Intervention de André Cicolella

Mission commune d'information sur le Mediator — Réunion du 24 mai 2011 : 1ère réunion
Audition de M. André Cicolella président du réseau environnement santé

André Cicolella :

Vous aurez l'occasion de récidiver sur le parabène, le bisphénol et les phtalates. En effet, les députés ont voté l'interdiction de ces molécules. Le message politique consiste à dire que nous avons suffisamment de données, que nous poursuivons la veille systématique sur un certain nombre de substances. Il y a eu trente études au cours des derniers mois sur les phtalates. Nous avons suffisamment de données pour prendre des décisions. Le vote des députés dans ce domaine me semble totalement justifié.

En réponse à votre question sur les perturbateurs endocriniens, le colloque que nous avons organisé à l'Assemblée nationale le 14 septembre portait sur le thème suivant : « Perturbateurs endocriniens, changement de paradigme pour l'évaluation des risques sanitaires et environnementaux ».

Nous avons organisé un second colloque au mois d'avril 2011, au Muséum d'histoire naturelle, sur le thème « Biodiversité et perturbateurs endocriniens ». Sur le plan scientifique, nous avons suffisamment d'informations aujourd'hui pour considérer que les substances classées comme perturbateurs endocriniens ne peuvent plus être analysées comme des substances chimiques. Nous assistons à un changement de paradigme résumé en cinq points aux Etats-Unis.

Le premier point est lié au fait que c'est la période qui fait le poison, et non la dose, c'est-à-dire la période d'exposition, pendant la gestation, qui induit des effets sanitaires.

Le second point vient d'un effet différé du produit. L'exposition au distilbène, même courte, a été très dangereuse. L'exposition de quelques semaines à ce médicament a eu des impacts sur la première génération (cancers du sein, malformations génitales), et la seconde génération (malformation génitale liée au fait que leur grand-mère a pris un médicament cinquante ans auparavant), alors que la vision pharmacologique portait uniquement sur la durée de la vie de la personne qui avait pris le médicament.

Le troisième point est l'effet cocktail. L'étude publiée en février montre que lorsqu'il y a co-exposition chez les hommes entre butylparabène et bisphénol qui sont deux perturbateurs endocriniens, il y a un effet de synergie. Des essais ont révélé, par exemple pour les effets anti-androgéniques, selon une interview de Gordon Kemp dans un documentaire que « 0+0+0 = 60 » est une caractéristique des perturbateurs endocriniens.

Le quatrième point concerne la dose. La relation dose/effet du perturbateur endocrinien suit une courbe en cloche : l'effet grandit au fur et à mesure que la dose diminue. En effet, la forte dose induit une suppression des récepteurs qui annule l'effet.

Le cinquième point est l'effet transgénérationnel que j'ai évoqué dans le cas du distilbène : il y a une exposition durant la gestation à la génération F0 et des effets aux générations en F1, F2, F3. Nous disposons de données sur l'impact sur l'arrière-petit-fils d'une consommation de bisphénol au niveau de l'arrière-grand-mère. Nous avons une illustration de la nécessité de réfléchir à la déontologie de l'expertise, puisqu'il révèle un véritable problème de dysfonctionnement lorsqu'une agence ne tient pas compte de cette question.

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