Intervention de Jean-Paul Bailly

Commission des affaires économiques — Réunion du 29 mars 2006 : 1ère réunion
Entreprises publiques — La poste - Audition de M. Jean-Paul Bailly président de la poste M. Patrick Werner président du directoire de la banque postale et M. Jacques Savatier directeur des affaires territoriales et du service public

Jean-Paul Bailly, président de La Poste :

a rappelé que La Poste traversait une période de profonde réorganisation, afin de se démarquer des pratiques administratives et de se transformer en un groupe compétitif dans le domaine industriel, mais aussi dans celui des services.

Il a considéré que chacun des quatre métiers de La Poste (courrier, colis et express, banque et réseau) obéissait à une dynamique de transformation et de développement, guidée par trois principes : réactivité, responsabilité et conduite du changement, et fondée sur une méthode : celle du dialogue, aussi bien territorial que social, de grands accords nationaux ayant été passés pour définir les conditions générales du développement de ces secteurs d'activité et ayant donné lieu à des déclinaisons locales.

Concernant le premier métier de La Poste, le courrier, il a insisté sur le grand retard de modernisation qu'avait accumulé La Poste, alors même que 43 % du chiffre d'affaires de ce secteur était ouvert à la concurrence et, qu'en outre, le développement des nouvelles technologies représentait une forme supplémentaire de concurrence. Estimant vitale la modernisation, il a rappelé qu'elle était en cours et prenait la forme à la fois d'un programme de développement industriel et d'une refonte de la gamme commerciale. Après avoir fait valoir que La Poste était engagée dans un grand programme d'investissements pour le courrier à hauteur de 3,4 milliards d'euros entre 2003 et 2010, il a précisé que le déploiement régional de ce programme était bien avancé puisque les conditions de faisabilité (aux plans local, social, immobilier...) étaient réunies pour la moitié des régions françaises.

S'agissant du colis et de l'express, M. Jean-Paul Bailly, président de La Poste, a rappelé l'importance de ce secteur pour La Poste, puisqu'il dégageait un chiffre d'affaires supérieur à 4 milliards d'euros. Il a souligné la croissance exponentielle que connaissait ce secteur -le nombre de colis s'étant accru de 30 % depuis l'an dernier pour La Poste- en raison du développement du commerce électronique. Il a considéré qu'étant donné l'enjeu, il importait, pour La Poste, de développer de vrais partenariats avec les sites de « e-commerce » pour intégrer l'ensemble du processus jusqu'au client final, comme cela se faisait déjà dans de nombreux pays.

Dans l'express, essentiellement utilisé pour les échanges entre entreprises, il a noté que le marché était de dimension mondiale ou, au minimum, européen et qu'il était donc nécessaire de disposer au moins d'un réseau intégré au niveau européen pour répondre à la demande des entreprises. A ce titre, il s'est félicité que La Poste, comme ses concurrentes allemande et hollandaise, disposât d'un tel réseau, grâce aux 15.000 employés qu'elle déployait dans ce métier hors de France, et détînt 10 % du marché européen.

Evoquant ensuite la Banque postale, il a fait observer que la bascule des services financiers vers la Banque postale représentait un défi considérable en termes de système d'information, de système de contrôle des risques et de changement de comptabilité, défi qu'il a jugé plus lourd que la réunion des bascules à l'euro et à l'an 2000. Il s'est donc réjoui de la réussite de l'opération au 1er janvier 2006. Il a également estimé que la communication générale du groupe sur cette transformation avait été bonne, alors même qu'il était délicat de situer la Banque postale dans la continuité des services financiers tout en créant un appétit des clients pour la nouveauté.

Sans vouloir tirer trop tôt un bilan des premiers pas de la Banque postale, il a simplement mentionné les objectifs du plan d'affaires tracé jusqu'en 2010 : accroître la part des clients pour lesquels la Banque postale est la banque principale (aujourd'hui au nombre de 8,5 millions), augmenter de 30 % le produit net bancaire à gamme de produits financiers identique et développer la politique commerciale en direction des jeunes et des clients patrimoniaux, tout en restant une banque pas comme les autres, c'est-à-dire en maintenant une présence en zone urbaine sensible, une tarification parmi les moins chères et des produits simples et garantis.

Il a relevé que, pour l'instant, le développement de la Banque postale se situait dans la ligne du plan d'affaires grâce au succès de la nouvelle gamme d'assurance-vie lancée par La Poste, à l'accroissement du flux de crédits immobiliers, La Poste étant désormais habilitée à en distribuer sans épargne préalable, et aux demandes nouvelles d'ouverture de comptes.

Faisant un aparté sur l'évolution actuelle du monde bancaire, il a fait observer l'émergence de grands champions dotés de réseaux européens et assumant le rôle de banques universelles, et non seulement de détail. Relevant que la Banque postale n'était toujours pas autorisée à distribuer du crédit à la consommation ni de l'assurance-dommages, il a considéré qu'un élargissement complet de la gamme s'imposait, dès que les conditions posées par la loi seraient remplies, afin de mettre un terme à cet anachronisme.

Evoquant le livret A, il a tenu à insister sur son caractère fondamental dans l'équilibre de la Banque postale aujourd'hui. Il a indiqué qu'en raison de ses spécificités, le livret A avait pu valablement être présenté par La Poste à la Commission européenne comme un « service d'intérêt économique général » (SIEG) et a souligné qu'il existait un compte du livret A, qui était tout juste à l'équilibre avec une commission de 1,5 % et était aujourd'hui en perte d'un peu plus de 100 millions d'euros avec le nouveau taux de 1,3 %, attestant que la distribution par La Poste du livret A ne représentait pas une aide d'Etat.

Il a fait observer que le livret A distribué par La Poste présentait des caractéristiques qui le distinguaient des autres livrets :

- d'une part, en raison de l'obligation, pesant sur La Poste, d'ouvrir un tel livret à quiconque le demande, alors même que d'autres acteurs distribuant le livret A peuvent le refuser ;

- d'autre part, du fait de la très grande accessibilité de ce livret grâce à la présence physique de La Poste dans les zones urbaines sensibles, où elle compte 1.500 points de contact ;

- enfin, à cause du caractère très populaire de sa clientèle, 13 millions des 23 millions de livrets A ayant un encours moyen inférieur à 150 euros et effectuant la moitié des opérations.

Il a donc relevé que, si le financement de La Poste à hauteur de 1,3 % était à proportion des encours, il ne fallait pas négliger le fait que la Banque postale gérait en fait quasi gratuitement la moitié des livrets A, dont la somme ne représentait que 0,7 % de l'encours global. Il a donc mis en garde contre les risques d'une banalisation brutale du livret A qui serait à la fois redoutable pour la cohésion sociale, en développant l'exclusion bancaire, dramatique pour la Banque postale et son équilibre, puisqu'une remise en cause des commissions qu'elle percevait au titre de la distribution du livret A risquait de la priver de huit points d'exploitation, et enfin coûteuse pour les finances publiques. Il en a conclu qu'il s'agissait d'un enjeu majeur pour la Poste, que ces arguments avaient été dûment exposés à la Commission européenne et qu'ils avaient été entendus lors des échanges qui ont précédé la création de La Banque postale.

en est ensuite venu à faire le point sur l'évolution du réseau postal. Il a fait état de la réorganisation des objectifs, du discours et des méthodes engagées en 2004 pour s'adapter aux nouveaux besoins des Français. Il a confirmé son souhait de mener cette évolution en concertation avec les élus locaux mais aussi de la rendre pérenne en en affermissant le financement grâce à une amélioration du chiffre d'affaires et en accroissant l'efficacité du réseau, sans diminuer les effectifs consacrés à l'accueil de la clientèle.

Il a également fait part de l'indispensable modernisation du réseau, en grande partie vétuste, engagée depuis la fin de l'année 2005 et prévue pour concerner 1.000 bureaux par an.

S'agissant de la nature des points de contact postaux, il en a dénombré 17.004, soulignant que ce nombre dépassait de 40 celui de l'an dernier. Il a notamment détaillé la répartition des 3.671 points de présence postale répondant à une structure partenariale : 2.339 agences postales communales, soit 600 de plus que l'an dernier, 848 points poste, soit 350 de plus que l'an dernier, et 480 agences postales, chiffre en diminution en raison de la vocation de telles agences à disparaître.

Il a fait valoir l'approche très fluide adoptée par son groupe dans la gestion de l'évolution du réseau : ainsi, a-t-il noté, il a même été créé 70 bureaux de poste l'an dernier, là où des agences postales enregistraient une forte activité. Il a fini cette présentation en rappelant que, dans l'ensemble de ces structures partenariales, était offerte la totalité du service universel postal, mises à part les valeurs déclarées que des raisons de sécurité empêchaient de confier à des commerçants ou à des agents communaux, et en faisant état des pistes d'amélioration du service offert dans ces structures (plus larges possibilités de retrait ou de dépôt, en réponse à des demandes spécifiques, élargissement de la gamme de produits offerte notamment aux prêt-à-poster, installation de terminaux de paiement électroniques).

a conclu par un bilan de la mise en oeuvre de la loi n° 2005-516 du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales. Il a évoqué quatre décrets en cours de finalisation, les deux premiers étant soumis au Conseil d'Etat, concernant : la contribution de La Poste à l'aménagement du territoire, les caractéristiques du service universel postal, le fonctionnement des commissions départementales de présence postale territoriale (CDPPT) et celui du fonds de péréquation. Par ailleurs, il a fait état du travail engagé avec les présidents de l'Association des maires de France et de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques (CSSPPCE) pour la mise en place d'un observatoire du service postal.

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