Puis M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis, a présenté les grandes données des deux programmes de la mission consacrés au logement. Relevant que le premier d'entre eux avait pour objet le financement des aides personnelles au logement, ce qui mobilise une grande partie des crédits de la mission avec près de 5 milliards d'euros (soit cinq fois le budget de la ville), il a indiqué que plusieurs faits méritaient d'être signalés :
- l'indexation, à compter du 1er janvier 2008, des principaux paramètres des aides personnelles au logement sur l'évolution de l'indice de référence des loyers (IRL), en application de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable (DALO), mesure qui devrait garantir l'efficacité sociale et économique des aides face aux dérapages des loyers, notamment dans le secteur privé ;
- le relèvement de 30 à 31 euros de la participation minimale des allocataires à la dépense de logement, qui permettra à l'Etat d'économiser près de 33 millions d'euros ;
- et, enfin, la diminution de 24 euros à 15 euros mensuels, depuis la fin de l'année 2006, du seuil en-deçà duquel les aides au logement ne sont pas versées à leur bénéficiaire, évolution qu'il a jugée positive même s'il aurait préféré, à titre personnel, que cette règle, dite du seuil de non versement, soit supprimée.
Puis M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis, a présenté l'article 60 du projet de loi de finances pour 2008, dont le dispositif est rattaché aux crédits de la mission. Il a rappelé que lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2007, la commission avait, à l'unanimité et de concert avec la commission des finances, adopté un amendement de suppression d'un article tendant à assujettir les employeurs publics (Etat, collectivités territoriales et établissements publics) à une cotisation de 0,2 % assise sur leur masse salariale, à l'instar des employeurs privés, afin de contribuer au financement des aides personnelles au logement. Soulignant que plusieurs membres de la commission avaient alors déploré les conséquences financières d'une telle mesure pour les collectivités territoriales, notamment celles qui ont une masse salariale importante, il a relevé que cet amendement avait été déposé dans le souci de ne pas alourdir les charges des collectivités territoriales qui, au surplus, ne sont pas compétentes en matière d'aides au logement. Il a ensuite remarqué que le Sénat avait suivi le raisonnement des deux commissions en adoptant ces amendements, mais que le gouvernement avait, lors de la seconde délibération, demandé au Sénat de revenir sur son vote. En définitive, ce dispositif avait été adopté dans le projet de loi de finances, occasionnant ainsi une charge supplémentaire de 65 millions d'euros pour les collectivités territoriales.
Il a ensuite expliqué que l'article 60 du projet de loi de finances pour 2008 aggravait ce dispositif en proposant le doublement du taux de la cotisation, de 0,2 à 0,4 %, sans qu'aucune concertation n'ait été menée avec les associations de collectivités territoriales, contrairement aux engagements du ministre délégué au budget du gouvernement précédent. Il a ainsi indiqué avoir saisi, pour la préparation de son rapport, six grandes associations d'élus -Association des maires de France, Assemblée des communautés de France, Assemblée des départements de France, Association des régions de France, Association des maires de grandes villes de France et association des maires Ville et Banlieue de France- et que celles-ci s'étaient déclarées unanimement défavorables à cette disposition. Il a déploré ce nouvel accroissement de charges sur les collectivités territoriales, pour la deuxième année consécutive, d'un montant de 65 millions d'euros, vraisemblablement justifié par le souci de l'Etat de financer, avec cette mesure, l'indexation des aides sur l'IRL.
Après avoir jugé tout aussi illégitime que l'an dernier cette modification du droit, M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis, a précisé qu'il présenterait à l'approbation de la commission un amendement tendant à supprimer le doublement de la cotisation pour les collectivités territoriales et leurs établissements publics, tout en indiquant que la commission des finances ne s'associerait cependant pas à cette démarche cette année.
Présentant ensuite le budget des aides à la pierre, il a souligné le caractère crucial de l'année 2008 pour la politique du logement, puisqu'à compter du 1er décembre 2008, le droit au logement devient opposable pour cinq catégories de demandeurs de logement social et que la mise en oeuvre de ce droit pourra être sanctionnée par les juridictions administratives. Il s'agit donc du premier exercice budgétaire depuis le vote de la loi DALO du 5 mars 2007, lui conférant ainsi une importance particulière, compte tenu de la nécessité de mobiliser fortement des moyens publics pour développer l'offre de logements en France.
Il s'est alors interrogé sur le nombre de ménages susceptibles de faire valoir leur droit au logement devant les tribunaux administratifs à partir du 1er décembre, jugeant surprenante l'absence d'évaluation précise par le gouvernement, qui prévoit d'effectuer ce travail uniquement pour la préparation de la prochaine loi de finances. Tout en relevant que le comité de suivi de la mise en oeuvre du droit au logement opposable évaluait, quant à lui, à plus de 600.000 le nombre de ménages susceptibles d'exercer un recours à partir de cette date, soit 1,7 million de personnes, il a jugé urgent de développer fortement le parc locatif social et privé afin que le DALO ne reste pas lettre morte et devienne un droit véritablement effectif.
Présentant les objectifs de construction pour l'année 2008, M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis, a expliqué que, conformément aux engagements votés dans la loi du 5 mars 2007, 142.000 logements locatifs sociaux devraient être financés au cours de l'année, assortissant ce rappel de deux observations.
D'une part, ce chiffre correspond à un objectif de décision de financement et non de réalisation. Or, il existe toujours un écart substantiel entre ces deux réalités statistiques, comme le démontre la stagnation du nombre de logements sociaux mis en service entre 2002 et 2005, aux alentours de 48.000, en décalage avec les discours publics sur le redressement, depuis quelques années, de la construction locative sociale en France.
D'autre part, les moyens budgétaires mobilisés par l'Etat pour atteindre ces objectifs seront sûrement insuffisants. Ainsi la subvention budgétaire moyenne versée pour chaque logement social construit stagne-t-elle, depuis 2004, autour de 2.700 euros pour un logement financé à l'aide d'un prêt locatif à usage social (PLUS) et de 12.000 euros pour un prêt locatif aidé-intégration (PLA-I) alors que, dans le même temps, les coûts de construction ont augmenté de 19 %, l'indice des prix de 7 % et que le taux du Livret A a également augmenté, renchérissant d'autant le coût des prêts pour les organismes HLM. En conséquence, les finances des collectivités territoriales, tout comme les fonds propres des organismes HLM, sont de plus en plus souvent sollicitées pour équilibrer les opérations de construction.
A ces difficultés financières, il a ajouté que se posait également le problème des recours sur les permis de construire, qui sont de plus en plus fréquents, ainsi que celui de la pénurie de main d'oeuvre et des appels d'offre infructueux. Au total, il a émis des doutes sur la capacité du parc locatif à répondre aux sollicitations dont il ne manquerait pas de faire l'objet à partir du 1er décembre 2008, relevant que Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville avait elle-même fait part de son inquiétude sur ce point.
a alors présenté quelques pistes de réflexion pour faciliter la mise en oeuvre du droit au logement opposable.
Premièrement, il paraît indispensable d'élargir le champ des logements concernés pour loger les publics prioritaires. Dans sa forme actuelle, la loi du 5 mars 2007 ne prévoit de mobiliser que le contingent préfectoral de logements sociaux, ce qui sera vraisemblablement insuffisant pour répondre aux demandes. Il serait nécessaire de mobiliser également les droits de réservation des collectivités territoriales et des organismes collecteurs du 1 % Logement, mais aussi le parc locatif privé.
Il a rappelé à cet égard qu'il avait présenté, à titre personnel, un amendement à la première partie du projet de loi de finances pour 2008 afin d'accorder aux propriétaires privés de logements à loyers très sociaux une exonération totale d'impôts sur leurs revenus locatifs dès lors que le logement était destiné à un ménage prioritaire au sens du DALO. Il a néanmoins déploré le rejet de cet amendement par le Sénat, pour des raisons qu'il a estimé ne pas pouvoir comprendre.
Deuxièmement, un recentrage de l'effort de l'Etat en faveur du logement apparaît également indispensable. Chaque année, l'Etat perd près de 400 millions d'euros de recettes fiscales avec le dispositif d'amortissement fiscal en faveur des investissements locatifs « Robien ». De même, l'entrée en vigueur de la déductibilité du revenu imposable des intérêts d'emprunt pour l'acquisition de la résidence principale en application de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, va diminuer, à partir de 2013, les recettes fiscales de près de 3,7 milliards d'euros chaque année, ce montant pouvant même être porté à 4,5 milliards d'euros avec l'article 7 du PLF 2008, qui double le plafond d'intérêts pris en compte la première année. A titre de comparaison, le prêt à taux zéro représente un coût de 500 millions d'euros chaque année. M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis, a estimé que ces fonds publics gagneraient à une meilleure utilisation pour la politique du logement, puisque l'amortissement « Robien » contribue bien souvent à financer des logements peu adaptés aux marchés locaux de l'habitat et le crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt ne sera pas suffisant pour compenser l'envolée des prix de l'immobilier depuis la fin des années 1990.
Il a enfin achevé sa présentation en évoquant la question du Livret A, qui est aujourd'hui la principale source de financement du logement social. Après avoir rappelé que le monopole de distribution par les Caisses d'épargne et La Poste du Livret A avait été remis en cause par la Commission européenne, il a contesté l'analyse des instances communautaires en expliquant que les traités européens ne faisaient pas obstacle, selon lui, à l'existence de droits spéciaux pour le financement des services d'intérêt économique général. Il a ainsi fait part de ses craintes sur la diminution de l'encours du Livret A dans le cas où il serait distribué par d'autres réseaux bancaires, car ces derniers seront tentés de réorienter l'épargne vers des placements plus lucratifs comme l'assurance-vie. Il a par ailleurs indiqué que ces autres réseaux bancaires étaient plus intéressés par la gestion des livrets dotés d'un encours important que ceux disposant d'un encours plus modeste. Or, les livrets avec moins de 150 euros, qui sont les plus nombreux et totalisent le plus grand nombre d'opérations aux guichets, resteront à n'en pas douter au sein des Caisses d'Epargne et de La Poste, ce qui fragilisera la péréquation générale du système.
a alors formé des voeux pour que le recours intenté devant les juridictions communautaires par l'Etat, les Caisses d'Epargne et La Poste, soutenu par l'Union sociale pour l'habitat, et peut-être par certaines associations d'élus qu'il a saisies pour les inviter à se porter partie au recours, aboutisse favorablement. Il a néanmoins exprimé ses doutes sur la détermination de toutes les autorités françaises compte tenu de la récente décision de donner à la Poste le droit de distribuer des crédits à la consommation, ce qui semble constituer une première contrepartie à la perte de son droit spécial sur le Livret A.
En conclusion, il a indiqué que cet exposé assez critique n'avait d'autre but que de susciter un débat politique sur la question du logement, question cruciale pour la vie quotidienne d'un grand nombre de ménages français. Compte tenu de ces éléments, il a donc indiqué qu'il ne pouvait qu'appeler à émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Ville et logement », non pas dans un esprit polémique, mais pour créer un électro-choc nécessaire à la veille d'échéances décisives.