Intervention de André Cicolella

Mission commune d'information sur le Mediator — Réunion du 24 mai 2011 : 1ère réunion
Audition de M. André Cicolella président du réseau environnement santé

André Cicolella :

Je vous remercie de m'avoir invité. La question des lanceurs d'alerte, je pense y avoir contribué par ce livre, ayant été moi-même en situation de lanceur d'alerte sur les éthers de glycol. Je travaillais à l'époque à l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS). A cette occasion, j'ai piloté un grand programme de recherche européen avec une quinzaine d'équipes. Quelques jours avant le colloque international censé dresser le bilan de cette étude, j'ai été licencié pour faute lourde et le colloque a été annulé. A l'étranger, le Whistleblower Protection Act donne une certaine protection aux lanceurs d'alerte.

Je suis à l'origine de la première jurisprudence sur la protection des lanceurs d'alerte, qui a reconnu aux salariés le droit de désobéir, c'est-à-dire de ne plus être soumis au principe de subordination hiérarchique en cas de risque pour la santé publique. La première jurisprudence a été prononcée par la Cour de cassation en l'an 2000, basée sur un jugement de la Cour d'appel de Nancy rendu en 1998 sur mon cas. Cela m'a amené à créer la fondation science citoyenne, qui a initié une proposition de loi. Il est important de comprendre le lien entre alerte et expertise qui n'est pas nécessairement compris immédiatement.

C'est une fausse bonne idée de raisonner en termes de statut du lanceur d'alerte. En effet, le lanceur d'alerte n'est pas un métier, mais une situation dans laquelle on se trouve. Il faut protéger l'alerte, ce qui suppose de protéger l'expertise et le processus d'expertise. Il n'est pas souhaitable de gérer le problème en aval. Il faut le gérer en amont en dehors de toute situation de crise en vue de protéger la santé publique. Pour ce faire, il faut dans tous les lieux de production de connaissance et d'expertise avoir des dispositifs qui permettent de gérer les contradictions autour de l'expertise et de l'alerte. Comment s'expriment-elles sans que cela se traduise par des mesures de sanction ? Je l'ai vécu directement en ayant été licencié pour avoir organisé un colloque sur les éthers de glycol.

Le lien entre alerte et expertise suppose de comprendre correctement l'enjeu de la déontologie de l'expertise. L'analyse de la littérature scientifique amène à se poser un certain nombre de questions. Il faut étudier les conflits d'intérêts et traiter cette question. Un autre aspect est encore plus important : la déontologie de l'expertise. Sur quels critères prend-on une décision sur les parabènes, pour reprendre l'actualité récente ? J'ai été interviewé abondamment sur ce sujet, notamment dans le quotidien Le Monde. Les données chez l'animal montrent une remise en cause des mécanismes de reproduction chez le rat après l'exposition orale au parabène, ou la consommation de produits alimentaires utilisant les parabènes comme conservateur.

En février 2011, une étude parue dans la meilleure revue de santé environnementale, Environnemental Health Perspectives, a analysé une population d'hommes ayant consulté dans un centre de fertilité. Cette étude a mis en évidence une relation entre l'imprégnation du parabène et l'atteinte du sperme, et notamment de l'acide désoxyribonucléique (ADN). Les données sur l'animal existent depuis plusieurs années. Nous avons la première confirmation de cette atteinte du parabène chez l'homme.

A partir de quel moment une agence doit-elle statuer ? Il y a un conflit sur cette question. Il faut prendre une décision à partir du moment où nous disposons des données expérimentales chez l'animal. Tout ce qui est acquis pour le rongeur doit être considéré comme ayant une implication pour l'homme. Nous avons de nombreux points communs avec le rat. Le fait d'être des mammifères est une proximité importante. Or nous disposons des données sur les animaux. A partir de ces données expérimentales, on aurait dû considérer un risque pour l'homme. Nous avons eu confirmation en février 2011 du risque constitué par le parabène pour l'homme. Or je n'avais pas noté de réaction immédiate des autorités compétentes à cette question.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion