Intervention de François d'Aubert

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 4 novembre 2010 : 1ère réunion
Audition de M. François d'auBert délégué général à la lutte contre les territoires et juridictions non coopératifs

François d'Aubert, délégué général à la lutte contre les territoires et juridictions non coopératifs, président du groupe d'évaluation des juridictions non coopératives de l'OCDE :

Ce système du Forum mondial - et non de l'OCDE, même si l'organisation internationale en assume le secrétariat - est souple et repose sur une libre adhésion. Il regroupe aujourd'hui 95 pays, chacun contribuant aux dépenses de fonctionnement selon son niveau de PNB - la France cotise à hauteur de 100 000 euros - et certains pays n'auraient pas accepté le contrôle s'il avait pris une autre forme qu'une évaluation par les pairs. Il n'y aurait rien eu s'il n'y avait pas eu ce système, fondé sur le consensus, inspiré des méthodes de l'OCDE...

Les écarts de doctrines fiscales, le flou sémantique nous ralentissent aussi, bien sûr. Il y a les nuances, les différences de qualification juridique : ce qui est une « soustraction fiscale » en Suisse, autrement dit une évasion, sera considéré en France comme une fraude fiscale, etc. Si nous avons les moyens techniques de connaître l'immense majorité des mouvements financiers, par Swift et les chambres de compensation, encore faut-il disposer d'une instance qui prenne en charge la surveillance.

Il faudrait distinguer entre les flux légitimes, ayant un fondement commercial, économique, y compris lorsqu'ils transitent par des paradis fiscaux - pas forcément pour des motifs douteux mais en raison de leur souplesse juridique - et les flux illicites, comme le blanchiment. Celui-ci a fait l'objet d'une intéressante initiative de directive européenne, dans laquelle la fraude fiscale est considérée comme un sous-jacent aux opérations de blanchiment. La transposition est achevée en France. Elle est encore en cours dans d'autres États-membres. C'est en outre le Groupe d'action financière (GAFI), groupement intergouvernemental, et non l'OCDE, qui est compétent pour la surveillance de ces opérations.

L'argent de la drogue atteint des montants colossaux. Mais les sanctions deviennent aussi de plus en plus sévères et une amende record, 150 millions de dollars, a récemment été infligée à la banque Wachovia pour avoir été mêlée à des opérations de blanchiment au Mexique via les bureaux de change - qui sont l'équivalent de nos caisses d'épargne. Les pouvoirs publics peuvent aussi saisir les biens et les conserver. Le Parlement français a voté une disposition en ce sens il y a quelques semaines. Ce moyen est le plus efficace pour ruiner les gangsters.

La Banque d'Italie estime à 150 milliards d'euros le chiffre d'affaires annuel des mafias italiennes : le bénéfice net est environ de 50 % réinvestis dans des biens primitifs, maisons, immeubles, voitures, mais aussi dans les circuits financiers officiels. Certaines opérations frauduleuses combinent aspects fiscaux et autres trafics : il en va ainsi des carrousels de TVA, des droits d'émission de CO2, ou du trafic des éoliennes en Sicile, affaire dans laquelle un patron de la mafia a été arrêté à Trapani.

On ignore quelle est la part d'argent malhonnête investi en bourse et dans les entreprises : mais les banques sont de plus en plus vigilantes car elles craignent pour leur réputation. Le contrôle par les régulateurs nationaux et les commissions bancaires devrait s'étendre aux filiales et succursales à l'étranger, surtout celles qui sont spécialisées dans les opérations off-shore...

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion