Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, je me réjouis que nous examinions aujourd'hui le projet de loi autorisant la ratification du traité relatif à l'adhésion de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l'Union européenne. J'ajouterai simplement : « Enfin ! »
J'insiste en effet à mon tour, et avec une ferme conviction, sur la force des liens culturels et historiques qui nous rattachent à ces deux pays éminemment francophiles et, vous le rappeliez, madame la ministre déléguée, très attachés à la francophonie. Pour ce qui concerne la Roumanie, sa culture est même latine, voire romane.
Ces liens ont créé entre nous une réelle complicité qui aurait largement justifié que, à titre au moins symbolique, la France s'attache à être parmi les tout premiers pays à ratifier ce traité. Elle est vingt-troisième, et encore parce que l'Allemagne et le Danemark ont bien voulu s'effacer devant elle ! Aurions-nous perdu le sens du symbole ? La vie du monde et la construction européenne ont pourtant aujourd'hui bien besoin de gestes. Voilà donc une occasion manquée ! J'espère que nous saurons saisir les prochaines qui se présenteront, ou que nous saurons en imaginer.
Plus généralement, je regrette à nouveau ici que le Parlement français ne sache pas donner la priorité, dans l'établissement de son ordre du jour, aux textes européens. Nous les examinons lorsque nous y sommes obligés ou lorsque nous n'avons rien de mieux à faire, comme si l'Europe ne nous intéressait qu'à nos heures perdues, quand nous avons le temps, alors qu'elle est notre espérance et notre avenir.
Toujours dans la rubrique des regrets, je mentionnerai le contexte dans lequel nous discutons aujourd'hui de ce nouvel élargissement, rejoignant les propos que vient de tenir mon collègue Jean-Pierre Bel : je veux bien sûr parler de la paralysie institutionnelle actuelle de l'Union, résultat du « non » du peuple français lors du référendum du 29 mai 2005.
Tétanisés par ce 29 mai, nous en viendrions presque, en France, à considérer que l'Europe ne peut que créer des ennuis, ou faire perdre des voix... Nous évitons donc soigneusement de parler de l'Union, alors que la campagne pour le référendum avait précisément exprimé une forte attente et remis l'Europe au coeur du débat citoyen. Je me permets donc d'appeler ici à nouveau tous les candidats à l'élection présidentielle à se souvenir que 48 % des Français ont voté « oui » et qu'ils se sentent aujourd'hui orphelins de l'Europe, comme d'ailleurs sans doute un certain nombre de ceux qui ont voté « non », et comme la France elle-même !
N'ayons pas peur de remettre l'Europe au coeur du débat français. Puissent nos amis roumains et bulgares nous y inciter et nous en redonner le goût ! Ils nous apporteraient déjà, et immédiatement, une contribution sans prix.
Plus précisément, la complexité du processus d'adhésion à l'Union européenne rappelle aujourd'hui l'urgente nécessité de donner une véritable autorité à l'Union en lui conférant de réelles capacités de décision. L'Europe et le monde seraient-ils si paisibles, si prévisibles, si lisibles, que l'Union puisse s'offrir le luxe de demeurer plus longtemps dans l'incapacité à trancher et à tracer de nouvelles perspectives ? Paralysante à vingt-cinq, cette incapacité deviendra asphyxiante à vingt-sept !
Dans ce domaine aussi, nous attendons de la Bulgarie et de la Roumanie qu'elles nous encouragent à retrouver notre élan. Tant que nous ne l'aurons pas retrouvé, tant que nous nous contenterons de réfléchir, de nous concerter pour mieux repousser au lendemain toute décision, nous resterons en panne et nous n'assumerons pas nos responsabilités au regard de la construction européenne et, au-delà, de l'Histoire.
Dans le processus d'adhésion qui est au coeur du débat d'aujourd'hui, les anciens membres de l'Union comme les nouveaux doivent conjuguer leurs efforts : s'il n'est pas facile de rejoindre l'Union, il n'est pas plus facile pour celle-ci d'accueillir de nouveaux membres. Qu'anciens et nouveaux membres joignent donc leurs efforts, en se souvenant que ceux-ci porteront à terme, et à bien des titres, des fruits largement communs.
Nous devons consentir un effort de solidarité, qui peut certes apparaître lourd mais qui, à mon sens, n'a d'égal que les efforts de rattrapage déployés par les nouveaux membres, dont le produit intérieur brut par habitant représente à peine 30 % du PIB moyen des Vingt-Cinq, mais dont le taux de croissance annuel est au moins le double sinon le triple du nôtre. En soutenant leur PIB, nous sommes appelés à participer aux fruits de leur croissance, et ce n'est pas forcément mauvais pour nous non plus !
Ces pays sont motivés par leur perspective d'adhésion à l'Union et par l'espoir que l'Europe suscite chez eux. Ne les décevons pas ! Réjouissons-nous plutôt de voir que l'idée européenne continue à séduire, et pas seulement sur le plan financier ! Les nantis que nous sommes oublient un peu vite que cette idée est l'une des plus grandes et des plus belles qui soient.
Au passage, je note que la formule « capacité d'absorption » fait un peu « Union de repus ». Je n'aime pas cette expression et je souhaiterais que l'on en imagine une autre, plus dynamique et plus tonique : trouvons mieux, nous devons en être capables !