Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, monsieur le président de la délégation pour l'Union européenne, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, en l'absence de Mme Catherine Colonna, empêchée, il me revient de représenter le Gouvernement pour cette importante séance consacrée au projet de loi autorisant la ratification du traité relatif à l'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie à l'Union européenne.
En mai 2004, dix nouveaux États membres ont rejoint la famille européenne. Toutefois, ce cinquième élargissement de l'Union, ouvert avec la reconnaissance du statut de candidat à douze pays en 1997, était resté inachevé en l'absence de la Bulgarie et de la Roumanie. C'est dans ce contexte que vous est soumis aujourd'hui le projet de loi autorisant la ratification du traité d'adhésion de ces deux pays, lequel a été approuvé à l'unanimité par l'Assemblée nationale en juin dernier.
Je veux rappeler que le processus qui s'achève avec ces deux pays a débuté au lendemain de la chute du mur de Berlin. En même temps qu'il scellait la fin de la division de l'Europe, cet événement majeur offrait à de nombreux pays de notre continent une promesse d'Europe et d'avenir meilleur. Celle-ci a pris forme en juin 1993, à Copenhague, avec une perspective d'adhésion à l'Union, devenue réalité pour dix d'entre eux en mai 2004. Aujourd'hui, à l'automne 2006, en vous prononçant sur l'entrée de la Bulgarie et de la Roumanie, vous vous apprêtez à clore un chapitre fondamental de l'histoire européenne et à écrire celui de la famille européenne réunifiée.
Je souhaiterais insister sur trois points : le processus a été conduit dans le respect de plusieurs exigences ; le cinquième élargissement qui se termine consacre davantage l'Europe comme espace de paix, de sécurité et de développement économique et social ; enfin, au-delà de l'adhésion de ces deux pays, le moment est venu de mener une réflexion approfondie sur le processus d'élargissement en tant que tel.
Premièrement, le processus a été conduit dans le respect de plusieurs exigences.
Exigence, d'abord, quant à la qualité du processus de négociations : la Roumanie et la Bulgarie ont déposé leur demande d'adhésion en 1995 ; ces pays se sont vu reconnaître la qualité de candidats par le Conseil européen en 1997 et les négociations ont débuté en 2000 ; elles se sont achevées en décembre 2004 et le traité a été signé le 25 avril 2005, à Luxembourg. Près de cinq ans de négociations ont donc été nécessaires pour déterminer les modalités d'entrée de ces pays dans l'Union.
La date prévue pour cette entrée a été fixée par le traité au 1er janvier 2007. Ses auteurs avaient, par précaution, prévu la possibilité de différer cette adhésion d'une année en cas de préparation insatisfaisante de ces pays. Dans son rapport du 26 septembre dernier, la Commission a jugé, au terme d'une évaluation rigoureuse et objective, qu'un tel report n'était pas nécessaire et que les deux pays étaient suffisamment préparés pour remplir les critères politiques et économiques ainsi que pour respecter l'acquis au 1er janvier 2007, sous réserve de quelques mesures d'accompagnement. Ils pourront donc rejoindre l'Union à cette date, après que chaque État membre aura accompli sa procédure de ratification.
Tout au long du processus, la France a été vigilante pour s'assurer que ces pays garantissent un haut niveau de contrôle à leurs frontières, réforment leur système judiciaire, luttent contre la corruption, le crime organisé et la traite des êtres humains. Des progrès considérables ont été réalisés et des mécanismes d'accompagnement ont été prévus pour faire face aux difficultés qui demeurent. En effet, l'élargissement ne peut se faire au détriment de l'acquis communautaire et il doit permettre la diffusion des principes politiques qui sont au coeur du projet européen.
Exigence, ensuite, quant au respect de l'intégrité de la construction européenne : l'adhésion d'un État à l'Union implique par définition qu'il respecte l'ensemble des règles communes. Tel sera le cas pour la Bulgarie comme pour la Roumanie dès le premier jour de leur adhésion. Les deux adhérents ont ainsi entrepris des réformes considérables pour adapter leurs économies et se doter d'une administration et d'une justice capables d'appliquer la législation européenne.
Des périodes de transition ont cependant été prévues dans des secteurs sensibles. Ainsi, comme à l'égard de huit des dix États ayant rejoint l'Union en 2004, la libre circulation des travailleurs bulgares et roumains sera soumise à une période transitoire pouvant durer jusqu'à sept ans. Bien sûr, ces pays ne pourront en outre adhérer à la zone euro et à l'espace Schengen qu'une fois remplies les conditions requises.
Enfin, des mesures de sauvegarde prévues par le traité pourront être prises si des difficultés se font jour. La Commission a notamment prévu la mise en place d'un mécanisme de coopération et de vérification dans les domaines de la réforme de la justice, de la lutte contre la corruption et le crime organisé. Les progrès des deux pays seront régulièrement évalués et la Commission décidera, si nécessaire, d'utiliser la clause de sauvegarde qui prévoit la suspension de la reconnaissance mutuelle des décisions de justice. Une première évaluation aura lieu dès le 1er juin 2007.
La Commission a également adopté un mécanisme ad hoc relatif aux aides agricoles, permettant d'en suspendre le versement à la Bulgarie et à la Roumanie en cas de non-fonctionnement des systèmes intégrés de gestion et de contrôle à la date d'adhésion.
Outre ces clauses de sauvegarde spécifiques à ces deux pays, pourront être mises en oeuvre les clauses de sauvegarde générales prévues par l'acquis communautaire, par exemple pour le versement des aides de cohésion.
Enfin, des dispositions exigeantes en matière de sécurité alimentaire, de protection de l'environnement et de sécurité nucléaire ont également été introduites à la demande de l'Union. L'ensemble de ces mesures permettra de préserver l'intégrité de la construction européenne.
Dernière exigence : veiller au bon fonctionnement de l'Union et de ses politiques communes !
Sur le plan institutionnel, les règles avaient été définies dès le traité de Nice et elles s'appliqueront dès le 1er janvier prochain.
S'agissant des politiques communes, la Bulgarie et la Roumanie y participeront selon les mêmes principes que pour les États entrés dans l'Union en 2004. Elles bénéficieront ainsi progressivement de la politique agricole commune et de la politique régionale. Le coût de leur adhésion a par ailleurs été strictement encadré.
Deuxièmement, ce cinquième élargissement consacre davantage l'Europe comme espace de paix, de sécurité et de développement économique et social.
En permettant que la Bulgarie et la Roumanie d'entrer dans l'Union européenne, ce sont deux nouveaux pays qui nous rejoignent au coeur de notre espace de paix et de démocratie commun. C'est conforme à la vocation première de l'Europe depuis les origines.
Par ailleurs, avec ces deux nouveaux États, l'Europe comptera plus de 480 millions d'habitants et sera la première puissance économique du monde. Ces deux pays connaissent une croissance économique soutenue et leur adhésion constitue une opportunité pour les entreprises européennes.
Le processus d'adhésion a d'ailleurs déjà eu un impact positif sur nos exportations et nos investissements, qui ont connu une croissance importante ces dernières années. Avec une hausse de 20 % de nos exportations vers la Roumanie et de plus de 11 % vers la Bulgarie en 2005, la France est aujourd'hui un de leurs partenaires majeurs et elle bénéficie de l'élargissement.
Cet élargissement permet également d'accueillir deux partenaires avec lesquels nos relations politiques et culturelles sont anciennes et denses. Je pense en particulier aux liens qu'entretiennent plus de 800 communes, institutions et associations françaises avec leurs homologues roumaines.
En outre, avec cette adhésion, la diversité linguistique et culturelle de l'Europe sortira renforcée. La place de notre langue en particulier sera plus forte avec ces deux nouveaux États, membres de la Francophonie et dont une grande partie de leurs citoyens pratique le français. La Roumanie a ainsi accueilli la semaine dernière le XIe sommet de la francophonie, auquel a participé le Président de la République et auquel j'ai eu l'honneur de l'accompagner. L'adhésion de ces pays est donc conforme aux intérêts de l'Europe comme à ceux de notre pays.
En tant que ministre chargée de la francophonie, je souligne que l'adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie porte désormais à quatorze sur vingt-sept le nombre de pays membres de l'Union européenne appartenant à l'Organisation internationale de la francophonie.