Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, je crois que tout ou presque a été dit en ce qui concerne l'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie à l'Union européenne. Nous y sommes, semble-t-il, pratiquement tous favorables, mais encore faut-il attendre le résultat du vote, qui peut toujours réserver des surprises.
De quoi s'agit-il aujourd'hui, deux ans et demi après l'adhésion de dix pays d'Europe de l'Est à l'Union européenne ? Nous nous retrouvons pour débattre de la ratification du traité relatif à l'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie à l'Union européenne. En clair, il s'agit donc d'accepter ou non que ces deux pays deviennent respectivement les vingt-sixième et vingt-septième membres de l'Union. Nous devrions tous, ou presque, nous accorder sur ce point.
Pour sa part, le groupe UMP se félicite du texte qui nous est soumis et du pas que nous allons sans doute franchir. Avec ces adhésions, l'Union européenne va achever la démarche entamée au lendemain de la chute du mur de Berlin, en 1989, qui a permis aux pays d'Europe centrale et orientale de rejoindre la famille européenne. Ayant longtemps séjourné dans ces pays, y compris en Bulgarie et en Roumanie, et été élu pendant des années par les Français établis dans cette partie de l'Europe, j'ai pu assister au déroulement du processus. Je puis donc en témoigner, nos compatriotes résidant en Bulgarie et en Roumanie, qui sont de plus en plus nombreux, se réjouissent de cet aboutissement.
Devant l'Histoire, la construction européenne apparaîtra avant tout comme une grande oeuvre de réconciliation. Notre débat d'aujourd'hui est la suite logique et la conclusion du cinquième cycle d'élargissement. C'est donc une étape historique qui renforce le poids de l'Union européenne dans le monde et rend chacun de ses États membres plus fort et plus influent à travers elle.
Mes chers collègues, comme l'a dit notamment M. le rapporteur, un engagement avait été pris, notre parole avait été donnée aux peuples bulgare et roumain. Qui peut nier aujourd'hui la vocation de ces pays à nous rejoindre, pourvu, comme l'a souligné M. le rapporteur, qu'ils respectent les devoirs de tout candidat à l'entrée dans l'Union européenne ? En les accueillant, la France aura tenu ses promesses.
Par leur histoire et leur géographie, la Bulgarie et la Roumanie font naturellement partie de l'espace politique européen. Je crois qu'il s'agit là d'une évidence et nul ne le conteste aujourd'hui. J'y reviendrai tout à l'heure.
En tout état de cause, les liens que ces deux pays ont su nouer avec ceux de l'Union européenne, et singulièrement avec la France, manifestent bien leur volonté de s'ancrer définitivement au sein de cette organisation politique et économique.
Cela étant, si la Bulgarie et la Roumanie doivent entrer dans l'Union européenne, puisque c'est leur vocation, elles ne doivent pas le faire dans des conditions contestables, ce qui affaiblirait leur position parmi les pays membres et finalement discréditerait la construction européenne.
Il avait été reconnu que ces deux pays avaient vocation à adhérer à l'Union européenne en même temps que les dix autres pays d'Europe de l'Est l'ayant rejointe en 2004. Les mêmes conditions avaient été posées pour tous ces pays, mais c'est précisément parce que la Bulgarie et la Roumanie ne les remplissaient pas entièrement que le Conseil européen leur a réservé un sort particulier et n'a accepté d'ouvrir les négociations en vue de l'adhésion qu'en 2002.
Il convient, me semble-t-il, de souligner encore une fois que le processus de négociation a été marqué par une grande prudence de la part des institutions européennes et des États membres. Je crois même que l'on peut parler de rigueur.
Cette prudence doit être saluée, car elle est de nature à éviter les malentendus qui se présentent toujours, on le sait, lorsque de nouveaux pays adhèrent à l'Union européenne. Les États membres savent donc aujourd'hui à quoi s'en tenir concernant l'état de préparation de la Roumanie et de la Bulgarie.
À cet égard, j'ai entendu mon collègue Aymeri de Montesquiou évoquer les centrales nucléaires bulgares. Je pense qu'il a raison de souligner que de grands progrès ont été accomplis. J'étais sur place lorsqu'une alerte est survenue à la centrale de Kozloduy ; on redoutait alors l'explosion imminente d'un réacteur. C'était voilà bien longtemps, les choses ont finalement pu s'arranger et, depuis, la centrale a été totalement revue, notamment par des entreprises françaises comme EDF et Areva. J'estime donc que l'on devrait aujourd'hui manifester davantage de confiance s'agissant de ce dossier.
Cela étant, il est vrai que certaines difficultés persistent. Des dispositions exigeantes en matière de sécurité alimentaire, de protection de l'environnement ou de sûreté nucléaire ont été prises, et des clauses de sauvegarde pourront être mises en oeuvre par l'Union européenne, pendant trois ans, si la nécessité s'en fait sentir.
Encore une fois, je me réjouis de cette double adhésion, mais, comme l'ont relevé le président de la délégation pour l'Union européenne et le président de la commission des affaires étrangères, l'Union européenne devrait cesser temporairement de s'élargir après l'entrée de la Bulgarie et de la Roumanie. En effet, l'Union risque pendant assez longtemps de ne plus être en mesure d'accueillir de nouveaux membres, pour différentes raisons, institutionnelles bien sûr, mais aussi budgétaires et financières.
Je rappelle que, si l'entrée de dix nouveaux États membres en 2004 a amené un accroissement de 15 % de la population de l'Union européenne et de 20 % de sa superficie, le produit intérieur brut a progressé de moins de 5 %, car la richesse des dix nouveaux membres était inférieure à la moyenne de l'Union européenne. Sur ce plan, on l'a souligné, de grands progrès ont été accomplis, en particulier par les pays baltes. Précisons toutefois que l'adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie ne modifiera pas la situation.
Quoi qu'il en soit, une pause devra être observée pour donner le temps de la réflexion. Cela a été clairement souhaité ici : nous sommes en effet tous conscients de la crise institutionnelle, mais aussi politique, que traverse l'Union européenne. La construction européenne souffre déjà d'un déficit de confiance de la part des citoyens et ne résisterait pas, à notre avis, à de nouveaux élargissements. C'est d'ailleurs pourquoi le chef de l'État a voulu que les prochains élargissements soient soumis aux Français par la voie référendaire.
Certes, la Finlande va ratifier cette semaine le traité constitutionnel, comme nous l'a confié le Premier ministre de ce pays à Helsinki. L'Europe peine cependant à tirer les conséquences des événements de ces derniers mois, notamment des votes négatifs intervenus lors des référendums français et néerlandais. Nos concitoyens s'interrogent toujours sur le sens de la construction européenne. Ils perçoivent bien qu'un élargissement irréfléchi représenterait une fuite en avant.
Lors du dernier Conseil européen de Bruxelles, notre pays a d'ailleurs obtenu que la question de la « capacité d'absorption » de l'Union européenne soit prise en considération. Notre collègue Denis Badré s'est interrogé sur une telle expression ; parler de « capacité d'intégration » serait peut-être plus acceptable par tout le monde.