A la suite de cet exposé, M. Didier Boulaud a présenté une communication sur la politique de défense au nom du groupe socialiste.
Il a tout d'abord relevé qu'en la matière, la référence habituelle sous la précédente législature à l'héritage laissé par le gouvernement socialiste cédait désormais le pas à l'invocation d'un autre héritage : celui de la majorité reconduite et de la ministre de la défense des cinq dernières années, Mme Michèle Alliot-Marie. Il a rappelé qu'avec les sénateurs socialistes, il avait à de multiples reprises alerté la représentation parlementaire sur des budgets trompeurs, qui cachaient mal une situation critique, mais s'était constamment vu opposer des démentis catégoriques du ministre de la défense. Il a estimé que la pertinence de ses mises en garde trouvaient aujourd'hui leur confirmation dans les propos du nouveau ministre de la défense, M. Hervé Morin, qui a reconnu, le 21 juin dernier, la nécessité d'effectuer une « opération-vérité » sur les comptes du ministère et indiqué que les investissements devraient progresser de 43 % dans les prochaines années pour réaliser les programmes prévus.
Alors que la réalisation d'un état des lieux sur les engagements financiers du ministère de la défense, l'élaboration d'un nouveau Livre blanc et la préparation d'une prochaine loi de programmation militaire sont annoncés, il a jugé indispensable d'expliquer pour quelles raisons tous les programmes engagés par la loi de programmation militaire ne peuvent pas être menés à bien, et aussi pour quelles raisons ils ont été engagés.
a rappelé qu'au nom de son groupe, il avait estimé, en janvier 2003, lors de l'adoption de la loi de programmation actuelle, que la politique économique et sociale du gouvernement faisait « planer un doute sérieux sur sa capacité à tenir les engagements inscrits dans le projet de loi de programmation militaire ». De même, avait-il considéré qu'il allait être très difficile d'exécuter cette loi « tant elle (apparaissait) décalée, déphasée par rapport à l'état réel du monde d'aujourd'hui et, surtout, de demain ». Il avait constaté que le Livre blanc, rédigé en 1994, était déjà caduc, et avait demandé « la réalisation d'un Livre blanc européen avec une grille d'analyse et une volonté d'agir sur les plans politique et militaire de manière collective et identique ». Depuis lors, il avait également mis en lumière l'absence de rigueur dans l'exécution des budgets de la défense, en déclarant notamment fin 2005 que « la Cour des comptes et la mission d'information de l'Assemblée nationale sur le contrôle de l'exécution des crédits de la défense (avaient) constaté, en 2004 et 2005, des écarts flagrants entre les chiffres annoncés et la réalité de l'exécution (...) », les projets de loi de finances successifs masquant l'insincérité du budget de la défense.
a également rappelé qu'il avait signalé, année après année, qu'il était nécessaire aussi de procéder à une refonte sérieuse du modèle d'armée parce que « le modèle 2015 est, aujourd'hui, unanimement considéré comme financièrement inaccessible et en fort décalage avec les besoins stratégiques de la période à venir (...) et les dépenses nécessaires à la réalisation du modèle 2015 (...) hors de notre portée financière, quel que soit le futur Président de la République ». Il a constaté que l'actuel gouvernement venait de reconnaître que le modèle 2015 ne serait pas atteint à l'horizon prévu et que son financement dépasserait amplement le niveau de ressources consenti à l'effort de défense depuis cinq ans.
Il a regretté que la nécessité d'un nouveau Livre Blanc soit reconnue si tardivement, notre pays ayant ainsi perdu cinq ans en matière de réflexion stratégique et d'adaptation de notre outil de défense.
Précisant que l'exécution de la loi de programmation militaire 2003-2008 avait stabilisé le budget de la défense à environ 1,9 % du PIB (hors pensions, gendarmerie incluse), il a souligné que les objectifs capacitaires n'étaient pas atteints malgré les sommes financières considérables engagées depuis 2003, ce qui tendait à prouver le mauvais calibrage initial de cette loi.
a également évoqué les attentes des personnels en matière de pouvoir d'achat, de déroulement et de perspectives de carrière, de retraites, de logements. Il a émis la crainte que la crise financière du ministère ne remette en cause les engagements pris et a souhaité avoir rapidement des explications à ce sujet, jugeant qu'il fallait éviter que la situation actuelle ne débouche sur une alternative budgétaire opposant les équipements aux hommes.
Il a jugé l'actuelle loi de programmation militaire « attrape-tout et mal calibrée », estimant qu'elle avait conduit à une impasse financière, puisque la projection, à un horizon de six années, des besoins en crédits d'équipement induits par la programmation actuelle, obligerait le ministère à disposer de 22 milliards d'euros, au lieu de 15,4 milliards d'euros en 2007.
a indiqué que le groupe socialiste souhaitait la rédaction d'un nouveau Livre blanc destiné à expliciter les fondements de notre politique de défense et de sécurité, et à clarifier son insertion dans la politique européenne. Il a estimé que ce document devait s'élaborer dans la plus grande transparence démocratique en associant les armées, les parlementaires, les experts civils, les syndicats, les industriels et nos partenaires européens. Il a insisté pour que le Parlement français soit pleinement associé en amont à cette oeuvre collective et aux décisions qui en découleront.
Il a ajouté que le groupe socialiste proposait de susciter un débat public européen, dans le cadre, par exemple, de l'assemblée parlementaire de l'UEO, dans le but d'harmoniser les points de vue sur l'analyse de la situation internationale et de définir les intérêts communs des Européens en matière de défense et de sécurité, d'analyser la faisabilité d'un système européen de sécurité collective, de créer une politique industrielle commune et de favoriser la mutualisation de la recherche, d'étudier les possibilités des formations communes pour les militaires européens, de proposer des harmonisations dans le domaine du statut des militaires et des améliorations dans la condition des personnels civils et militaires.
En conclusion, M. Didier Boulaud a estimé que notre système de défense devait être remis à plat, mais que l'entreprise serait extrêmement douloureuse et délicate faute d'avoir voulu, ces dernières années, regarder la vérité en face. Il a considéré que chaque année écoulée depuis 2002 avait représenté autant de temps de perdu pour reconstruire un modèle d'armée efficace et adapté aux nouveaux défis de sécurité, aux ambitions de la France et de l'Europe dans le monde.
Il a considéré, pour les prochaines années, qu'il serait essentiel d'assurer la sécurité de nos concitoyens de la façon la plus efficace, de remettre en état notre stratégie et notre outil de défense, de maintenir une puissance industrielle au service de notre autonomie de décision et de construire l'Europe de la défense.