Nos nouveaux partenaires comprennent fort bien les exigences de l'Union lorsque nous parlons de l'établissement d'un marché libre et concurrentiel, lorsque nous parlons de budget - les Français n'ont guère de leçons à donner en matière de rigueur budgétaire, même s'ils en reprennent le chemin -, lorsque nous parlons de l'État de droit, des droits de l'homme ou encore de la lutte contre la corruption et le crime organisé.
Les chantiers ouverts par les deux États qui vont nous rejoindre sont immenses, à l'égal de leur volonté politique. Il est clair qu'ils continueront à conduire ces chantiers, comme le leur a légitimement demandé la Commission européenne, car ils comprennent fort bien l'exigence que nous leur imposons ainsi que l'a excellemment souligné notre collègue Jacques Blanc dans son rapport.
La confiance que nous allons accorder à nos nouveaux partenaires et le soutien vigilant que nous leur apporterons dans cette voie difficile et exigeante, ne peuvent laisser place chez nous au pessimisme ni même au doute. L'adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie n'en constitue pas moins une réelle chance pour la France et pour l'Europe : elle nous permet de poursuivre la stabilisation du continent européen et de promouvoir les valeurs démocratiques, républicaines et humanistes qui nous sont communes. Nous ne le ferons jamais assez ! Elle nous offre enfin une nouvelle occasion de penser vraiment les frontières de l'Europe.
L'élargissement de l'Union européenne à la Roumanie et à la Bulgarie, le dernier que nous ratifierons par la voie parlementaire, nous amène à réfléchir à nouveau sur deux sujets particuliers : la question de la Turquie, d'une part, le devenir des Balkans mais aussi de la Moldavie et de l'Ukraine, d'autre part.
S'agissant de la Turquie, d'abord, et en essayant de ne pas trop peiner le rapporteur, mon ami Jacques Blanc, je rappelle simplement qu'à l'UDF nous restons convaincus que ce grand pays ami ne peut, à l'heure qu'il est, entrer dans l'Union européenne.
Au-delà des réserves culturelles habituelles dont nous discutons souvent, nous ne pouvons accepter comme membre de l'Union un État qui en conteste les frontières. Je pense ici, vous l'avez compris, au problème de Chypre. De la même façon, nous soutenons évidemment le Président de la République lorsqu'il demande à la Turquie de reconnaître le génocide arménien. Nous pensons qu'elle sortirait elle-même grandie d'une telle démarche dont la portée serait formidable, en Europe et dans le monde. Ici aussi, l'exigence que nous devons afficher vis-à-vis de la Turquie doit être mise au service de relations futures qui ne peuvent être fondées que sur la confiance et la proximité.
Sur ce point entre autres, nous mesurons combien ont manqué et continuent de manquer à l'Union européenne un Président et un ministre des affaires étrangères, clairement mandatés par l'Union pour discuter avec la Turquie et ayant à rendre compte de leur mandat. Peut-on aujourd'hui imaginer et accepter que, de non-dits en non-dits, on se retrouve dans quinze ans avec une Turquie ayant satisfait aux conditions que nous lui aurons imposées pour nous rejoindre, mais à laquelle un ou plusieurs États membres diront non, engageant par leur refus l'ensemble de l'Union ?
C'est aujourd'hui qu'il faut clarifier le dossier turc, dans l'intérêt et de l'Union et de la Turquie, qui doit se sentir réellement encouragée et accompagnée sur le chemin de la démocratie et des droits de l'homme. Faute de le faire, nous préparons à l'Union et à la Turquie des lendemains bien difficiles !
Il serait irresponsable de notre part de considérer que, comme pour la dette publique ou les retraites, nos enfants régleront ce problème : c'est aujourd'hui qu'il doit être traité. Nous ne pouvons rester plus longtemps, au pire, dans l'hypocrisie, au mieux, dans l'ambiguïté.
S'agissant maintenant de la Roumanie et de la Bulgarie, nous ne pouvons ignorer les liens forts que les Balkans, la Moldavie ou l'Ukraine entretiennent avec ces deux pays. L'élargissement du 1er janvier prochain nous offre l'occasion de développer une lecture plus concrète et plus humaine à la fois de la situation et du devenir de ces pays. Une fois dans l'Union, la Bulgarie et la Roumanie auront une responsabilité particulière à leur égard, un peu comme les pays baltes assument aujourd'hui une responsabilité particulière pour établir des relations nouvelles avec la Russie.
Il faudra donc savoir écouter les Roumains et les Bulgares.
L'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie à l'Union vient à son heure pour rappeler ce que représente l'Union sur notre vieux continent et dans le monde, pour rappeler aussi que, devant l'Histoire, nous n'avons pas le droit de laisser l'Union en panne.
Il ne me reste qu'à souhaiter la bienvenue dans l'Union européenne à ces deux pays amis de la France, puisque le Sénat va accepter, je n'en doute pas, d'autoriser la ratification du traité qui rendra leur adhésion effective dans trois mois. À titre personnel, je m'en réjouis, de même que le groupe UC-UDF qui, bien sûr, votera en faveur de cette ratification.