Intervention de Philippe Marini

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 5 novembre 2009 : 2ème réunion
Débat d'orientation

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini, rapporteur général :

a indiqué, à titre liminaire, les têtes de chapitre de son intervention : les questions de calendrier, les problèmes posés par la dénomination des prélèvements créés en remplacement de la taxe professionnelle, le renforcement du lien entre le territoire et les entreprises, le barème de la nouvelle contribution sur la valeur ajoutée, la répartition de cette contribution entre les niveaux de collectivités et, enfin, la dissociation de l'impôt foncier sur les entreprises et de l'impôt foncier sur les ménages.

En ce qui concerne le calendrier de la réforme de la taxe professionnelle, il a estimé que plusieurs arguments majeurs plaident en faveur du vote de la réforme dans son ensemble dès le projet de loi de finances pour 2010, même si seul le volet « entreprises » est applicable dès 2010 alors que le volet « collectivités territoriales » ne doit entrer en vigueur qu'à compter de 2011 :

- il n'est pas possible en effet de maintenir les collectivités territoriales dans l'incertitude : la lourdeur de la mise en oeuvre de la réforme des finances locales nécessite qu'elle soit votée en amont de sa mise en application ; l'option qui consisterait à voter la réforme dans un an, avec une mise en application dès le 1er janvier 2011, ferait peser des lourdes incertitudes sur les budgets des collectivités territoriales de 2011 ;

- il est nécessaire de sécuriser constitutionnellement la réforme : en 2010, l'Etat versera exceptionnellement 31 milliards d'euros aux collectivités territoriales pour compenser la disparition de la TP, ce qui constitue une « entorse » au principe d'autonomie financière prévu par la loi organique du 29 juillet 2004, prise en application de l'article 72-2 de la Constitution. Or, cette entorse ne peut être acceptable pour le Conseil constitutionnel que si le texte prévoit également les modalités d'un retour au respect de la règle constitutionnelle d'autonomie financière. Le fait de ne voter que la disparition de la taxe professionnelle sans avoir de garanties pour le retour, à partir de 2011, au respect du principe d'autonomie financière des collectivités territoriales, ferait peser un grand risque de censure de la loi par le Conseil constitutionnel.

En conséquence, M. Philippe Marini, rapporteur général, a préconisé de scinder l'article en deux, conformément aux règles prévues par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), avec en première partie de la loi de finances, les règles applicables dès 2010, c'est-à-dire la suppression de la TP pour les entreprises et, en seconde partie, l'application, à partir de 2011, de la réforme des finances locales. Cette scission donnera non seulement au Gouvernement le temps de fournir des simulations détaillées sur les effets de la réforme telle que votée par l'Assemblée nationale, et, au Sénat, une quinzaine de jours supplémentaires pour améliorer la partie de la réforme relative aux collectivités territoriales.

a ensuite estimé que l'intitulé des deux nouveaux impôts qui composent la contribution économique territoriale est perfectible. S'agissant de la cotisation locale d'activité (CLA), le caractère d'impôt sur l'activité n'est véritablement pertinent que pour les professions libérales taxées sur leurs recettes alors que, pour la grande majorité des entreprises, elle frappera les locaux commerciaux et industriels et son montant sera déconnecté des fluctuations de l'activité.

Quant à la cotisation complémentaire, elle sera assise sur une assiette valeur ajoutée et, pour les entreprises, elle pèsera plus lourd que la CLA. En ce qui concerne les collectivités territoriales, son produit sera certes complémentaire de celui des autres impôts dans leurs budgets sans que cette caractéristique soit cependant vraiment spécifique par rapport aux autres prélèvements.

a émis des suggestions en proposant de remplacer la « cotisation locale d'activité » par la « cotisation foncière des entreprises » et la cotisation complémentaire par la « cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ».

En ce qui concerne le renforcement du lien entre le territoire et les entreprises, il a rappelé que, dans le projet initial du Gouvernement, l'assiette était déterminée en fonction d'une clef « macro-économique », dans une logique de dotation (la valeur ajoutée constituant un solde comptable calculé au niveau de l'entreprise) et que le produit obtenu était ensuite réparti entre les collectivités concernées selon trois critères pondérés (40 % pour le nombre de salariés, 20 % pour le foncier, et 40 % pour la population). Cependant, l'Assemblée nationale a opté pour une clef « micro-économique », avec une assiette déterminée localement en fonction des effectifs salariés. Ainsi, pour les entreprises qui disposent de plusieurs établissements, la valeur ajoutée est ventilée entre les communes, au niveau de chaque établissement, selon deux critères : un tiers pour les immobilisations industrielles, de façon à donner une prime aux collectivités qui accueillent des équipements qui engendrent le plus de nuisances pour les populations, et deux tiers pour les effectifs.

Estimant que cette approche, qui a l'avantage de territorialiser l'impôt et de permettre aux collectivités de percevoir un produit en relation avec leurs bases réelles n'est pas sans risque, M. Philippe Marini, rapporteur général, a marqué sa préférence pour un système mixte fondé sur :

- un impôt territorialisé pour les communes et leurs groupements, qui sont les collectivités les plus proches des bases imposables et des entreprises, en termes de bassin d'emplois, de bénéfice local par les richesses créées, de charges financières ou de nuisances éventuelles ;

- et une clef macroéconomique pour les départements et les régions, afin de stabiliser leurs ressources.

Puis, il a abordé la question du barème de la contribution sur la valeur ajoutée.

La territorialisation, dans l'esprit des députés, comporte deux volets : la localisation de la valeur ajoutée au niveau de l'établissement et donc de chaque commune, mais également l'extension à la cotisation sur la valeur ajoutée de toutes les exonérations existant aujourd'hui pour la taxe professionnelle, de manière à ne pas supprimer l'« avantage comparatif » des territoires situés dans des zonages d'aménagement du territoire ou de politique de la ville, ainsi que de l'outre-mer.

Si le Sénat confirme ce choix, il faudra maintenir dans le texte les outils permettant de localiser la valeur ajoutée dans les territoires exonérés.

S'agissant des effets de la territorialisation sur le barème - ce point est très important et très sensible car il a suscité, à l'Assemblée nationale, la polémique autour de l'« amendement Laffineur » - les constats suivants peuvent être faits :

- le barème progressif « coûte » environ deux milliards d'euros aux collectivités territoriales, correspondant à l'écart entre le produit du barème progressif et le produit qui résulterait de l'application du taux normal de 1,5 % à toutes les entreprises. Ces deux milliards de recettes fiscales en moins se retrouvent néanmoins dans la compensation budgétaire versée aux collectivités territoriales ;

- dans une commune, une même valeur ajoutée ne sera pas taxée au même taux selon le niveau de chiffre d'affaires de l'entreprise qui la produit ;

- compte tenu de la réduction forfaire de 1 000 euros accordée aux entreprises de moins de 2 millions d'euros de chiffre d'affaires, les entreprises ne commenceront pas à acquitter l'impôt à compter de 500 000 euros de chiffre d'affaires, comme le prévoit théoriquement le barème, mais à partir d'environ un million d'euros ; paradoxalement, le barème prévu par « l'amendement Laffineur » aurait aggravé l'impact de ce mécanisme de franchise puisqu'il portait la réduction à 1 500 euros et l'étendait aux entreprises de moins de 5 millions d'euros de chiffre d'affaires.

Par conséquent, la réforme est défavorable aux collectivités dont le tissu économique est constitué plutôt de petites entités, ce qui conduit à proposer deux pistes à étudier : faire effectivement payer l'impôt dès 500 000 euros de chiffre d'affaires, pour réaffirmer la réalité du lien entre entreprises et territoires ; trouver le moyen que les ressources des collectivités dépendent de la valeur ajoutée produite sur leur territoire, sans être pénalisées par la taille des entreprises qui la produisent.

En ce qui concerne la répartition de la cotisation sur la valeur ajoutée, M. Philippe Marini, rapporteur général, a rappelé que, dans le projet initial du Gouvernement, les recettes fiscales des communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), apportées en remplacement de la disparition de la part « investissement » de la taxe professionnelle, étaient pour leur quasi-totalité constituées d'impôts ménages, le « bloc communal » récupérant ainsi la taxe d'habitation perçue par les départements pour un montant total de 5 milliards d'euros ainsi que la part Etat des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) pour 400 millions d'euros.

Dans le texte issu des délibérations de l'Assemblée nationale, une redistribution des recettes fiscales est prévue afin d'aboutir à des paniers plus équilibrés entre impôts-ménages et impôts-entreprises : alors que la cotisation complémentaire sur la valeur ajoutée était répartie exclusivement entre l'échelon départemental (pour 75 %) et l'échelon régional (pour 25 %), une part de 20 % de cotisation complémentaire est dorénavant réservée aux intercommunalités, en échange de l'attribution aux départements d'une part de taxe foncière sur les propriétés bâties régionale, des frais d'assiette et de recouvrement des taxes foncières et de la part Etat des DMTO.

a proposé d'augmenter encore la part de cotisation complémentaire sur la valeur ajoutée qui serait réservée aux EPCI, l'objectif à atteindre étant de retrouver, après la réforme, pour les EPCI comme pour les départements et régions, un produit de cotisation sur la valeur ajoutée équivalent en proportion du total des recettes fiscales de ce que représentait la part équipements et biens immobiliers (EBM) de la taxe professionnelle.

Estimant à au moins 40 % la perte de recettes liée au passage de la valeur ajoutée à la cotisation complémentaire, soit environ 4 milliards d'euros (alors que le texte de l'Assemblée nationale en procure 2,1 milliards), il a évoqué l'idée, sous réserve d'une étude de faisabilité approfondie, de passer de 20 % à 35 % au moins la part de cotisation complémentaire sur la valeur ajoutée réservée aux EPCI. En compensation, le « panier » des autres catégories de collectivités, départements et régions, serait rééquilibré en leur rendant :

- soit une part plus significative d'impôts ménages, comme la taxe d'habitation pour les départements ;

- soit certains des impôts nouveaux dont les recettes sont affectées aux EPCI, comme la taxe sur les surfaces commerciales ou l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER).

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