Intervention de Claude Thélot

Mission commune d'information sur le fonctionnement des dispositifs de formation professionnelle — Réunion du 7 février 2007 : 1ère réunion
Audition de M. Claude Thélot conseiller-maître à la cour des comptes

Claude Thélot, conseiller-maître à la Cour des comptes :

A titre liminaire, M. Claude Thélot a souligné les problèmes de définition du périmètre de la formation professionnelle. Il a rappelé que la Commission du débat national sur l'avenir de l'école avait déploré, dans son rapport, la séparation entre la formation initiale et la formation continue, et avait formulé des propositions en vue de renforcer la coordination entre les deux systèmes. Il a indiqué que la formation continue ne constituait pas un terme réel d'alternative à la formation initiale, faute de déboucher, le plus souvent, sur une certification.

Il a jugé essentiel de réfléchir à l'efficacité et aux objectifs de la politique de formation professionnelle continue, dont la nature a changé depuis trente ans. En effet si, au cours de cette période, le taux d'accès des salariés à la formation est passé d'un tiers à près de 42 %, la durée moyenne des stages a diminué de plus de moitié, revenant de soixante-douze à trente heures. Dans le même temps, aucun objectif clair et explicite n'a été assigné à cette politique, qui reste avant tout définie et structurée par ses modes de financement, et dont l'évaluation est ainsi rendue difficile.

Il a ensuite insisté sur la complexité des dispositifs et des circuits de financement de la formation professionnelle, faisant observer que les 24 milliards d'euros qui lui sont consacrés, selon les chiffres indiqués dans le « jaune budgétaire », recouvraient une grande diversité de dispositifs. Cette somme comprend en effet les dépenses de formation que l'Etat consacre à ses agents, les dépenses en faveur de l'apprentissage (qui relève de la formation initiale), celles des entreprises pour leurs salariés, à travers l'obligation légale de financement, les dépenses des régions à destination, notamment, des jeunes et des demandeurs d'emploi, la compensation des exonérations de charges sociales pour les stagiaires et apprentis, etc.

Il a annoncé, en outre, que la Cour des comptes avait inséré dans son rapport annuel de 2006 une étude relevant l'opacité des organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) et leurs coûts de gestion élevés. Le prélèvement destiné à financer ces coûts ne devrait pas être déterminé par des taux figés. Il s'est aussi interrogé sur la capacité de ces organismes à assurer correctement leur rôle de mutualisation et s'est appuyé sur l'exemple des OPCA pour estimer qu'il convenait de fixer les objectifs de la politique de formation professionnelle avant de définir son ampleur, ses circuits, ses dispositifs et son financement.

Soulignant ensuite la multiplicité des acteurs de la formation professionnelle, M. Claude Thélot a jugé nécessaire de renforcer leur coordination, au niveau des régions notamment. En effet, ces dernières sont appelées, dans le cadre de la décentralisation, à définir des stratégies de développement de la formation professionnelle, en articulation avec les prescripteurs de formation. Puis il s'est interrogé, au regard du nombre et de la diversité des prestataires, sur la qualité de l'offre de formation, sa flexibilité et sa capacité à répondre aux besoins. Il a considéré que, compte tenu de la place de l'offre de formations dans le système et de la difficulté de cerner la demande, la formation professionnelle continue risquait de se présenter comme une économie d'offre consistant à proposer au public une importante masse de formations, indépendamment du nécessaire questionnement sur les objectifs visés.

a indiqué, par ailleurs, que les critères d'évaluation de la formation ne pouvaient être les mêmes pour les salariés et les demandeurs d'emploi. Pour ces derniers, il s'agit d'évaluer les résultats en termes de reprise d'emploi, en prenant en compte le délai du retour à l'emploi et la qualité de l'emploi obtenu, mesurés en particulier en fonction de la nature du contrat de travail. De ce point de vue, il a indiqué qu'une étude de la Cour des comptes sur les contrats aidés, réalisée à la demande de la commission des finances du Sénat, montrait que seuls les dispositifs comprenant des actions de formation professionnelle se révélaient véritablement efficaces.

En ce qui concerne la formation des salariés, rappelant l'inégalité, l'accès à la formation variant selon le niveau de qualification et la taille de l'entreprise, mentionnant les résultats insuffisants à cet égard de la mutualisation opérée par les OPCA, évoquant la nécessité de prévenir le risque que la décentralisation ne débouche sur des inégalités territoriales nouvelles, préconisant enfin le renforcement du taux d'accès des personnes les moins qualifiées, il a estimé que l'évaluation devait mesurer le bénéfice de la formation aussi bien pour l'entreprise que pour le salarié, même si, en ce qui concerne ce dernier, le lien entre la formation et la progression de carrière est aujourd'hui complexe à analyser, dans la mesure où les entreprises ont tendance à proposer les formations les plus efficaces aux salariés dont elles envisagent la promotion ou le changement de poste.

Alors que la formation continue n'est toujours pas parvenue à compenser les insuffisances de la formation initiale, il a suggéré de développer les formations conduisant à un diplôme, afin d'asseoir la reconnaissance sociale de la formation professionnelle continue et d'en faire un relais crédible de la formation initiale.

S'interrogeant enfin sur le rôle de l'Etat dans la politique de formation professionnelle dans le contexte de la décentralisation, il a souhaité que celui-ci soit le garant de la qualité des formations sur l'ensemble du territoire en définissant des objectifs nationaux, spécialement en termes d'égalité de traitement, tout en trouvant un point d'équilibre entre le souci de proximité et l'exigence de lisibilité.

A l'issue de cette intervention, un large débat s'est engagé.

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