléments d'Al Qaïda du soutien sunnite.

Le développement des moyens militaires et des opérations de contre-insurrection ont accompagné le développement du dialogue politique et la réconciliation nationale. Ces différents leviers d'actions ont été coordonnés avec d'autres outils, comme l'emploi des drones et, plus largement, le renseignement. Les prisons ont été modifiées pour séparer les éléments les plus extrémistes des autres détenus et pour privilégier la réinsertion dans la vie civile.

Avec l'amélioration des services de base et le renforcement de l'état de droit, la population a réappris à travailler et à vivre avec ses voisins.

Evoquant les leçons à tirer de l'expérience irakienne, le général David Petraeus a rappelé que l'Afghanistan n'était pas l'Irak, qu'il n'était pas non plus le Vietnam et qu'il fallait avant tout comprendre ce pays, sa population, son mode de fonctionnement. Il a estimé que la clé de la situation était la population elle-même dont il faut garantir la sécurité alors que, dans un combat conventionnel, le terrain est l'objectif de l'action menée.

Il a estimé qu'il fallait mieux former la police et mieux coordonner les activités des différents services de sécurité et que cela serait très difficile. Le secrétaire à la Défense, M. Robert Gates, a ainsi indiqué qu'il s'agirait d'une tâche très dure et très longue ; quant au vice-président, M. Joseph Biden, il a souligné que la situation allait s'aggraver avant de s'améliorer.

Evoquant ensuite le Pakistan, le général David Petraeus a souligné la nécessité d'une approche régionale. Il a estimé essentiel que les chefs politiques pakistanais et le jeune gouvernement démocratique reconnaissent que la vraie menace est intérieure et ne vient pas de l'Inde. L'armée pakistanaise doit le comprendre aussi, ce qui suppose de refonder tout son manuel de doctrines. Les militaires pakistanais sont concentrés sur l'Inde et sur un éventuel conflit conventionnel alors que la vraie menace existentielle est présentée par les extrémistes, menés par les Taliban.

Soulignant l'ampleur des défis dans la région, le général David Petraeus a rappelé que le Président Obama avait nommé M. Richard Holbrooke comme envoyé spécial pour cette région et qu'il avait entamé un dialogue approfondi avec les responsables pakistanais. Parallèlement, un soutien très fort, tout à fait nécessaire, est accordé au gouvernement pakistanais, soit 2 milliards de dollars d'aides sous diverses formes et 1,5 milliard par an consacré au développement économique.

Evoquant ensuite les échanges à la Wehrkunde de Munich, qui a vu la première déclaration officielle du vice-président Biden sur la politique étrangère américaine, le général David Petraeus a expliqué que les forces supplémentaires apportées dans la région devaient s'accompagner de concepts sous-tendant l'apport de ces forces. Il faut que les Afghans les voient comme un soutien.

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