Intervention de Robert Badinter

Réunion du 16 mai 2006 à 21h30
Réforme des successions et des libéralités — Article 1er

Photo de Robert BadinterRobert Badinter :

Je reconnais volontiers être pessimiste. Trente ans de vie professionnelle et vingt-cinq ans de vie publique n'ont pas suscité chez moi un optimisme particulier sur la nature humaine, qu'il faut tempérer par de bonnes lois et de bonnes institutions. Je suis non pas rousseauiste, mais disciple de Montesquieu et de Condorcet. Je ne partage donc pas la vision irénique du mandat à effet posthume que vous nous avez présentée.

Cette disposition, que le Sénat s'apprête à adopter, n'est pas le remède s'agissant de la survie des entreprises, et là est le problème. Loin d'apporter la solution, vous allez créer des difficultés supplémentaires. Je suis convaincu que fortune s'accroîtra pour les donneurs de conseils ou pour ceux qui plaident. C'est pour moi une évidence. Que cette disposition soit un nid à procès en est une autre.

S'il s'agit, monsieur le président de la commission des lois, de protection légitime des mineurs incapables, des handicapés, etc., je souligne que nous disposons déjà d'un nombre considérable de techniques, que nous allons d'ailleurs opportunément compléter avec le pacte successoral. Si vous avez à ce point des doutes sur le régime des tutelles, qui est le régime normal des mineurs et des majeurs incapables, alors, rénovons-le, ajustons-le et orientons-nous vers une sorte d'exécuteur testamentaire, de fidei, à cet effet pour ces personnes.

Mais on me dit que ce mandat à effet posthume permettra d'éviter la liquidation des entreprises, et j'entends M. le garde des sceaux évoquer l'exemple des grandes sociétés du CAC 40 pour se féliciter de la façon dont les choses se déroulent : l'entrepreneur ou le président du conseil d'administration désignerait son successeur, et tout le monde en serait satisfait. Soyons sérieux, ce n'est certainement pas le président sortant, ni l'héritier, qui nomme le successeur !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion