Intervention de Gérard Larcher

Mission commune d'information sur le fonctionnement des dispositifs de formation professionnelle — Réunion du 7 février 2007 : 1ère réunion
Audition de M. Gérard Larcher ministre délégué à l'emploi au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes

Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes :

s'est tout d'abord félicité de la création de la mission sénatoriale et a souhaité que ses travaux puissent « faire date ». Puis il a introduit son exposé liminaire en rappelant l'importance fondamentale de la formation professionnelle pour les hommes, pour les entreprises et pour l'avenir de notre pays.

Il a précisé son propos en indiquant que pour les salariés, les demandeurs d'emploi ou les jeunes qui veulent entrer dans le monde du travail, la formation professionnelle était un « sésame » indispensable. Il a noté que la formation représentait non seulement la garantie d'une pratique professionnelle ainsi que d'une adaptation aux évolutions du métier, mais encore la possibilité d'un nouveau départ, d'un développement personnel ou d'un projet de carrière. Il a prôné une meilleure prise en compte des « seniors », en constatant qu'après quarante-cinq ans, l'investissement dans la formation professionnelle est insuffisant, et en rappelant que cette situation est en partie imputable à la logique des départs en préretraite, qui sévit dans le monde du travail depuis une trentaine d'années.

Pour les entreprises, a-t-il poursuivi, la formation professionnelle signifie l'adaptation à des technologies nouvelles, à une économie en mouvement et à l'apparition de nouveaux marchés.

Puis il a souligné, pour notre pays, la contribution de la formation professionnelle au développement de l'emploi, ainsi qu'à une économie et une société plus fortes, dans lesquelles « chacun doit pouvoir trouver sa chance ». Il a conclu cette première série de remarques en faisant observer que la formation constituait une véritable « sécurité sociale professionnelle » avant d'indiquer qu'aujourd'hui, la formation professionnelle est devenue essentielle en raison de l'ampleur et de la rapidité des bouleversements de l'environnement professionnel et de l'intensification de la concurrence.

Rappelant qu'il y a une ou deux générations, on apprenait souvent un métier que l'on allait pratiquer pendant toute sa vie (la plupart du temps au sein de la même entreprise), il a indiqué que désormais, les jeunes qui entrent sur le marché du travail, comme d'ailleurs les salariés en poste, changeraient plusieurs fois, dans leur vie professionnelle, d'entreprises, de métiers, et parfois de lieux de vie. Il a souligné, face à cette mobilité accrue, la nécessité d'une formation tout au long de la carrière en ajoutant, qu'en conséquence, les entreprises doivent désormais considérer la formation professionnelle non seulement comme un investissement, mais plus encore comme une condition essentielle de leur développement.

Puis il a présenté les grandes lignes de l'action du Gouvernement, en rappelant qu'il y a environ deux ans, notre système de formation professionnelle souffrait encore particulièrement d'un certain nombre d'insuffisances et de dysfonctionnements. Il a cité, à cet égard, les inégalités d'accès à la formation, les responsabilités insuffisamment définies, ainsi que le décalage entre les formations et les besoins des entreprises et des hommes.

Il a indiqué que ce constat avait conduit les partenaires sociaux à la signature d'un accord national interprofessionnel relatif à l'accès des salariés à la formation tout au long de la vie professionnelle le 5 décembre 2003, prolongé par le vote de la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social.

Il a fait observer que cette réforme avait consacré le rôle fondamental de l'individu dans la construction de ses compétences - « on ne se forme pas sans projet » - et l'émergence des notions de professionnalisation et de résultat comme élément structurant des dispositifs de formation. Il a précisé que des responsabilités accrues avaient été confiées aux branches professionnelles dans la définition et la mise en oeuvre des politiques de formation et que des moyens supplémentaires leur avaient été accordés, notamment par l'instauration d'une « fongibilité » entre les dispositifs.

Puis il a détaillé les éléments fondamentaux de cette loi en évoquant :

- tout d'abord, le droit individuel à la formation, qui offre au salarié un temps de formation de vingt heures par an, cumulables sur six ans ;

- puis la rénovation du plan de formation, dont l'architecture distingue désormais les actions d'adaptation au poste de travail, les actions liées à l'évolution des emplois ou participant au maintien dans l'emploi et le développement des compétences ;

- et enfin, les périodes de professionnalisation, qui concernent en particulier les salariés à faible qualification, et qui visent à l'acquisition d'une qualification reconnue. Il a également mentionné la mise en place du contrat de professionnalisation, c'est-à-dire d'un dispositif d'alternance plus particulièrement conçu pour les jeunes.

Il a également évoqué d'autres dispositifs, comme la généralisation des bilans de compétences, les entretiens professionnels, le développement du tutorat et le développement de la validation des acquis de l'expérience, qui permet d'obtenir un diplôme « classique » grâce aux compétences acquises au sein de l'entreprise et à l'optimisation de l'orientation professionnelle.

Il a ensuite insisté sur le droit individuel à la formation (Dif), décidé à l'unanimité des partenaires sociaux, en soulignant qu'en dépit des critiques qu'il suscite, ce dispositif constitue une véritable révolution fondée sur la philosophie du « salarié-acteur » de sa formation et de sa carrière.

Le ministre a rappelé qu'en raison de la mise en place récente de ce dispositif, seul 1,3 % des salariés avaient pu, en 2005, faire usage de leur droit individuel à la formation. Il a en revanche chiffré à 9 % cette proportion, selon les chiffres provisoires élaborés pour 2006, en précisant que 28 % des PME auraient fait l'objet d'une demande de DIF pour cette même année. Il a ainsi constaté que le droit individuel à la formation était un dispositif en plein développement, plébiscité par un grand nombre de salariés et de chefs d'entreprise, et que l'année 2007, qui permettra aux salariés de cumuler soixante heures de formation, serait essentielle pour juger de sa montée en puissance.

Indiquant que la réforme de 2004 a renforcé la valeur ajoutée de notre système de formation, il a fait observer que tous les outils, y compris l'apprentissage, avaient été mobilisés au profit de la bataille pour l'emploi. Il a rappelé que le taux de chômage se chiffrait aujourd'hui à 8,6 %, en baisse de 10 % en 2006, et que ce progrès avait notamment été rendu possible par la conclusion de plus de 400 000 contrats d'apprentissage en 2006, de 140 000 contrats de professionnalisation, et grâce à l'engagement des branches professionnelles ainsi que des entreprises dans la formation.

Observant cependant que notre système de formation professionnelle demeure perfectible, le ministre a livré quelques réflexions tendant à ce qu'elle puisse véritablement bénéficier à ceux qui en ont le plus besoin.

Il a tout d'abord rappelé que les moyens consacrés à la formation professionnelle et à l'apprentissage étaient considérables, puisqu'ils représentent environ 24 milliards d'euros (dont près de 4 milliards pour l'apprentissage) et a précisé leur répartition : 22 % sont pris en charge par l'Etat, 11 % par les régions, et 45 % par les entreprises, le reste étant pris en charge par les collectivités publiques en tant qu'employeurs, l'Unedic et les ménages. Soucieux de renforcer l'efficacité de l'utilisation de telles sommes, le ministre a évoqué « les trésors d'énergie et de diplomatie » qu'il avait dû déployer pour obtenir qu'une petite fraction de ces moyens soit consacrée aux catégories de public aujourd'hui délaissées que sont notamment les jeunes et les salariés victimes de mutations économiques. Il a illustré son propos en évoquant la réussite des efforts consentis pour reconvertir les salariés d'une unité de l'entreprise Thomson, à Bagneaux-sur-Loing (Seine-et-Marne), d'une activité de fabrication de verres pour les écrans cathodiques dans celle de la verrerie automobile.

Il a ensuite signalé le cas des demandeurs d'emplois non indemnisés, pour lesquels le Gouvernement a décidé de consacrer 10 millions d'euros afin de financer la validation des acquis de leur expérience. Puis il a annoncé des mesures d'encouragement à la formation en faveur des femmes occupant des emplois à temps partiel « subis », en précisant que la situation était plus satisfaisante dans le domaine du travail intérimaire.

Il a par ailleurs rappelé que la complexité de notre système était imputable à la multiplicité d'acteurs, de dispositifs et de sources de financement, ce qui amène à réfléchir à une simplification et une optimisation indispensables. Il s'est dit persuadé que l'on peut « dépenser mieux, et moins, en changeant de logique », c'est-à-dire en mettant le bénéficiaire plutôt que les structures au centre du système, en affectant des moyens prioritaires aux personnes dont la formation initiale est faible ou à ceux qui se trouvent dans des secteurs en mutation accélérée. Il a jugé nécessaire d'inventer, à leur intention, un véritable « droit de tirage » sur le système de formation.

Enfin, il lui a semblé important de réfléchir au développement de l'articulation entre formation initiale et formation continue, cette dernière devant être un véritable prolongement de l'école et de l'enseignement supérieur. A cet égard, il a en particulier souhaité que les « universités s'emparent du droit individuel à la formation » en faisant référence aux pratiques britanniques d'« allers et retours » entre l'université et l'entreprise.

Puis le ministre a souhaité que l'ensemble de ces analyses puisse s'incarner dans des mesures concrètes, en suggérant trois priorités :

- remédier aux insuffisances de la transférabilité du droit individuel à la formation, a minima au sein de la même branche, alors que la « portabilité » de ce droit est aujourd'hui trop limitée dans un monde du travail en perpétuelle évolution ;

- améliorer l'articulation entre les régions et les branches, en favorisant un regroupement des grands réseaux d'organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) ;

- et enfin, renforcer le système de pilotage national, pour écarter le risque d'accroître les inégalités que pourraient susciter des mécanismes de régulation exclusivement régionalisés.

Rappelant qu'il appartient aux partenaires sociaux et aux régions de se saisir de ces sujets qui relèvent de leur compétence, avec l'appui de l'Etat, le ministre a souligné la nécessité d'une prise de conscience collective. Il a conclu en estimant prioritaire d'enclencher un « Grenelle de la formation professionnelle » pour contribuer à approfondir la « sécurisation » des parcours professionnels.

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