Intervention de François d'Aubert

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 4 novembre 2010 : 1ère réunion
Audition de M. François d'auBert délégué général à la lutte contre les territoires et juridictions non coopératifs

François d'Aubert, délégué général à la lutte contre les territoires et juridictions non coopératifs, président du groupe d'évaluation des juridictions non coopératives de l'OCDE :

Je suis sensible à votre invitation : il est important que le Parlement suive de près la question de paradis fiscaux. Les conventions internationales seraient sans doute meilleures si l'exécutif ressentait la pression de l'examen parlementaire ! En effet, certaines clauses mériteraient d'être améliorées d'un point de vue rédactionnel.

La volonté exprimée au G20 de Londres a connu une traduction juridique avec la signature de près de 600 conventions de double imposition et accords d'échanges de renseignement. Les pays entrent ainsi dans le système de discipline collective mis en place dans le cadre du Forum mondial sur la fiscalité, rénové il y a un an à Mexico.

Le secrétariat de l'OCDE avait communiqué au G20 une liste noire, une liste grise et une liste blanche, cette dernière recensant les pays qui avaient fait un effort pour améliorer la transparence et l'échange de renseignements, en dépit d'une certaine lenteur. Il faut dire que sous George W. Bush, les États-Unis n'ont guère encouragé le système d'échange multilatéral, tout en signant des accords bilatéraux exigeants.

La liste blanche s'est aujourd'hui allongée. Au 19 octobre 2010, dix juridictions restaient encore sur liste grise, qu'il s'agisse de paradis fiscaux, de type « tax heavens », ou de type « financial center ». Pour être inscrit sur la liste blanche, il suffit d'avoir signé douze conventions, quels que soient les partenaires : on a ainsi vu fleurir des conventions de complaisance, par exemple entre Monaco et les Iles Féroé... Il n'y a plus de liste noire, et la liste grise s'épuise : Belize a déjà signé onze conventions ; le Vanuatu, Nioué et Nauru en sont proches. Le passage en phase 2 n'a été refusé qu'au Botswana et au Panama, qui a fait l'objet d'un rapport sévère.

L'évaluation concerne 95 pays qui ont accepté de subir un contrôle par leurs pairs. Elle porte sur la transparence et l'échange de renseignements. Parmi les dix critères retenus figurent la conclusion des conventions et accords avec des partenaires pertinents, le secret bancaire, les dispositifs comptables, l'identification des bénéficiaires et propriétaires. L'information existe-t-elle ? L'administration fiscale peut-elle se faire communiquer des renseignements par les banques ? L'évaluation donne lieu à d'éventuelles recommandations. C'est un moyen de pression sur les juridictions non coopératives.

Le système fonctionnant par consensus, les 95 pays doivent adopter les rapports qui conduisent à noter les pays, provoquant ainsi la crainte qu'un rapport sur un autre pays ne fasse jurisprudence... Le Panama, qui ne voulait pas être cité dans le rapport final, n'a pas eu gain de cause.

L'ambition est de traiter 40 pays par an, afin d'avoir achevé la phase 1 en 2012. Il n'y a pas de consensus pour recourir au naming and shaming d'une nouvelle liste noire stigmatisante, mais les États fautifs sont identifiés. Les pays gèrent en outre leurs propres listes noires selon des critères différents : si le Brésil ne liste que les États coupables de dumping fiscal, d'autres retiennent le critère plus large du défaut de transparence.

Les conventions bilatérales font souvent preuve d'originalité, mais toutes respectent à la lettre l'article 26 du modèle de convention de suppression des doubles impositions de l'OCDE. De nombreux pays ont pris des mesures internes pour limiter la protection du secret bancaire à usage fiscal. L'échange d'informations est le plus souvent à la demande, et non automatique, sauf avec certains pays de l'Union européenne, ou avec les anciennes possessions britanniques comme les Iles Caïmans : on est loin de l'anonymat !

Le Foreign Account Tax Compliance Act (FATCA), voté par les États-Unis, vise à « capturer » cinq millions de contribuables américains : il demande à tous les établissements financiers d'opérer un prélèvement à la source de 30 % sur les revenus de leurs clients américains, sauf s'ils communiquent leur identité et consentent à un échange automatique d'informations avec l'Internal Revenue Service (IRS).

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