Intervention de Roland Courteau

Commission des affaires économiques — Réunion du 28 novembre 2007 : 1ère réunion
Pjlf pour 2008 — Mission « ecologie développement et aménagement durables » - budget annexe « contrôle et exploitations aériens » et compte d'affectation spéciale « contrôle et sanctions automatisés des infractions au code de la route » et article 44 - examen du rapport pour avis

Photo de Roland CourteauRoland Courteau, rapporteur pour avis :

Puis M. Roland Courteau, rapporteur pour avis, a indiqué qu'au sein de la mission il s'était plus particulièrement attaché à l'analyse du programme 174 consacré à l'énergie et aux matières premières, nouveau programme résultant de la fusion de lignes budgétaires qui n'étaient pas regroupés lors de l'examen de la dernière loi de finances.

Il a expliqué que ce programme était doté d'un peu moins de 900 millions d'euros, dont l'essentiel (88 %) finance les diverses prestations sociales dont bénéficient les mineurs retraités et certains mineurs encore en activité. Ce poste de dépenses est d'autant plus important sur le plan budgétaire que Charbonnages de France (CDF) sera dissous au 31 décembre 2007, conformément à la loi du 3 février 2004 : cette dissolution conduit ainsi l'Etat à reprendre à son compte l'ensemble des prestations sociales auparavant versées par CDF, accroissant les dépenses budgétaires de 200 millions d'euros.

Au-delà de cette observation, il a souligné que la cohérence budgétaire du programme n'était pas évidente, puisque 94 % de ses crédits sont consacrés à la gestion de l'après-mines, le reste étant réservé à la direction générale de l'énergie et des matières premières ou à des établissements publics comme l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) ou l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME). Alors que les activités minières n'entrent en compte que de manière très marginale dans le bouquet énergétique de la France, la quasi-totalité du programme sert ainsi à financer les conséquences sociales, économiques et environnementales de la fin de l'exploitation charbonnière en France. Sans contester le bien-fondé de cette politique, totalement légitime au regard du devoir de solidarité nationale à l'égard des mineurs retraités et des territoires frappés sur le plan économique par la fermeture des mines, M. Roland Courteau, rapporteur pour avis, s'est néanmoins interrogé sur la cohérence de la politique publique financée par ce programme et a remarqué que la plupart de ces dépenses recouvrait des prestations sociales accordées aux mineurs, faisant ainsi de ces crédits des dépenses obligatoires offrant peu de marges de manoeuvre budgétaire au Parlement.

Puis il s'est étonné de ce que le budget de l'ADEME soit toujours aussi illisible (pas moins de quatre programmes contribuent à son financement), alors que la création de la mission aurait dû permettre de remédier à cet inconvénient. A l'inverse, il a jugé surprenant que les crédits de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) ne soient pas inscrits à ce programme, mais au programme 181 « Protection de l'environnement et prévention des risques », alors que l'ASN a compétence dans le domaine énergétique.

Avant d'aborder la question des récentes évolutions du secteur électrique national, il a exposé brièvement les conséquences négatives pour l'économie liées à la flambée du baril de pétrole, dont le prix oscille désormais autour de 98 dollars, contre moins de 10 dollars en 1998. Alors que, selon des dires d'experts, le pic du pétrole aurait été franchi en 2006, il a constaté que la communauté internationale ne disposait pas de solution de rechange pour limiter la dépendance des économies par rapport à cette énergie.

Sur l'électricité, après avoir rappelé les travaux du Sénat dans le cadre de la mission commune d'information sur la sécurité d'approvisionnement, M. Roland Courteau, rapporteur pour avis, a relevé que l'actualité de ce secteur était toujours intense, qu'il s'agisse de la préparation par la Commission européenne d'un nouveau train de mesures législatives (le « paquet énergie »), de l'avenir des tarifs réglementés ou du développement des énergies renouvelables.

Tout en précisant que le marché de l'électricité était totalement ouvert à la concurrence depuis le 1er juillet 2007, c'est-à-dire également pour les 26 millions de consommateurs particuliers, il a déploré, à titre personnel, que cette phase supplémentaire de libéralisation ait été entérinée dans le droit communautaire. Il a considéré que l'expérience vécue par les consommateurs professionnels, confrontés au début des années 2000 à des explosions de leur facture d'électricité, aurait dû inciter les responsables politiques à envisager, avec plus de prudence, en 2002, l'ouverture à la concurrence pour les particuliers.

La plupart des observateurs de ce secteur s'accordent en effet pour dire que la libéralisation, telle qu'elle a été menée en Europe, n'a pas entraîné les bénéfices qu'en escomptaient les défenseurs de cette politique, au premier rang desquels la Commission européenne. Telle est d'ailleurs le constat fait par la mission commune d'information du Sénat sur la sécurité d'approvisionnement, dont le rapport a été adopté à l'unanimité.

Mettant en évidence les nombreux dysfonctionnements provoqués par cette politique (dérapage des prix, sous-investissement, multiplication des pannes d'électricité, notamment en 2003 et 2006), il a souligné que les partisans de la déréglementation à la fin des années 1990 avaient ensuite demandé au législateur d'agir afin de réguler à nouveau le secteur, ce qui a conduit à la création du consortium d'achat d'électricité à long terme Exeltium, autorisée par la loi de finances rectificative pour 2005, et du tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché (TaRTAM), en application de la loi du 7 décembre 2006 relative au secteur de l'énergie.

Après avoir noté que le rythme d'ouverture à la concurrence pour les particuliers était modéré (22.000 clients sur un total de 26 millions devraient avoir quitté les tarifs réglementés au 1er décembre 2007) M. Roland Courteau, rapporteur pour avis, a considéré comme primordial de préserver les ménages français -et donc leur pouvoir d'achat- des vicissitudes du marché électrique vécues par les entreprises. Or, à titre personnel, il a estimé que le législateur s'apprêtait à commettre les mêmes erreurs. Relevant l'adoption par le Sénat de la proposition de loi déposée par M. Ladislas Poniatowski, prochainement examinée par l'Assemblée nationale, qui concerne les tarifs réglementés et remédie à certaines incohérences juridiques dénoncées par de nombreux observateurs, il a précisé que ses craintes sur l'avenir des tarifs à long terme n'étaient pas pour autant apaisées par la perspective d'adoption de ce texte.

D'une part, il aurait été préférable de donner la possibilité aux ménages ayant fait le choix de la concurrence de retourner aux tarifs dans leur logement (solution dite de réversibilité totale), sans être obligés de déménager.

D'autre part, il est surprenant que ce dispositif ne produise ses effets que jusqu'au 1er juillet 2010. Même s'il est nécessaire de négocier avec la Commission européenne et les autres pays de l'Union européenne pour que les directives autorisent l'existence des tarifs, il n'en reste pas moins que cette date butoir en 2010 ne fait qu'accentuer les craintes sur l'avenir à long terme des tarifs réglementés.

A titre personnel, il a également déploré la décision du Gouvernement de procéder au rapprochement de Suez et de GDF, ce qui va entraîner la privatisation de cette dernière et fera peser des risques supplémentaires sur la pérennité des tarifs réglementés de gaz naturel, compte tenu de la pression qu'exerceront les actionnaires privés sur la nouvelle entreprise.

Par ailleurs, M. Roland Courteau, rapporteur pour avis, a également déploré les orientations actuelles du troisième « paquet énergie » de la Commission européenne, qui ne font qu'accentuer la déréglementation du secteur énergétique. Il s'est ainsi déclaré défavorable à la proposition tendant à interdire l'existence des opérateurs énergétiques intégrés avec la séparation patrimoniale entre la production et le transport, ce qui va affaiblir les opérateurs historiques face à de grandes entreprises étrangères comme Gazprom. Il a, à ce titre, salué le modèle français de séparation juridique régulée des activités de transport qui garantit l'indépendance des gestionnaires de réseaux de transport, un bon niveau d'investissement et un accès non discriminatoire aux réseaux.

Il a enfin terminé sa présentation par un bref panorama sur la question des énergies renouvelables (ENR) électriques. Même si le bouquet énergétique français se caractérise par une écrasante majorité d'électricité d'origine nucléaire (environ 78 %) et sans minorer les avantages procurés à l'économie nationale par ce mode de production (électricité à prix compétitifs, émissions réduites de carbone), il est aujourd'hui nécessaire de rééquilibrer les sources de production d'électricité, conformément aux engagements communautaires de la France. Celle-ci est en effet liée par les termes de la directive 2001/77 qui fixe un objectif indicatif de 21 % d'ENR dans la consommation totale d'électricité d'ici à 2010. En 2006, cette part atteignait 12,1 % avec une production totale de 62 térawattheures d'électricité d'origine renouvelable, dont 91 % à partir de centrales hydrauliques et 3,5 % d'éoliennes. La France est donc encore loin de remplir ses engagements à deux années de l'échéance de 2010.

Rappelant que, conformément aux objectifs définis par la dernière programmation pluriannuelle des investissements (PPI) de production électrique, les installations de production d'ENR devraient voir leur nombre croître fortement à l'horizon 2015, celle-ci prévoyant par exemple, à cette échéance, 17.000 mégawatts supplémentaires d'éolien, M. Roland Courteau, rapporteur pour avis, a indiqué que le développement des ENR en France était soutenu par deux mécanismes : les appels d'offres effectués par le ministre de l'énergie et l'obligation d'achat reposant sur EDF et les distributeurs non nationalisés (DNN) qui sont tenus d'acquérir l'électricité provenant de centrales de production utilisant des ENR. Les surcoûts pour EDF et les DNN font ensuite l'objet d'une compensation par l'intermédiaire du mécanisme des charges de service public (CSPE). A titre d'exemple, sur 1,362 milliard d'euros de charges de service public en 2005, le soutien aux ENR représentait 83 millions d'euros, ce qui est faible au regard d'autres postes de dépenses de la CSPE, comme les 650 millions d'euros de soutien à la cogénération.

Parmi les énergies renouvelables, les éoliennes ont vocation à compter parmi les développements les plus importants en puissance, selon les termes même de la PPI, comme en témoigne, au demeurant, le fait que la puissance installée en France ait dépassé les 2 gigawatts (GW) le 1er juillet dernier. Par ailleurs, depuis le 13 juillet 2007, le cadre juridique tenant à l'obligation d'achat de l'électricité produite par les éoliennes a changé avec l'entrée en vigueur des dispositions sur les zones de développement de l'éolien (ZDE). Depuis cette date, peuvent bénéficier de l'obligation d'achat les seules éoliennes situées au sein d'une telle ZDE. L'entrée en vigueur tardive de cette disposition, adoptée en 2005, n'a cependant pas fait obstacle à leur mise en place anticipée : ainsi, le 1er février 2007, on recensait 18 ZDE créées, 63 demandes en cours d'examen et 86 projets en cours d'étude. Au total, l'instruction des dossiers en 2008 pourrait déboucher sur l'installation, au cours des prochaines années, de parcs éoliens au sein de ZDE représentant une puissance comprise entre 650 et 3.000 mégawatts (MW) si toutes les propositions étaient retenues.

Il s'est félicité de la création de ces zones, qui va permettre de dépassionner la question des éoliennes et de rationaliser leur implantation dans un souci de protection des paysages. Il a cependant fait part d'une difficulté tenant au fait que tous les types d'aérogénérateurs sont désormais astreints à cette procédure, y compris les plus petits. Or, bien souvent, des agriculteurs prévoient de mettre en service de telles installations dans le cadre de leurs activités traditionnelles ou pour les diversifier. La création d'une ZDE constituant une procédure administrative et politique assez lourde, manifestement disproportionnée au regard de la taille et de l'enjeu énergétique de ces projets, il a jugé souhaitable que les petites installations, d'une puissance comprise entre 5 et 36 kilowatts (kW), soient dispensées de cette exigence et bénéficient de l'obligation d'achat, y compris hors des ZDE.

En conclusion, M. Roland Courteau, rapporteur pour avis, a déclaré avoir peu d'arguments pour contester ou critiquer les crédits du programme 174 qui visent essentiellement à financer les prestations sociales des mineurs, réitérant son adhésion à cet effort de solidarité de l'Etat en faveur de cette catégorie de la population. Expliquant cependant qu'il était, à titre personnel, en désaccord avec les orientations de fond de la politique énergétique du gouvernement, qu'il s'agisse de l'accord donné en 2002 à la libéralisation totale des marchés énergétiques ou, plus récemment, de la privatisation de Gaz de France, il a appelé la commission à s'abstenir sur le vote des crédits de la mission.

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